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Allocution de Macron: Ukraine, Trump, bouton nucléaire... Les gros sujets sur la table pour le président

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Dans un moment de bascule géopolitique autour d'un rapprochement entre Washington et Moscou, le chef de l'État s'exprime ce mercredi soir à l'Élysée. Emmanuel Macron devrait revenir sur son projet de trêve entre l'Ukraine et la Russie.

Une allocution-surprise à la veille d'un Conseil européen capital pour l'avenir de l'Ukraine. Emmanuel Macron a annoncé ce mercredi matin qu'il s'exprimerait quelques heures plus tard à 20h depuis l'Élysée "dans ce moment de grande incertitude où le monde est confronté aux plus grands défis".

Cette prise de parole intervient après une semaine de basculement géopolitique, symbolisée par l'altercation entre le président américain Donald Trump et le dirigeant ukrainien Volodymyr Zelensky et "la pause" de l'aide américaine en Ukraine.

Le président, très actif sur la scène internationale ces dernières semaines, devrait balayer les nombreux dossiers chauds sur la table et annoncer "les prochaines étapes" d'un processus diplomatique très incertain.

• L'aide versée à l'Ukraine

Premier sujet au menu pour le chef de l'État français: la question de l'aide européenne versée à l'Ukraine, après la décision surprise des États-Unis de stopper son soutien militaire. Si la suspension décidée par Washington concerne essentiellement l'aide déjà approuvée par l'ancienne administration de Joe Biden, déjà largement versée à Kiev, il reste encore des armes et des équipements militaires à livrer.

Emmanuel Macron pourrait donc annoncer vouloir débloquer des fonds français pour financer la poursuite des combats, à l'instar du futur chancelier Friedrich Merz. L'Allemand a expliqué ce mercredi matin vouloir obtenir un accord gouvernemental pour obtenir une rallonge autour de 3 milliards d'euros. Mais la décision serait délicate dans un contexte d'argent public rare.

Le chef de l'État pourrait préférer exhorter ses partenaires européens, qu'il va rencontrer ce jeudi à Bruxelles, à se mettre d'accord pour que l'Union européenne soutienne plus largement financièrement l'Ukraine.

"Se substituer" à l'aide américaine est "un devoir de civilisation" a insisté François Bayrou devant les députés mardi, appelant à "réunir tous les moyens" possibles avec d'autres pays européens pour compenser le gel de l'aide américaine.

• Les contours d'une proposition de trêve

Second point chaud de l'allocution du président: la question d'une trêve entre l'Ukraine et la Russie. Le locataire de l'Élysée a présenté dimanche soir une proposition de plan franco-britannique qui allait dans ce sens, prenant la forme d'une pause dans les combats "dans les airs, sur les mers et les infrastructures énergétiques" d'un mois.

De quoi "tester la bonne foi" de Vladimir Poutine, a explicité le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot sur France inter lundi.

Il s'agirait concrètement d'une sorte de pause dans les frappes réciproques tandis que les combats se poursuivraient sur le terrain. Et pour cause: la ligne de front qui fait plus de 1.200 kilomètres serait quasiment impossible à surveiller.

Problème: le secrétaire d'État anglais aux Forces armées a tempéré le lendemain les propos d'Emmanuel Macron, craignant qu'une "courte pause ne permette simplement aux forces russes de se reconstituer, de se réarmer, de se regrouper et de lancer une nouvelle attaque".

Donald Trump a annoncé ce mardi soir devant le Congrès avoir reçu une lettre de son homologue ukrainien dans laquelle il exprime sa volonté d'entamer des négociations visant à mettre fin à la guerre. Emmanuel Macron devrait donc tenter de pousser son avantage en appelant publiquement ses partenaires européens à soutenir son plan de trêve.

• Une intervention des armées européennes sur le sol ukrainien

Le président français devrait également revenir sur le second volet de la trêve qu'il compte proposer avec une intervention des troupes européennes sur le sol ukrainien "une fois la paix signée", comme il l'a expliqué au Figaro samedi.

Mais pour l'instant, la question d'un déploiement dse troupes issues des différents pays européens n'a suscité que des désaccords au sein de l'UE. Il faut dire qu'une opération de ce type suscite d'innombrables questions.

Combien de militaires faudrait-il envoyer alors que la plupart des pays européens peinent à recruter pour leurs armées? Quels matériels utiliser? Qui pour commander et avec quel mandat? Et surtout dans un but de maintien de la paix ou en étant prêt à se battre contre les forces russes si besoin?

Vladimir Poutine a déjà fait savoir de son côté qu'il était opposé à ce type d'intervention.

• L'éventuelle saisie des avoirs russes

De nombreux avoirs russes ont été gelés depuis le début de la guerre en Ukraine, des comptes bancaires à des propriétés en Europe des oligarques russes en passant par transactions commerciales, le tout pour un montant de 235 milliards d'euros. Depuis, les profits dégagés par ces avoirs sont utilisés pour financer l'armée ukrainienne et ont rapporté entre 2,5 à 3 milliards d'euros.

Mais face aux besoins de financement qui vont probablement exploser dans les prochaines semaines, des voix comme celle de l'ex Premier ministre Gabriel Attal, désormais président du groupe d'amitié France-Ukraine, se font entendre pour saisir ces avoirs, les liquider et utiliser cet argent pour Kiev. La cheffe de la diplomatie européenne Kaja Kallas a elle aussi plaidé pour utiliser directement ces fonds pour aider l'Ukraine, tout comme la Pologne, la Suède ou encore les pays baltes.

Pour l'instant, Emmanuel Macron a toujours refusé cette option, voyant dans la saisie des avoirs russes un acte qui "ne respecte pas le droit international" comme il l'a expliqué à Washington la semaine dernière. Mais le chef de l'État, à la recherche d'un accord avec ses partenaires européens sur un projet de trêve, pourrait vouloir lâcher du lest.

• Le partage du parapluie nucléaire français

Autre sujet chaud: l'élargissement de la dissuasion nucléaire française à toute l'Europe. Seul pays avec le Royaume-Uni en Europe à posséder l'arme nucléaire, Emmanuel Macron s'est dit prêt dimanche auprès du Parisien à un "dialogue stratégique" avec les pays européens qui n'ont pas l'arme nucléaire pour ne plus dépendre de la dissuasion américaine.

Concrètement, la manœuvre permettrait d'envoyer un message clair à Vladimir Poutine en lui indiquant que toute arrivée de missile russe sur un pays membre de l'UE ne se verrait pas rester sans réponse.

Si la proposition a agacé le Rassemblement national tout comme une partie de la droite, elle a été largement saluée par l'Allemagne. De quoi probablement pousser Emmanuel Macron, qui avait déjà abordé le sujet en 2020 et en 2022, à persister et signer dans son allocution.

Mais ce geste pose de nombreuses questions, à commencer par la question de la crédibilité des forces nucléaires françaises si leur rôle était élargi à l'ensemble du continent.

• Les relations avec Donald Trump

Le chef de l'État devrait également revenir sur la stratégie qu'il compte adopter face à Donald Trump. Pour l'instant, le président français a choisi de maintenir le dialogue, se mettant notamment en scène à ses côtés dans le bureau ovale lundi dernier. Depuis son retour au pouvoir, Emmanuel Macron a toujours fait valoir que le milliardaire américain était "un allié solide" pour la France.

Mais le locataire de l'Élysée pourrait également hausser le ton alors que Donald Trump menace d'imposer des surtaxes de 25% sur les produits européens dans les prochaines semaines. La mesure inquiète tout particulièrement le secteur du vin, des spiritueux et du luxe.

"Si nous étions attaqués sur les sujets commerciaux, l'Europe, comme une puissance qui se tient, devra se faire respecter et donc réagir", a avancé le dirigeant français lundi depuis Bruxelles.

Marie-Pierre Bourgeois