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"Un pied dedans, un pied dehors": combien de temps Bruno Retailleau peut-il rester au gouvernement?

Bruno Retailleau le 14 juillet 2025 à Paris

Bruno Retailleau le 14 juillet 2025 à Paris - MOHAMMED BADRA / POOL / AFP

Le ministre de l'Intérieur a décrété la fin du macronisme ce mardi soir, sans s'empêcher de faire lui aussi du "en même temps". Tout en critiquant le camp présidentiel, Bruno Retailleau veut se maintenir à son poste ministériel, source de sa popularité. Mais l'ancien sénateur LR devra à un moment choisir. Mais quand?

Quelques mots qui ne sont pas choisis au hasard. Dans une longue interview à Valeurs actuelles, Bruno Retailleau a jugé ce 22 juillet que "le macronisme s'achèvera avec Emmanuel Macron", accusant le chef de l'État "d'alimenter l'impuissance", sans même être parvenu à fonder "un mouvement politique" ou "une idéologie".

De quoi fâcher le camp présidentiel, allant même pour certains, comme le député Pieyre-Alexandre Anglade à lui demander de "rendre son poste" de ministre de l'Intérieur. Mais la stratégie du locataire de la place Beauvau ne doit évidemment rien au hasard, à 18 mois de la prochaine présidentielle.

"Ne pas sombrer avec le paquebot" Macron

Auréolé de sa victoire à la tête des Républicains en mai dernier, Bruno Retailleau a déjà pris à plusieurs reprises le contrepied du gouvernement comme de l'Élysée, que ce soit sur la stratégie à suivre sur l'Algérie ou sur "la fin des subventions" aux éoliennes.

"Sa description d'Emmanuel Macron, c'est ausssi l'exact contraire de ce qu'il est, lui. Bruno Retailleau a des idées et une vision pour la France. Et ça se verra clairement quand il sera candidat", illustre le sénateur LR Étienne Blanc auprès de BFMTV.

"On va pas sombrer avec le paquebot et il faut qu'on évite à tout prix que les Français mettent un signe égal entre le couple Bayrou-Macron et nous", assène, plus direct, l'un de ses collègues.

La méthode a en effet également l'avantage de lui permettre de prendre ses distances avec le Premier ministre François Bayrou, attaqué de toutes parts depuis la présentation de son projet de budget le 16 juillet dernier. Il faut dire que les retraités, le principal segment électoral des LR, sont largement mis à contribution pour faire des économies, entre gel de leurs pensions de retraites et fin de leur abattement fiscal.

Éviter de devenir un présidentiable parmi d'autres

Mais l'équilibre à trouver est subtil et appelle à mêler prises de distances nécessaires pour ne pas sombrer avec le chef du gouvernement, menacé de censure à l'automne prochain, et une exposition sans précédent offerte par le ministère de l'Intérieur. "Là, on est un pied dedans, un pied dehors", résume un élu local, proche de Laurent Wauquiez.

Il faut dire que quitter à terme la place Beauvau, qui lui a permis de se faire connaître des Français, après pourtant un parcours politique de près de 30 ans, n'a rien d'évident.

"C'est qui Bruno Retailleau une fois qu'il n'est plus ministre?", se demande même un député Renaissance, issu de la droite. "Et bien, c'est un présidentiable parmi dix autres, qui est certes patron de parti. Mais ce n'est pas ça qui fait gagner une présidentielle. Son intérêt, c'est de rester tout en se différenciant".

Le constat est partagé par de nombreux élus LR qui l'exhortent à rester au gouvernement le plus longtemps possible. "C'est cohérent qu'il soit en poste tant qu'il y a les coudées franches et qu'il peut faire avancer nos sujets", insiste la députée Marie-Christine Dalloz.

Une sortie réfléchie

Mais après bientôt un an à l'Intérieur, la question du bilan du ministre va finir par se poser et pourrait à terme être utilisé contre lui. Pour l'instant, il est plutôt nuancé. Bruno Retailleau peut mettre à son crédit un ambitieux texte de lutte contre le narcotrafic, certes dans les tuyaux avant même son arrivée place Beauvau.

L'ancien sénateur LR peut également se targuer de deux circulaires qui durcissent le ton sur la question des visas et des naturalisations, tout comme l'allongement de la durée en centre de rétention.

Mais une nouvelle loi immigration qu'il appelait de ses vœux avant d'être nommé semble très improbable. Quant au nombre d'agents de police, il devrait baisser dans le cadre du non-remplacement d'un fonctionnaire sur trois annoncé par François Bayrou.

"La question qui se pose, c'est à quel moment c'est le plus utile pour nous d'être dedans ou d'être dehors", reconnaît un proche de Bruno Retailleau avec "l'idée que sa sortie doit être décidée sereinement, la tête froide".

Ne pas s'abîmer en cas de censure

Comprendre: il faut éviter à tout prix que son éventuelle démission ne se noie dans celles du Premier ministre et de tout le gouvernement en cas de censure à l'automne. Auquel cas, son départ ne serait qu'un parmi beaucoup d'autres, le tout sur fond de grande incertitude sur le budget 2026 et la nouvelle menace d'une dissolution.

"On a un budget inbouclable, tout le monde le sait. Donc Bruno Retailleau va essayer d'y mettre sa marque et dire qu'il arrive à obtenir des choses, y compris sur un périmètre qui n'est pas le sien", remarque le sénateur LR Etienne Blanc.

Et dans le cas contraire? "S'il sent que François Bayrou va tomber, il s'en ira en disant qu'il ne soutient pas ce budget. Il pourra dire qu'il a fait tout ce qu'il peut et il ne sortira pas abîmé de cette séquence", veut croire un collaborateur ministériel.

Quant à l'hypothèse d'un départ forcé, demandé par François Bayrou voire même par Emmanuel Macron, personne n'y croit. "Il ne sera jamais viré, c'est certain", reconnaît le député LR Julien Dive, et ce en dépit même d'un échange glacial avec le président en plein Conseil des ministres ce mercredi.

"Évidemment, Bruno Retailleau restera", a défendu de son côté la porte-parole du gouvernement Sophie Primas, l'une de ses proches. "Je suis gaulliste, pas macroniste", a insisté de son côté le ministre de l'Intérieur ce mercredi après-midi, jugeant que "chacun devait pouvoir assumer sa différence politique".

Certains, parmi son entourage, ont même un modèle en tête: un certain Emmanuel Macron. Alors ministre de l'Économie, le trentenaire, pourtant officiellement en rupture de banc avec François Hollande, n'avait quitté le gouvernement qu'en septembre 2016, à peine 9 mois avant la présidentielle. De quoi laisser ouverte la possibilité d'un maintien de Bruno Retailleau jusqu'en septembre 2026 si François Bayrou continue de tenir.

Marie-Pierre Bourgeois