Ce que coûterait la suppression de l'abattement fiscal de 10% aux retraités

"Qu'un retraité bénéficie d'une niche fiscale pour frais professionnels, c'est contre-nature, c'est aberrant." Dans un contexte de finances publiques dégradées, le président du Medef, Patrick Martin, a plaidé jeudi sur BFMTV pour la suppression de l'abattement fiscal de 10% dont bénéficient les retraités.
Cet abattement est aujourd'hui appliqué automatiquement par l'administration fiscale sur les revenus déclarés des actifs et des retraités. En réduisant mécaniquement le montant de l'impôt sur le revenu à payer, il est censé couvrir les dépenses engagées au titre des frais professionnels. Selon Bercy, le manque à gagner serait de l'ordre de 4,5 milliards d'euros pour le seul abattement appliqué sur les pensions de retraite. Ce qui en fait la deuxième niche fiscale destinée aux ménages la plus onéreuse, après le crédit d'impôt lié à l'emploi d'un salarié à domicile (5,9 milliards).
Les petites pensions épargnées par la suppression de l'abattement de 10%
Le patron du Medef n'est pas le premier à proposer de supprimer l'abattement fiscal de 10% pour les retraités. Quelques jours plus tôt, c'est le président du Conseil d'orientation des retraites, Gilbert Cette, qui s'y est montré favorable, qualifiant cette mesure d'"équitable puisque les retraites les plus modestes ne seraient pas concernées".
C'est ce que confirme l'OFCE dans une étude parue jeudi 9 janvier. Son auteur, l'économiste Pierre Madec, a tenté de comparer la perte de revenu induite par la suppression de l'abattement fiscal sur les pensions de retaite et celle qui aurait découlé du report de six mois (de janvier à juillet) de la revalorisation des pensions sur l'inflation, comme le prévoyait intialement l'ex-gouvernement Barnier. Or, il s'avère que si les deux mesures génèrent globalement le même niveau d'économies pour les finances publiques, la première met davantage les retraités aisés à contribution, en épargnant les plus modestes.
"Contrairement au décalage prévu de la revalorisation des pensions, la suppression de l’abattement fiscal de 10% ne toucherait pas les retraités les plus modestes, qui sont généralement moins nombreux à être imposables", précise l'OFCE.
Dans le détail, les 5% des retraités les plus modestes (9.000 euros de revenu annuel en moyenne en 2022) auraient perdu 90 euros avec le report de l'indexation des pensions sur l'inflation. En revanche, la suppression de l'abattement fiscal n'aurait aucun impact pour eux. Ce qui, plus largement, serait le cas pour les 15% les plus pauvres.
860 euros de perte pour les 5% des retraités les plus aisés
De manière générale, les 50% de retraités les plus modestes "verraient leur revenu disponible moins affecté par la fin de l’abattement fiscal que par un gel de la revalorisation des pensions", souligne Pierre Madec. À l'inverse, le niveau de vie des retraités les plus aisés "seraient davantage mis à contribution en euros par la suppression de l’abattement même s’il convient de souligner que les bénéfices liés à l’abattement fiscal sont aujourd’hui plafonnés à environ 4.300 euros par part fiscale".
La fin de l'abattement fiscal amputerait le revenu des 15% les plus riches d'un montant compris entre 780 et 860 euros, quand le gel des pensions pendant six mois leur ferait perdre entre 440 et 510 euros.