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Investiture de Donald Trump: à quoi ses relations avec Emmanuel Macron pourraient ressembler

Donald Trump et Emmanuel Macron à Londres le 3 décembre 2019

Donald Trump et Emmanuel Macron à Londres le 3 décembre 2019 - Ludovic MARIN / AFP / POOL

La diplomatie française hésite sur le cap à donner aux relations transatlantiques. Le chef de l'État français va tenter de dégonfler les menaces de hausse de taxes sur des produits français tout en essayant d'incarner la voix de l'Union européenne, très affaiblie.

Les montagnes russes, une opération séduction, un bras de fer? Alors que Donald Trump est de retour à la Maison Blanche, après avoir prêté serment lors de son investiture à Washington DC ce lundi 20 janvier, il est bien difficile de savoir à quoi vont ressembler les échanges entre Emmanuel Macron et le nouveau président des États-Unis.

Si le chef de l'État français a été l'un des tous premiers dirigeants mondiaux à saluer la victoire de Donald Trump en novembre, il semble lui-même hésiter à choisir sa partition.

Service minimum pour l'investiture

"Si on décide d'être faibles et défaitistes, il y a peu de chances d'être respectés par les États-Unis d'Amérique du président Trump", a martelé le chef d'État français dans son discours aux ambassadeurs début janvier, tout en rappelant la nécessité de "coopérer" avec le milliardaire américain qui "sait qu'il a en France un allié solide".

En attendant, l'Élysée n'a pas choisi d'avoir d'égard particulier pour les premiers pas du second mandat de Donald Trump.

Alors que certains dirigeants sont venus en personne assister à son investiture, à l'image de l'Italienne Giorgia Meloni ou du Hongrois Viktor Orban, Paris a fait le choix d'envoyer son ambassadeur aux États-Unis, Laurent Bili.

"C'est l'usage pour ce type d'investiture et comme pour la plupart de nos partenaires", banalise le porte-parole du Quai d'Orsay Pascal Confavreux auprès de BFMTV.com.

Exit une stratégie basée sur "l'ego" de Trump

En réalité, la diplomatie française phosphore et réfléchit à l'approche qu'elle veut adopter avec le dirigeant américain, bien plus préparé que lors de sa première élection en 2016.

Emmanuel Macron avait su alors se rapprocher habilement de Donald Trump. Il avait été le premier dirigeant étranger à avoir les honneurs d'une visite d'État avec un dîner symbolique à Mount Vernon, la prestigieuse résidence de George Washington, avant une visite d'État en France en très grande pompe avec, en guise de point d'orgue, un dîner en haut de la tour Eiffel.

Les résultats avaient été plus que maigres, ne faisant pas bouger les grandes lignes, notamment sur la guerre en Syrie.

"Emmanuel Macron avait choisi de séduire Donald Trump. Ça n'a pas marché parce qu'il fonctionne à l'ego mais surtout en fonction des intérêts économiques américains", résume Jean-Baptiste Velut, professeur d'études américaines à Paris-3.

"On ne parle pas du tout la même langue"

Le chef de l'État va pourtant devoir rapidement trouver le mode d'emploi pour s'adresser à Donald Trump avec plusieurs dossiers chauds tout en haut de la pile comme la question de l'augmentation des droits de douane sur les produits européens d'au moins 10 à 20%.

Mode, parfums, vins et spiritueux... La mesure pourrait durablement frapper la France. Les exportations de vin français vers les États-Unis pèsent à elles seules 2,1 milliards dans la balance commerciale française.

"On a un handicap. On ne parle pas du tout la même langue qu'eux qui ont une approche de businessman", nous traduit un ex-diplomate.

C'est par exemple le magnat de l'immobilier Charles Kushner qui va être nommé ambassadeur des États-Unis en France.

"Des herbivores et des carnivores"

Autre sujet brûlant: la question de la défense avec les dépenses de l'OTAN dans le viseur de Donald Trump. Quelques jours à peine après les résultats des élections américaines, Emmanuel Macron n'avait pas fait semblant.

Présent à Budapest aux côtés du secrétaire général de l'OTAN, le locataire de l'Élysée avait appelé à une accélération du développement de la défense européenne avec une formule lourde de sous-entendus.

"Pour moi, c’est simple. Le monde est fait d’herbivores et de carnivores. Si on décide de rester des herbivores, les carnivores gagneront et nous serons un marché pour eux", avait alors lancé le président français.

Mais les tensions semblaient être redescendues d'un cran lors de la réouverture de Notre-Dame en décembre dernier. Donald Trump avait ainsi choisi Paris pour son premier déplacement à l'international depuis sa réélection.

Le geste, fort symbolique, a été couplé à une réunion tripartite entre Emmanuel Macron, le dirigeant américain et le président ukrainien Volodymyr Zelensky, plus que jamais à la recherche d'un accord avec la Russie pour sortir de la guerre en Ukraine.

"L'Europe ne sait pas sur quel pied danser"

De quoi permettre au président français, en grande difficulté sur la scène intérieure, de se positionner comme négociateur dans le conflit entre Kiev et Moscou et de tenter de jouer le bras de fer entre l'Union européenne et les États-Unis. Pour l'instant, la patronne de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen, lui laisse le champ libre.

Alors que Donald Trump a menacé d'annexer le Groenland qui appartient au Danemark, un pays membre de l'UE, elle n'a guère haussé le ton.

"Il ne faut pas être naïf. Macron va avoir du mal à jouer sa carte sans soutien européen et on voit que l'UE ne sait pas sur quel pied danser", résume Sébastien Boussois, enseignant en relations internationales.

Il faut dire que Bruxelles n'est pas en position de force avec un couple franco-allemand, historiquement moteur de l'Europe, à l'arrêt depuis des mois. Donald Trump pourrait choisir de s'appuyer sur l'Italie et la Pologne, qui détient actuellement la présidente tournante de l'UE, pour pousser son avantage.

Une liste de courses en forme de "deals"

Contrairement à 2017, le président américain arrive également à la Maison Blanche avec des amis extérieurs aux frontières de son pays, de ceux déjà élus comme Viktor Orban au député britannique Nigel Farage en passant par la chef de l'AFD Alice Weidel en Allemagne.

C'est dans ce contexte compliqué que l'Union européenne pourrait vouloir présenter à Donald Trump une sorte de liste de courses que pourraient faire les pays européens pour désamorcer les tensions.

Achat d'armes à Washington si la promesse de surtaxe douanière ne s'applique pas, contrats sur le gaz naturel liquéfié, marchés réservés à des entreprises américaines pour la reconstruction de l'Ukraine...

"Il faut qu'on soit dans des 'deals' comme l'est Donald Trump, qu'on se mette dans sa logique pro-business. C'est à ce prix-là que nous nous ferons respecter", traduit un ex-diplomate.

Lors d'un déplacement à Pau quelques heures avant l'investiture de Donald Trump, François Bayrou a estimé que la France et l'Union européenne seraient "écrasées" par la politique de Donald Trump sans réaction forte.

Marie-Pierre Bourgeois