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Israël-Iran: entre volontarisme et effacement par Donald Trump, quelle place pour Emmanuel Macron dans le conflit?

Emmanuel Macron et Donald Trump le 24 février 2025

Emmanuel Macron et Donald Trump le 24 février 2025 - Ludovic MARIN / AFP

Le chef de l'État tente toujours de jouer la carte de la diplomatie pour s'assurer que le cessez-le-feu entre Tel Aviv et Téhéran soit durable. Mais la place prise par le président américain et les dissensions entre dirigeants européens rendent son influence assez faible.

La France, condamnée à être témoin? Depuis le début du conflit entre l'Iran et Israël, Emmanuel Macron peine à trouver sa place sur la scène internationale. Coincé entre Donald Trump et les puissances du Moyen-Orient, le chef de l'État tout comme l'Union européenne apparaissent sans grande influence.

Une image résume à elle seule la situation: ce mercredi 25 juin, Donald Trump et le secrétaire général de l'OTAN Mark Rutte ont tenu une conférence de presse, sans aucun représentant du vieux continent à leurs côtés.

L'Union européenne mise devant le fait accompli des frappes israéliennes

"On enchaîne des déclarations qui ne sont suivies d'aucun effet. On a l'impression que plus personne ne prend au sérieux la diplomatie française et encore moins européenne", regrette l'historien spécialiste en géostratégie, François Géré auprès de BFMTV.

"Tout se passe comme si nous n'avions plus aucun instrument d'influence", regrette encore ce directeur de recherche à l'université Paris-3.

Difficile de le contredire: les premières frappes israéliennes qui ont touché le régime des Mollah le 13 juin dernier ont commencé alors même que l'Union européenne tentait de trouver un nouvel accord sur le programme nucléaire iranien.

La diplomatie démonétisée

En réalité, ce sont les État-Unis qui négocient depuis des mois avec le régime des Mollahs pour éviter que le pays ne se dote d'armes nucléaires qui pourraient directement viser Israël.

Ces derniers jours, c'est également Washington qui est parvenu à conclure un cessez-le-feu entre Israël et l'Iran après avoir fini par opter pour des frappes sur Téléhran.

"C'est par la force que Donald Trump avance sur ce dossier. La diplomatie et le respect du droit international incarnés notamment par la France apparaissent comme démonétisés", observe de son côté la députée socialiste et présidente du groupe d'amitié France-Iran.

"Si on peut considérer qu'il y a une légitimité à neutraliser des structures nucléaires en Iran compte-tenu des objectifs qui sont les nôtres, il n'y a pas de cadre de légalité, non", a d'ailleurs reconnu lui-même le chef de l'État mardi lors d'une conférence de presse en Norvège.

"Le coup de force plus efficace" que le droit international

Mais Emmanuel Macron croit toujours possible de sortir de la crise "par la voie diplomatique et technique". Et tant pis si ce sont bien les opérations aériennes menées par Donald Trump qui ont permis de retarder de plusieurs "décennies" le programme militaire nucléaire iranien, comme l'a avancé le milliardaire américain ce mercredi.

"Le problème, c'est qu'aujourd'hui, le coup de force est plus efficace que des négociations qu'on mène depuis près de 20 ans avec l'Iran. Comment, nous, on montre que la diplomatie est encore efficace? Je ne sais pas", reconnaît un ancien haut fonctionnaire du quai d'Orsay.

La situation s'avère d'autant plus compliquée que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a salué ce mardi une "victoire historique" en affirmant que les frappes aériennes américaines avaient "anéanti le projet nucléaire iranien".

Flou autour du résultat des frappes

Selon un rapport préliminaire confidentiel du renseignement américain, dont le contenu a été décrit par des sources proches du dossier à des médias comme le New York Times, les bombardements américains n'auraient cependant pas éliminé complètement les stocks d'uranium enrichi iraniens qui permettent à terme de créer des bombes nucléaires.

Les frappes auraient plutôt scellé les entrées de certaines installations sans détruire les bâtiments souterrains, retardant le programme nucléaire iranien de seulement quelques mois, sans le détruire complètement, selon ces informations.

"On est dans des annonces faites par Donald Trump qui peuvent être démenties très vite. C'est compliqué d'avancer sur des terrains aussi instables. Tout cela rejaillit forcément sur Emmanuel Macron", reconnaît la vice-présidente de la commission des Affaires étrangères Hélène Conway-Mouret (PS).

Un conseil européen sous le sceau de la division

En attendant, la stratégie de la force pour mettre fin à un conflit longtemps larvé semble fonctionner. En Iran, le président Massoud Pezeshkian a annoncé mardi soir "la fin de la guerre" "imposée" par Israël et s'est engagé au respect du cessez-le-feu à condition que son adversaire en fasse de même.

L'Union européenne va tenter de reprendre la main ce jeudi et ce vendredi lors d'un conseil européen. Mais tous les protagonistes sont très loin de parler la même langue. D'un côté, on trouvera Emmanuel Macron qui va tenter de continuer à plaider pour la voie diplomatique, aidé par le rôle de messager qu'à attribué le chef de la diplomatie américaine Marco Rubio à son homologue français Jean-Noël Barrot.

Le ministre des Affaires étrangères s'est vu ainsi vu demander de faire passer des messages aux Iraniens en vue d'un cessez-le-feu avec Israël ces derniers jours. "Moi, je vais plaider pour que cessez-le-feu très fragile continue", a d'ailleurs insisté Emmanuel Macron lors d'une prise de parole depuis le sommet de l'OTAN ce mercredi après-midi.

"Personne n'a les mêmes intérêts"

Mais de l'autre côté de la table au conseil européen, on trouvera l'Italie incarnée par sa Première ministre Giorgia Meloni qui devrait largement soutenir Donald Trump. La péninsule accueille en effet 12.000 militaires américains et reste une plateforme stratégique importante pour les États-Unis.

Quant à l'Allemagne, elle a dans un premier temps soutenu lsraël dans ses frappes contre l'Iran avant de finalement s'appuyer sur la position européenne.

"Le problème qu'on a aujourd'hui, c'est que personne n'a les mêmes intérêts sur le dossier iranien au niveau européen. C'est impossible de trouver une position commune malgré les efforts d'Emmanuel Macron et évidemment Donald Trump en profite", observe un député membre de la commission des Affaires étrangères.

Donald Trump peut d'ailleurs se targuer d'une autre victoire: après n'avoir eu de cesse d'exiger des pays européens membres de l'OTAN d'augmenter nettement leurs dépenses de sécurité, souvent refusé avec force par ces derniers, Berlin a fini par céder.

Marie-Pierre Bourgeois