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"Je vais payer 3.000 euros de plus ça ne me choque pas", "allez chercher l'argent ailleurs!": des retraités très partagés sur les annonces fiscales de Bayrou

Un couple de retraités remplissant un document (photo d'illustration)

Un couple de retraités remplissant un document (photo d'illustration) - Freepik

Gel de pensions, suppression de leur avantage fiscal... Parmi les mesures du Budget 2026, certaines ciblent les retraités. Plusieurs témoignent de l'impact qu'auraient ces propositions sur leur quotidien et leurs finances.

"Franchement, ce n'est pas aux retraités qu'il faut s'en prendre... ni aux salariés d'ailleurs", estime Nadine, à la retraite depuis 3 ans. Cette ancienne fonctionnaire est opposée aux mesures proposées par le gouvernement pour réduire le déficit public.

François Bayrou a présenté un plan pour le Budget 2026 permettant d'économiser près de 44 milliards d'euros. Parmi ses propositions, plusieurs concernent les retraités. Tout d'abord le gel des pensions en 2026 au même niveau qu'en 2025 (dans le cadre de "l'année blanche"), ce qui veut dire qu'elles ne seront pas revalorisées en fonction de l'inflation.

Les plus sensibles à ce gel sont les plus modestes. "On tape toujours sur les plus petits, nous on a une retraite de 1.000 euros pour deux, pas chacun", raconte un retraité, interrogé sur BFMTV. "Ce sont toujours les mêmes qui se serrent la ceinture", dénonce-t-il.

"C’est la porte ouverte pour recommencer dans le futur"

"Le résultat, c'est qu'on va réduire sur les achats alimentaires, sur les sorties, déjà qu'on n'en faisait pas beaucoup, sur les vacances aussi, aujourd'hui c'est notre fille qui nous emmène", renchérit sa femme.

"On va vivre avec des moyens encore plus petits et des restrictions."

L'inflation devrait redescendre à 1% en 2025, selon les projections de la Banque de France, ce qui reviendrait à une baisse du pouvoir d'achat de 120 euros en 2026 pour ce couple. Selon les calculs de l'économiste de l'OFCE Pierre Madec, en moyenne, les retraités verraient leur revenu réduit de 350 euros par ménage, soit environ 1% de leur niveau de vie.

Nadine de son côté craint surtout que l'opération soit réitérée dans les années suivantes. "Ce qui me fait peur c’est que si le gouvernement gèle les pensions une année, c’est la porte ouverte pour recommencer dans le futur, les gouvernements suivants ne vont pas se gêner", s'inquiète-t-elle. Elle appelle à "aller chercher l'argent auprès des grandes entreprises ou des grandes fortunes avec la taxe Zucman par exemple".

Une mesure plus redistributive

Mais le gel des pensions n'est pas la seule mesure qui va toucher les retraités. Le gouvernement prévoit aussi de supprimer l'abattement fiscal de 10% des retraités pour "frais professionnels" (dans la limite de 4.399 euros par foyer) et de le remplacer par un forfait de 2.000 euros. Cette mesure doit rapporter un milliard d'euros.

Concrètement, avec ses 22.000 euros de revenus nets annuels, Nadine pouvait déduire 2.200 euros de sa déclaration. Si le Budget 2026 est voté, elle pourra déduire 2.000 euros.

Cette mesure a l'avantage d'être plus juste socialement que le gel des pensions car elle ne touche pas les retraités les plus modestes, qui sont non-imposables. Selon une étude de l'OFCE en janvier, la fin de l'abattement, contrairement au gel des pensions, aurait un impact plus redistributif avec un impact fort sur les 20% de retraités les plus aisés.

Mais la retraitée pointe une autre conséquence: avec cette reforme de l'abattement, le revenu qu'elle déclare aux impôts va augmenter. Or, sa cotisation de mutuelle est calculée en fonction de ce montant.

"L'état dramatique de nos finances publiques"

Par ailleurs, au titre de l'année blanche, le barème de l'impôt sur le revenu ne sera pas rehaussé en fonction de l'inflation. Mécaniquement, les impôts d'un certain nombre de retraités vont donc augmenter.

Une étude de l'OFCE publiée en octobre 2024 avait estimé que le gel du barème de l'impôt sur le revenu entraînerait pour les ménages proches du niveau de vie médian une perte entre 50 et 100 euros par an et que les 380.000 Français qui ne paient pas d'impôt sur le revenu passeraient dans la deuxième tranche, et donc commenceraient à en payer un peu.

Mais pour Sylvain, professeur d'Histoire désormais à la retraite, les mesures présentées par le gouvernement sont absolument nécessaires "vu l'état dramatique de nos finances publiques".

"Les difficultés actuelles sont bien plus graves que le plan du gouvernement", juge-t-il.

Le retraité ne rechigne d'ailleurs pas à voir sa fiscalité augmenter. Selon ses estimations, avec un revenu annuel de 120.000 euros par an pour deux personnes, le couple pourrait payer 3.000 euros d'impôts supplémentaires avec les nouvelles mesures du Budget 2026. "Il faudrait vérifier bien-sûr", prévient-il, mais participer à l'effort global ne lui pose pas de problème.

"Je suis conduit à prendre ma part et c'est bien normal, ça ne me choque pas."

Un niveau de vie comparable entre retraités et population générale

"Surtout que le niveau de vie moyen des retraités est assez élevé en France, en tout cas quand la maison est payée et que les enfants sont partis, forcément on a une situation moins mauvaise qu’une famille avec des enfants à nourrir et un crédit à rembourser", observe-t-il.

En effet, si on ne prend en compte que les revenus par personne, le niveau de vie des retraités est globalement équivalent à celui de l’ensemble de la population. Il tourne autour de 2.200 euros par personne selon l'Insee.

Et le rapport s'inverse même lorsqu'on prend en compte le patrimoine immobilier. Les retraités sont pour la plupart propriétaires de leur logement (70%) et ne doivent pas payer de loyers. En répercutant cette variable, le niveau de vie des retraités est cette fois supérieur de 5% à celui de l'ensemble de la population (mais pas supérieur à celui des actifs).

Évidemment, ce chiffre reste une moyenne qui cache des réalités très différentes selon les personnes et leur niveau de pension. Malgré cela, le taux de pauvreté des retraités reste inférieur à celui de la population générale (10% vs 14,5% en 2021), selon l'Insee.

Marine Cardot