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Guerre en Ukraine, défense européenne... Pourquoi Macron cultive son rôle de chef des armées

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Le chef de l'État n'a de cesse depuis le rapprochement entre Donald Trump et Vladimir Poutine de s'activer pour renforcer la défense européenne et défendre l'Ukraine. Sa position est facilitée par la Constitution, le contexte international et son volontarisme sur les dossiers depuis 2017.

Des scènes inédites qui résument à elles seules la position d'Emmanuel Macron. Une allocution sur le tarmac d'une base militaire aérienne en Haute-Saône, au cœur du dispositif de sécurité de l'OTAN ce mardi 18 mars, une rencontre avec 30 chefs d'État-majors la semaine dernière avant d'enchaîner avec un raout à l'Élysée avec tous les industriels de l'armement français...

Depuis le 13 février dernier et l'appel entre Vladimir Poutine et Donald Trump qui a marqué un renversement d'ampleur sur la scène internationale, Emmanuel Macron s'est démultiplié en endossant ses habits de chef des armées.

"La nature a horreur du vide", décrypte le centriste Olivier Cadic, vice-président de la commission de la Défense au Sénat auprès de BFMTV.com. "Les États-Unis se détournent de l'Union européenne, regardent vers l'Asie, la Russie."

"On a besoin d'un nouveau leader sur le continent et ça Macron l'a bien compris", estime ce parlementaire.

De nombreux atouts

Sans gouvernement allemand avant au moins plusieurs semaines et avec une présidente de la Commission européenne dénuée de pouvoir sur les sujets de défense, le chef de l'État n'a pas eu de mal à prendre la tête des discussions entre Européens.

Il faut dire que la France a de nombreux atouts dans sa manche. L'Hexagone fait partie des cinq pays à avoir un siège permanent au Conseil de sécurité de l'ONU, possède une industrie de défense très robuste avec Airbus, Dassault et Safrane et dispose de l'une des armées les plus puissantes du monde.

"Nos seuls concurrents auraient pu être les Anglais mais ils restent traumatisés par la guerre en Irak et sont toujours proches des Américains", partage également un ex-député Modem, spécialiste des questions internationales. "Toutes les planètes étaient alignées pour nous.

À cette situation très favorable, il faut encore ajouter que Paris est la seule sur le continent européen à disposer de façon totalement indépendante de l'arme nucléaire, contrairement à Londres.

"Tout ça fait qu'on a un rôle très particulier à jouer dans un moment où on sent que le monde est en train de basculer", décrypte encore l'ex-ministre Jean-Louis Thériot, un temps bras droit du ministre des Armées Sébatien Lecornu.

Emmanuel Macron jouit également d'une liberté sans égale sur les questions de défense. Il est constitutionnellement le chef des Armées et peut à tout moment décider d'appuyer sur le bouton nucléaire.

"Évident que Macron en profite"

"Quand vous êtes la Première ministre italienne, vous dépendez d'un Parlement et de l'équilibre des forces politiques. Ce n'est pas le cas chez nous", avance le député Renaissance Thomas Gassiloud, ex-président de la commission de la Défense.

"À part peut-être aux États-Unis, nulle part un président occidental n'a autant de latitude sur les questions militaires", observe un ancien conseiller ministériel de Sébastien Lecornu. "C'est évident qu'Emmanuel Macron en profite, d'autant plus qu'il a théorisé tous nos atouts depuis longtemps."

En 2017, quelques semaines à peine après son élection, le locataire de l'Élysée s'était fendu d'un long discours à La Sorbonne dans lequel il appelait à la mise en place d'une armée européenne commune. À l'époque, c'est la question des attentats sur le sol européen qui sollicitaient toute son attention.

"Face à l'internationale du terrorisme, l'Europe de la sécurité doit être notre bouclier. Ils s'infiltrent partout en Europe, leurs ramifications sont là", avait expliqué le chef de l'État. "C'est donc ensemble, en Européens, que nous nous devons d'agir, de la prévention à la répression." Sans susciter à l'époque de grands résultats.

"On a eu un président qui n'a pas toujours eu de l'humilité dans ses propos, ce qui est rarement la meilleure façon d'attirer nos alliés", observe l'ancien ministre délégué aux Armées Jean-Louis Thiériot, espérant désormais que le chef de l'État "fasse mieux".

Certains reprochent encore au président de la République un discours inconsistant. "C'est très bien qu'on parle de 'menace russe' aujourd'hui. Mais quand on a appelé au début de la guerre en Ukraine à ne pas 'humilier la Russie', ça veut dire qu'on ne sait pas sur quel pied danser", observe un député Modem qui suit de près ce dossier.

"Je crains que nos partenaires ne nous fassent pas totalement confiance sur le sujet", juge encore ce parlementaire qui voit cependant comme "une chance que le Royaume-Uni et l'Allemagne aient désormais des dirigeants qui n'avaient jusqu'ici jamais travaillé avec nous".

"Sa chance"?

En attendant, pour la première fois depuis la dissolution, Emmanuel Macron retrouve un peu d'air dans les sondages de popularité. Le chef de l'État récolte désormais 27% d'opinions favorables selon un sondage Ipsos pour La Tribune Dimanche publié le week-end dernier.

Il était pourtant en janvier dernier proche de son plus bas niveau depuis ans et la crise des gilets jaunes. "L'international est en train de rentrer dans le quotidien des Français. Heureusement qu'on le crédite de son volontarisme", se réjouit un proche du président.

"Il était devenu celui qui inaugure les chrysanthèmes. Si j'étais cynique, je dirais que toute la situation à l'international est sa chance", tance de son côté un député LR, membre du groupe d'amitié France-Russie.

Avec désormais un impératif pour Emmanuel Macron: réussir à décrocher des victoires concrètes, d'une trêve entre l'Ukraine et la Russie à la hausse effective du budget de la défense européenne en passant par l'éventuel déploiement des troupes françaises à la frontière entre Kiev et Moscou pour assurer le respect de la pause dans les combats.

Marie-Pierre Bourgeois