Investiture de Trump: le président américain va-t-il utiliser les énergies fossiles comme une arme géopolitique?

"Nous allons forer à tout va". Cette expression choc employée par Donald Trump lors de la dernière campagne présidentielle américaine résume les grandes lignes de la politique énergétique que souhaite mener le nouveau locataire de la Maison Blanche. Le nouveau président américain a promis de faire baisser l'inflation et les prix de l'énergie aux États-Unis et cela se traduira par une production d'énergies fossiles accrue alors que le pays est déjà le premier producteur mondial de pétrole.
"Avec la domination énergétique des États-Unis, nous réduirons l'inflation, remporterons la course aux armes de l'intelligence artificielle face à la Chine (et les autres), renforcerons le pouvoir diplomatique américain et mettrons fin aux guerres dans le monde", estimait-il mi-novembre dans un texte annonçant la création d'un Conseil national de l'énergie.
Plusieurs analystes redoutent d'ores et déjà que le nouveau mandat du Républicain soit également marqué par de nouvelles guerres commerciales dont certaines entraveraient justement la demande d'or noir. Les inquiétudes persistent quant à la pression potentielle des tarifs commerciaux par Donald Trump sur l'économie chinoise, qui freinerait la demande de pétrole du plus grand importateur mondial. Début novembre, Pékin a d'ailleurs averti qu'il n'y aurait "pas de gagnants dans une guerre commerciale" avec Washington.
Réduire le déficit commercial avec l'UE
L'Europe est également dans le viseur de Trump. Il y a tout juste un mois, le président américain a menacé l'Union européenne de taxes douanières si elle ne réduit pas son excédent commercial avec Washington en lui achetant du pétrole et du gaz.
"J'ai dit à l'Union européenne qu'elle devait combler son énorme déficit avec les États-Unis en achetant à grande échelle notre pétrole et notre gaz", a écrit le milliardaire républicain dans un message sur son réseau social Truth.
"Sinon, ce sont les TARIFS DOUANIERS jusqu'au bout !!!", a menacé Donald Trump.
Dans son commentaire, il semblait plutôt évoquer le déficit commercial des États-Unis avec l'Union européenne. Les importations de biens en provenance de l'UE s'élevaient à 553,3 milliards de dollars en 2022, tandis que les exportations des États-Unis vers les Vingt-Sept représentaient 350,8 milliards de dollars, selon les chiffres américains.
L'Union européenne avait réagi dans la foulée en se disant prête à envisager les "moyens de renforcer une relation déjà solide, y compris en discutant de nos intérêts communs dans le secteur de l'énergie" avec Donald Trump, selon un porte-parole de la Commission européenne. L'UE soulignait également qu'il fallait prendre en compte l'ensemble de la balance commerciale. L'UE a certes un excédent commercial "substantiel" en ce qui concerne les biens, mais les États-Unis ont de leur côté un excédent également "substantiel" en ce qui concerne les échanges de services.
Hausse des importations européennes de GNL américain
Quelques jours à peine après la victoire de Trump, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen avait déjà évoqué début novembre la possibilité que les Etats-Unis fournissent plus de gaz naturel liquéfié (GNL) à l'UE en remplacement du gaz russe. "Nous recevons encore beaucoup de GNL de Russie alors pourquoi ne pas le remplacer par du GNL américain qui est moins cher pour nous et fait baisser nos prix de l'énergie?", s'était-elle interrogée lors d'une conférence de presse, à l'issue d'un sommet européen à Budapest.
L'Union européenne a déjà considérablement accru ses achats de GNL américain depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie en février 2022, mais elle n'a pas réussi à couper complètement le lien énergétique avec Moscou. Interrogé sur la manière de réagir face aux menaces de Donald Trump, le chancelier allemand Olaf Scholz a, lui aussi, insisté sur le fait qu'il était possible de trouver des terrains de compromis avec Washington.
"En fin de compte, la croissance et la force des États-Unis reposent aussi sur le fait qu'ils font du commerce avec le monde entier, et ce dans les deux sens", a-t-il souligné. "De ce point de vue, je pense que les bases sont là pour que l'on développe une politique commune".
Outre le pétrole, la présidence de Donald Trump aux États-Unis, devrait effectivement conduire à une accélération de l'expansion des infrastructures américaines de GNL. Chris Wright, le candidat choisi par Trump comme secrétaire à l'Énergie, a d'ailleurs plaidé en ce sens lors de sa récente audition par la commission sénatoriale à l'Énergie et aux Ressources naturelles, qui fait partie du processus de confirmation à son poste au sein du gouvernement.
Et l'Europe devrait donc être le bénéficiaire majeur d'un renforcement de l'offre gazière mondiale : comme en 2019, la guerre commerciale qui se dessine entre les États-Unis et la Chine pourrait perturber les flux de GNL entre les deux pays. Cela impliquerait une concurrence moins importante sur la demande de gaz américain, tandis que l'UE pourrait utiliser ses achats de GNL dans le cadre de négociations commerciales avec les États-Unis, afin d’éviter des tarifs douaniers punitifs.
Les droits de douane seront un levier privilégié par Trump
L'UE a conclu le 6 décembre un vaste accord commercial avec quatre pays sud-américains du Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay) visant à créer une zone de libre-échange de 700 millions de consommateurs. Ursula von der Leyen avait alors assuré que l'accord créerait des ponts commerciaux au moment où "des vents forts soufflent dans la direction opposée, vers l'isolement et la fragmentation", un commentaire considéré comme une allusion aux menaces de Donald Trump d'augmenter les droits de douane.
Donald Trump a menacé d'imposer des droits de douane sévères aux partenaires commerciaux des États-Unis, notamment le Canada, le Mexique et la Chine, ce qui pourrait avoir des répercussions sur l'économie mondiale. Les menaces tarifaires du président américain pourraient être une fanfaronnade ou un moyen de pression en vue des futures négociations commerciales lorsqu'il prendra ses fonctions. Mais il n'a cessé d'insister sur le fait que des droits de douane "correctement utilisés" seraient positifs pour l'économie américaine.
"Notre pays est actuellement perdant face à tout le monde", avait-il déclaré mi-décembre. "Les taxes douanières rendront notre pays riche."