"C'est plus fort que lui": Emmanuel Macron distribue des claques et rappelle qu'il est bien aux commandes

Emmanuel Macron à Paris le 5 juillet 2025. - SEBASTIEN DUPUY / AFP
Le retour du patron. Ceux qui voyaient Emmanuel Macron être aspiré par les crises à l'international et sans volonté de peser sur la scène française, toujours sonné par le fiasco de la dissolution-surprise à l'été dernier, en sont pour leurs frais. Depuis le début du mois de juillet, le chef de l'État a multiplié les prises de parole très politiques.
"Il rappelle qu'il n'est pas que ministre des Affaires étrangères mais aussi chef de l'État et que si tout le monde pouvait faire son boulot, le pays s'en porterait beaucoup mieux", juge le député macroniste Ludovic Mendes auprès de BFMTV.
Recadrage de son Premier ministre
C'est jeudi dernier que le président a semblé revenir sur la piste de danse, après des semaines à tenter d'avancer sur le conflit entre l'Ukraine et la Russie, entre Israël et le Hamas et entre Tel-Aviv et Téhéran.
Les premiers à faire les frais de ce regain sont le chef du gouvernement, François Bayrou, et son ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau. "Le Premier ministre, il doit diriger son gouvernement", a ainsi lancé Emmanuel Macron ce jeudi, en pleine visite auprès de producteurs de roquefort dans l'Aveyron.
"Chaque ministre doit s'occuper des affaires pour lesquelles il est nommé", a-t-il encore insisté, se présentant comme "le garant de ça". "Il faut discipliner la parole".
"Un chef, ça doit cheffer, tant pis si Bayrou ne l'a pas compris"
L'objet du courroux du président: une tribune signée notamment de Bruno Retailleau pour demander l'arrêt "des subventions publiques" pour l'éolien et aux panneaux photovoltaïques, soit l'exact contre-pied de ce qu'a lancé le camp présidentiel depuis son arrivée au pouvoir en 2017.
Le locataire de Matignon, lui, n'a pas souhaité réagir après la sortie de son lieutenant. Et tant pis si Agnès Pannier-Runacher, la ministre en charge de la Transition écologique, a dénoncé de son côté "le populisme" de Bruno Retailleau.
"On va pas reprocher à Macron de se battre pour qu'on ne détricote pas tout ce qu'il a fait pour l'environnement. Ce devrait être au Premier ministre de le dire. Un chef, ça doit cheffer. Tant pis si Bayrou ne l'a pas compris", observe un cadre macroniste.
Ne pas s'effacer
Deux jours plus tard, ce n'est pas l'écologie qui a poussé Emmanuel Macron à reprendre la parole mais un meeting des Jeunes en marche (ex "Jeunes avec Macron"). Invité-surprise de leur événement, le chef de l'État a appelé ce samedi ses troupes à "l'action" plutôt qu'aux ambitions personnelles pour 2027.
Le message a le mérite de la clarté en ciblant Gabriel Attal qui a fait un nouveau pas pour la présidentielle devant les militants mais aussi son ancien Premier ministre Édouard Philippe, officiellement dans la course depuis des mois. Il signifie également qu'Emmanuel Macron compte bien s'investir dans la prochaine présidentielle et devrait donc soutenir officiellement un candidat.
Le chef de l'État, qui ne peut pas faire plus de deux mandats consécutifs, a même semblé ouvrir la porte à une éventuelle candidature en 2032. "J'ai besoin de (vous) pour dans deux ans, pour dans cinq ans, pour dans dix ans", a ainsi lancé Emmanuel Macron.
"Chassez le naturel, il revient au galop", sourit un élu qui a assisté au meeting.
"Le chant du cygne"
"Je n'ai jamais cru que le président se désintéresse aujourd'hui ou demain de ce qui se passe dans le pays. C'est sa personnalité qui veut ça", partage de son côté Ambroise Méjean, le président des Jeunes en marche.
Après avoir fait comprendre ce week-end qu'il faudrait encore compter sur lui pendant des années, le chef de l'État a fait à nouveau acte d'autorité dès ce lundi. Le président a convoqué plusieurs ministres dont Bruno Retailleau à un Conseil de défense pour lutter les Frères musulmans.
En mai dernier, lors d'une réunion sous le même format, le président s'était agacé que le nouveau patron de la droite présente des pistes d'action avant même son rendez-vous à l'Élysée. Les solutions présentées par le ministre de l'Intérieur ne l'avaient pas non plus convaincu. Rendez-vous a donc été pris pour faire mieux.
"On sait bien qu'il y a une volonté d'Emmanuel Macron de dire qu'il n'est pas encore fini. En réalité, c'est le chant du cygne", avance de son côté Stéphane Lenormand, président du groupe Liot. "En réalité, il ne lui reste qu'une seule arme, c'est la dissolution".
Risque de boomerang
Difficile de lui donner tort: un an après le second tour des législatives, le chef de l'État peut désormais à nouveau appuyer sur le bouton de la dissolution. Si le calcul semble pour l'instant improbable, il n'a rien d'impossible si François Bayrou chutait à l'automne sur le budget de l'État ou de la sécurité sociale.
Le président suit d'ailleurs la recherche des 40 milliards d'euros nécessaires, qui doivent être dévoilés par François Bayrou le 15 juillet prochain, de très près. Au point de recevoir notamment le ministre de l'Économie Éric Lombard et sa collègue au Budget Amélie de Montchalin ce lundi pour déjeuner. La question d'une année blanche devrait être sur la table tout comme l'éventuelle fin de l'abattement fiscal pour les retraités. Au risque d'en faire trop, alors qu'à la fin ce seront les députés qui auront le dernier mot.
"La stratégie est risquée. Si à la fin, Bayrou tombe et qu'on n'a pas de budget, on pourra lui dire qu'il n'a pas fait le job. C'est plus fort que lui mais il fera mieux de rester en dehors de tout ça. Il n'a que des coups à prendre", s'agace un sénateur Renaissance.
En dépit de son retrait sur la scène française, la cote de popularité d'Emmanuel Macron n'a eu de cesse de dégringoler. En juin, il ne récoltait que 21% d'opinions favorables dans un sondage Ipsos pour La Tribune Dimanche, se rapprochant de son plus bas niveau historique lors du mouvement des Gilets jaunes.