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Élysée

"C'est à lui de nous sortir de la mouise": après la démission de Sébastien Lecornu, la pression est maximale sur Emmanuel Macron

Emmanuel Macron à Copenhague pour un sommet européen le 1er octobre 2025

Emmanuel Macron à Copenhague pour un sommet européen le 1er octobre 2025 - Photo par SEBASTIAN ELIAS UTH / Ritzau Scanpix / Ritzau Scanpix via AFP

Le chef de l'État se retrouve à nouveau au pied du mur et doit parvenir à sortir le pays de la crise politique. S'il tente de gagner du temps, le champ des options se rétrécit de plus en plus.

Son téléphone collé à l'oreille, sa silhouette glisse le long des quais de la Seine. Ces images, quelques dizaines de minutes après la démission surprise de Sébastien Lecornu résume la situation d'Emmanuel Macron. Revoici le chef de l'État, qui a essayé ces derniers mois de s'extirper du bourbier de l'instabilité politique, frapper de plein fouet par une situation politique qu'il a lui-même créé avec le fiasco de la dissolution de 2024.

Et s'il a confié à son premier ministre démissionnaire, le plus furtif de la Ve République, d'ultimes négociations jusqu'à mercredi, sans doute le sait-il à l'avance : le piège s'est refermé sur lui. Jadis maître des horloges, il tente aujourd'hui de gagner du temps. Aucune prise de parole de sa part n'est "prévue à ce stade", précise l'Élysée. "Le but, c'est d'avoir bien toutes les cartes en main", commente un élu Renaissance. On peine en tout cas à imaginer que Sébastien Lecornu puisse parvenir à trouver un accord avec les oppositions en seulement 48 heures, après avoir acté ce lundi matin ne pas y être parvenu en un mois.

"On voit bien qu'il essaie de refiler le mistigri à quelqu'un d'autre. Mais c'est à lui de nous sortir de la mouise. Il en est responsable. il faut qu'il assume", tranche l'ancien député macroniste Patrick Vignal auprès de BFMTV.

Désireux ces derniers mois de se concentrer sur la scène internationale afin d'éviter une atmosphère politique irrespirable, le président se retrouve à nouveau au pied du mur. Et peu d'options s'offrent à lui désormais.

Quelles sont les conséquences économiques de la démission de Sébastien Lecornu?
Quelles sont les conséquences économiques de la démission de Sébastien Lecornu?
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La piste d'un Premier ministre de gauche

La première serait de changer son fusil d'épaule et d'accepter de nommer un Premier ministre de gauche comme le réclament le PS et les écologistes. Le geste serait très symbolique. Le Nouveau front populaire a beau être sorti en tête des urnes lors des législatives anticipées, Emmanuel Macron s'est jusqu'ici toujours refusé à nommer une personnalité de gauche.

En guise d'argument, les proches du président ont expliqué à plusieurs reprises que la gauche n'arriverait pas à dégager une majorité à l'Assemblée. Il ne semble pourtant pas impossible qu'une personnaité relativement consensuelle puisse parvenir à arrimer Renaissance, le Modem, les écologistes, les communistes et les Liot, ce petit groupe de députés hétéroclites.

Cela permettrait d'obtenir 273 députés. Ce n'est certes toujours pas 289 députés requis pour atteindre le seuil de majorité absolue, mais c'est toujours plus que les 211 élus qui composent actuellement le socle commun.

Problème: une telle nomination impliquerait que le chef de l'Etat accepte une cohabitation. Y est-il prêt? La question se pose alors même qu'Emmanuel Macron n'a manifestement pas accordé la possibilité à Sébastien Lecornu de lâcher plusieurs totems de la macronie.

La taxe sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros portée par l'économiste Gabriel Zucman et la suspension de la réforme des retraites, qui aurait permis d'obtenir la bienveillance des socialistes n'ont jamais été vraiment envisagées par le Premier ministre démissionnaire.

"Emmanuel Macron estime qu'il est garant des réformes de ses deux quinquennats et que cela a amélioré l'image de la France à l'étranger en montrant qu'on était prêt à faire des réformes. Franchement, je ne le vois pas changer d'avis là-dessus", juge un député macroniste. "S'il avait dû nommer quelqu'un de gauche, il l'aurait probablement déjà fait", partage également l'ex-député Modem, un temps conseiller de François Bayrou à Matignon, Bruno Millienne.

Le président pourrait également choisir de couper la poire en deux et de nommer un gouvernement technique, sans personnalité politique, le temps de déposer un budget à l'Assemblée nationale et de parvenir à faire voter une loi spéciale pour débloquer chaque mois une tranche d'argent pour faire tourner les services publics.

La méthode serait inédite. Technique ou pas, rien n'empêcherait cependant l'Assemblée de renverser à nouveau ce gouvernement, faisant repartir les institutions à la case départ.

Une nouvelle dissolution? "Je n'y crois pas"

Une nouvelle dissolution pourrait aussi se dessiner à l'horizon d'Emmanuel Macron. Comme il l'avait fait à l'été dernier après des élections européennes castastrophiques, le président pourrait appuyer sur cette cartouche institutionnelles pour convoquer de nouvelles législatives. La présidente des députés RN, Marine Le Pen, la juge "absolument incontournable".

Mais convoquer les électeurs à nouveau aux urnes changerait-il vraiment la donne et permettrait-elle de dégager une majorité absolue? Rien n'est moins sûr. Plusieurs sondages publiés cet été avancent que les députés du parti à la flamme reviendraient plus nombreux à l'Assemblée, sans cependant atteindre la barre des 289 députés.

Le camp présidentiel pourrait de son côté en ressortir laminé après avoir déjà divisé par deux son nombre d'élus à l'été 2024.

"On a beaucoup reproché à Emmanuel Macron la précédente dissolution. Et il en referait une? Je n'y crois pas. Et si la situation qui en sort est encore pire que celle que nous avons déjà, la pression serait encore plus forte sur lui", avance le patron de l'UDI, Hervé Marseille.

Unique certitude: si le président se ralliait à cette possibilité, il devrait en amont consulter Gérard Larcher, le président du Sénat et son homologue de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet.

La démission, hautement improbable. Sauf si....

Emmanuel Macron connaîtra-t-il son moment gaullien ? Et comme le général, le 27 avril 1969, peut-il démissionner. Longtemps inenvisageable et seulement réclamée par La France insoumise, une partie des LR la demande désormais à l'instar du vice-président des LR, David Lisnard. Marine Le Pen a, de son côté, estimé qu'elle n'avait pas à "appeler" le chef de l'État à démissionner mais qu'elle trouverait cette décision "sage".

L'hypothèse semble pour l'instant très improbable. Interpellé à plusieurs reprises à ce sujet, Emmanuel Macron a toujours fermé la porte. IPendant la campagne présidentielle de 2022 sur la question des retraites, il avait ainsi répondu à un passant: "Je ne vais pas démissionner."

Les insoumis ont également déposé une motion de destitution d'Emmanuel Macron, dont la recevabilité sera examinée mercredi par le Bureau de l'Assemblée, sa plus haute instance exécutive. Mais la procédure, très complexe et nécessitant de nombreuses étapes, semble vouée à l'échec à ce stade.

En attendant, Emmanuel Macron a promis de "prendre ses responsabilités" en cas de nouvel échec de Sébastien Lecornu. La formule, volontairement floue, et peu courante dans la bouche du chef de l'État, laisse la porte ouverte à bien des interprétations.

Marie-Pierre Bourgeois