"On est minoritaire et ça se voit": entre frustration et agacement, le service minimum des macronistes sur le budget

Des députés à l'Assemblée nationale le 24 octobre 2024 - JULIEN DE ROSA / AFP
"On pensait que ce serait bouillant, avec des portes qui claquent, mais en fait c'est glacial". C'est par ces quelques mots qu'un député Renaissance résume auprès de BFMTV.com l'atmosphère au sein de la coalition gouvernementale en pleine étude du budget 2025.
Défaite sur des dispositifs à haute valeur symbolique, faible mobilisation dans l'hémicycle, coups de billards à 4 bandes... Le socle commun, comme l'appelle Michel Barnier, n'arrive pas à s'organiser.
"On est minoritaire et ça se voit"
Cas d'école ce lundi sur les très hauts revenus. Alors que la droite et la macronie renaclaient déjà à voter une contribution exceptionnelle sur les très aisés, pourtant demandée par Michel Barnier, c'est un impôt pérenne pour les plus riches qui a été adoptée lundi soir.
Il faut dire que la droite a fait le service minimum: 8 députés seulement étaient présents pour voter contre alors que leurs troupes comptent 44 élus. Même topo pour Renaissance avec seulement un tiers des parlementaires présents en hémicycle. Quant au Modem, seule une poignées d'élus ont fait acte de présence.
"On est minoritaire dans l'Assemblée depuis les dernières législatives et cela se voit", reconnaît le député Renaissance Charles Rodwell, proche de Gérald Darmanin, tout en dénonçant "un accord contre nature entre LFI et le RN" sur certains votes.
"On court beaucoup dans les couloirs en ce moment"
Si la gauche et le RN votent parfois main dans la main certains textes, c'est pourtant tout autant le cas des macronistes. Plusieurs amendements déposés par la gauche pour augmenter la fiscalité du capital ont ainsi été rejetés par Renaissance et les LR avec les voix des députés de Marine Le Pen.
Sur le papier, la coalition gouvernementale a pourtant de quoi assurer ses arrières. Les députés Horizons, Renaissance, Modem et LR sont 211 soit 19 de plus que la gauche.
"Le bloc central a été moins présent ces derniers jours mais on doit faire des choix en terme de mobilisation parlementaire. Il y avait aussi des débats importants en commission des affaires sociales", analyse un conseiller ministériel.
L'agenda à l'Assemblée nationale fait que les députés débattent en même temps dans l'hémicycle du budget et en commission du budget de la sécurité sociale, les contraignant à courir de l'un à l'autre. "On court beaucoup dans les couloirs en ce moment", résume un assistant parlementaire.
"Personne n'a trop envie de mouiller la chemise"
Sans compter sur la surmobilisation de la gauche qui veut décrocher des victoires politiques Pas question en effet pour le NFP qui se serait bien vu rentrer à Matignon avec Lucie Castets de ne pas marquer des points lors des débats.
"C'est vrai tout ça mais on est trop peu présent dans l'hémicycle et ça se voit bien sûr au moment des votes. Personne n'a trop envie de mouiller la chemise pour un Premier ministre qui ne va pas durer", reconnaît cependant un député macroniste.
Dans le camp présidentiel, on peine toujours à digérer la hausse de l'impôt pour les sociétés les plus profitables et la participation à ce que Michel Barnier appelle "l'effort national" des plus riches.
"Un peu dépitée"
Il faut dire aussi que la perspective d'un 49.3 qui permet de faire adopter le budget sans vote n'incite guère non plus à venir siéger dans l'hémicycle - d'autant plus que cette cartouche constitutionnel permet au gouvernement de retenir les amendements qu'il souhaite.
"Tout cela crée beaucoup de frustration et aussi parfois un peu de déresponsabilisation. On est parfois un peu dépité par tout cela", regrette la députée LR Véronique Louwagie.
Mais il n'y a pas que ça qui agace certains dans le socle commun. Les relations avec Matignon sont notamment pointés du doigt.
"Nous n'avons pas beaucoup d'échanges, on n'a pas beaucoup de retour sur nos amendements. Ça ne donne pas envie de venir siéger à 23h50 un lundi soir, tout ça", résume crûment un élu macroniste.
"Ce n'est pas l'entente absolue, c'est sûr. On se demande quand Matignon va revenir vers nous", tance Philippe Vigier, député Modem et ex ministre d'Élisabeth Borne.
"Un bon croche-patte à Barnier"
Le chef du gouvernement a pourtant mis de l'huile dans le rouage depuis qu'il a tancé Gabriel Attal sur son bilan à l'issue de son discours de politique générale fin septembre.
Déjeuner avec le patron des députés macronistes lundi, cocktail au ministère des relations avec le Parlement avec toutes les tendances politiques de la coalition gouvernemental quelques heures plus tard... Le chef du gouvernement y met du sien pour faire tourner la machine.
"Chacun doit faire un effort. On ne vient pas de la même famille politique mais on est obligé de s'entendre. C'est ce qu'attendent nos électeurs. Essayons au moins", exhorte le député Renaissance Denis Masséglia.
"Certains jouent au coup de force et n'attendent que de faire un bon croche-patte à Barnier pour le faire tomber", se plaint de son côté un député LR.
"Le Modem a fait vraiment n'importe quoi"
Pour ajouter encore à la morosité ambiante, l'allié historique de Renaissance, le Modem, joue sa propre partition. Avec en exemple l'élection d'un nouveau vice-président de l'Assemblée mardi pour remplacer Annie Genevard (LR) devenue ministre de l'Agriculture.
Au lieu de présenter un seul candidat, la coalition a divisé ses votes entre Virginie Duby-Muller (LR), soutenue officiellement par Renaissance et le Modem Christophe Blanchet. C'est finalement l'écologiste Jérémie Iordanoff qui a été élu.
"Le Modem a fait vraiment n'importe quoi", pique le député Renaissance Charles Rodwell.
Si les députés de Marc Fesneau ont bien retiré la candidature de leur candidat au troisième tour pour désigner le nouveau vice-président, la manœuvre n'a pas suffi pas à faire élire la droite.
"On n'est pas le chausse-pied"
Conclusion: la moitié des postes de vice-présidents de l'Assemblée reviennent donc à la NFP - une fonction aussi prestigieuse qu'importante au Palais-Bourbon.
"On n'a aucun poste d'importance depuis la nouvelle mandature. Évidemment qu'on n'est pas content. On n'est pas le chausse-pied de qui que ce soit", s'énerve l'élu Modem Philippe Vigier.
"Nous sommes les alliés historiques du président. On voit que Renaissance préfère servir LR que nous. Ce n'est pas correct", regrette encore le centriste. "On paie les conséquences de la séquence Aurélie Trouvé qui n'a pas fini de faire des dégâts", soupire de son côté un macroniste.
Début octobre, l'absention des LR couplé au vote de l'un d'entre eux avait permis de faire élire l'insoumise Aurélie Trouvé à la tête de la commission des affaires économiques à la place du macroniste Stéphane Travert, au grand dam de Gabriel Attal.
"La vérité, c'est que la moindre division entre nous donne le point à la gauche et ça, ce n'est pas la faute de Michel Barnier", analyse un député macroniste, jugeant que la coalition est "de moins en moins naturelle".
De quoi ouvrir la porte au soutien de certains du socle commun à une motion de censure contre le gouvernement ? Un collectif social-démocrate s'est lancé ce mercredi soir qui compte plusieurs ex macronistes qui ont déjà expliqué l'envisager mais aussi des élus Renaissance comme l'ex ministre de l'Agriculture Stéphane Travert.
"Le budget nous oblige à jouer plus ou moins ensemble par responsabilité pour le pays. Après, on ne promet rien", lâche un député Modem, semblant résumer à lui tout seul l'esprit du socle commun, 7 semaines seulement après l'arrivée de Michel Barnier à Matignon.