BFM Business
Finances publiques

Avec la démission de Sébastien Lecornu, la France se retrouve (encore) sans budget et devra probablement recourir à nouveau à une loi spéciale

placeholder video
La démission de Sébastien Lecornu rend peu probable le vote d'un projet de loi de finances avant la fin de l'année. Comme en 2025, la France devra sans doute recourir à la loi spéciale.

Comme en 2025, la France va-t-elle entamer l’année 2026 sans budget? C’est désormais plus que probable alors que la démission surprise de Sébastien Lecornu ce lundi a rendu l’adoption d’un projet de loi de finances (PLF) dans les temps quasi impossible.

Selon le site du gouvernement consacré au projet de loi de finances, le projet de budget doit en théorie être présenté au conseil des ministres "avant le premier mardi d'octobre", c'est-à-dire ce mardi 7, et déposé à l'Assemblée nationale "au plus tard le 13 octobre" pour que le Parlement dispose des 70 jours prévus par la Constitution pour en débattre. Avant d'arriver au Parlement, le texte est également examiné au préalable par le Conseil d'État et le HCFP. Le Haut conseil dispose ensuite de sept jours pour transmettre confidentiellement son avis, qui ne sera rendu public que lors du dépôt du PLF au Parlement.

Un budget par un gouvernement démissionnaire?

Les délais ne seront donc pas respectés. Pour autant, on peut imaginer qu’un nouveau gouvernement soit nommé rapidement pour déposer un texte le 13 octobre, "mais ce n’est pas le scénario le plus probable", juge sur BFM Business François Ecalle, spécialiste des finances publiques. D’autant qu’il faudra sans doute une copie très différente de celle de Sébastien Lecornu pour espérer la faire valider par le Parlement. Ce qui demande du temps. De la même manière, une dissolution voire une démission d’Emmanuel Macron ne permettraient probablement pas de voter un budget avant la fin de l’année.

Autre possibilité: le dépôt d’un projet de budget par le gouvernement démissionnaire. Si les députés et sénateurs ne sont pas censés légiférer sans gouvernement de plein exercice, le secrétariat général du gouvernement reconnaissait malgré tout en septembre que "la question de la possibilité juridique d’une activité législative avec un gouvernement démissionnaire est inédite et d’une résolution délicate". Il n’excluait pas notamment la possibilité de prendre "des mesures financières urgentes" pour "doter la France d'un budget". Cela n’est toutefois jamais arrivé et serait sans doute contesté.

Le secrétariat général du gouvernement évoquait aussi la possibilité de "faire un budget par ordonnances" mais "à la seule condition d’avoir tenté de faire voter un projet de loi et échoué à le faire voter en 70 jours". Légiférer par ordonnances risquerait par ailleurs d’accentuer la crise politique au sein du Parlement.

Les Experts : Instabilité, quel avenir pour le budget ? - 06/10
Les Experts : Instabilité, quel avenir pour le budget ? - 06/10
28:29

La loi spéciale, scénario le plus probable

Raison pour laquelle le recours à la loi spéciale budgétaire qui reprendrait les crédits du budget précédent comme ce fût le cas en début d’année reste le scénario le plus probable en l’absence projet de loi finances: "c’est-à-dire qu’il n’y aura pas de loi de finances votée avant la fin de l’année, donc on va demander au Parlement de voter cette loi spéciale. Il pourrait ne pas la voter, à ce moment-là ce serait le shutdown à l’américaine, mais cette année on a bien vu que les députés l’ont quasi-unanimement votée parce qu’ils sont quand même un tout petit peu responsables", rappelle François Ecalle.

Pour lui, cette loi spéciale n’est pas forcément "une mauvaise nouvelle pour les finances publiques parce qu'elle signifie que le gouvernement est autorisé à prélever les impôts mais sans rien changer. Cela veut dire par exemple pour l’impôt sur le revenu il n’y a pas d’indexation du barème (sur l’inflation, NDLR), donc ce sont des hausses d’impôts supplémentaires".

Côté dépenses, le gouvernement est autorisé "à ouvrir des crédits à hauteur des crédits nécessaires pour assurer le fonctionnement des services publics, dans la limite du dernier budget voté", rappelle l’expert pour qui "cela empêche probablement de continuer à verser certaines aides et subventions, c’est comme une année blanche".

Sauf dans le domaine social puisque l’indexation des prestations comme des pensions de retraites est prévue par le Code de la Sécurité sociale et "s’il n’y a pas de loi de financement de la Sécurité sociale pour dire 'Cette année on ne va pas indexer ou on va sous-indexer', l’indexation est automatique donc il y a des dépenses supplémentaires en matière sociale", conclut François Ecalle.

https://twitter.com/paul_louis_ Paul Louis Journaliste BFM Eco