Immigration: OQTF, regroupement familial... Ce que change ou non la nouvelle circulaire de Retailleau

Bruno Retailleau au Havre le 13 janvier 2025 - LOU BENOIST / AFP
Un texte "applicable dès aujourd'hui" mais dont la portée est déjà relativisée par François Bayrou. Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a dévoilé une nouvelle circulaire qui vise à mettre fin à la régularisation "à tour de bras" de certaines personnes sans-papiers, sur Europe 1 ce vendredi matin.
Dans son viseur: la circulaire Valls. Ce texte a été publié en 2012 par Manuel Valls, alors ministre de l'Intérieur de François Hollande. Il pose des critères précis d'attribution de titres de séjour par les préfectures pour les personnes sans-papiers.
Ce changement, annoncé depuis le mois d'octobre par Bruno Retailleau, lui permet de continuer d'incarner la lutte contre l'immigration irrégulière dont il a fait son cheval de bataille.
"La circulaire peut paraître dure", juge un proche de François Bayrou auprès de BFMTV tout en la banalisant. "Mais elle ne susbtitue pas à la loi", rappelle ainsi l'entourage du Premier ministre, plus d'un an après le vote d'une loi immigration.
• Des OQTF à faire appliquer pendant 3 ans
Premier changement de ton par rapport à la circulaire Valls: la question des obligations de quitter le territoire (OQTF), cette mesure administrative qui a pour objectif d'expulser une personne en situation irrégulière.
Jusqu'ici, les services préfectoraux devaient "réceptionner sytématiquement" les demandes d'admission aux séjours des personnes sans-papiers. Cette situation devait avoir lieu "y compris" lorsque ces demandeurs faisaient "l'objet d'une OQTF, même si elle avait été confirmée par le juge".
Dans le texte porté par Bruno Retailleau, il est demandé aux préfets de "porter une attention particulière" aux demandes de titres de séjour exceptionnel pour ceux qui n'ont pas quitté le territoire en dépit d'une OQTF.
"Je vous rappelle qu'elle peut faire l'objet d'une exécution" pendant "3 ans", écrit le ministre de l'Intérieur, comme c'est déjà le cas depuis la loi immigration de décembre 2023.
• La régularisation, désormais "une voie exceptionnelle"
Là où la circulaire Valls avait été conçue pour désengorger les préfectures et répondre rapidement à des situations que faisaient souvent remonter les députés ou les maires comme le besoin de régulariser une personne sans-papier dans un restaurant qui ne parvient pas à recruter, cette voie ne pourra plus être utilisée en priorité.
Les préfets devront désormais recourir aux dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers comme le dépôt d'un titre de séjour en préfecture via une procédure de régularisation classique.
En cas de volonté d'utiliser malgré tout la procédure exceptionnelle de régularisation, "une durée de présence d'au moins 7 ans" en France est désormais conseillée pour les services préfectoraux.
"L'immigration n'est pas un droit, la régularisation n'est pas un droit. Il ne peut pas y avoir pas de prime à la fraude. Régulariser, ça doit être l'exception", a insisté Bruno Retailleau ce vendredi après-midi dans les Yvelines.
• L'exigence de 12 mois travaillés au lieu de 8
Autre différence: la condition d'attribution d'un titre de séjour pour les travailleurs sans-papiers. Là où ils pouvaient demander leur régularisation après 8 mois de travail sur les 24 derniers mois, il faudra désormais avoir travaillé 12 mois de façon consécutive ou non sur les derniers 24 mois.
Certains documents ne seront plus acceptés pour prouver son travail comme la carte de séjour qui permet d'entrer et de sortir de France pour "les travailleurs saisonniers".
Par ailleurs, la régularisation au titre du travail ne pourra avoir lieu qu'en cas de "métier et de zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement". Ces dispositions étaient cependant déjà prévues dans la loi immigration votée en décembre 2023.
•La "maîtrise de la langue française"
Bruno Retailleau demande aux préfets une "attention particulière" des services de la préfecture à "la maîtrise de la langue française", sans précision cependant du niveau attendu.
Dans le texte de 2012 de Manuel Valls, il était simplement demandé "une maîtrise orale au moins élémentaire de la langue française". Il est également rappelé que les personnes qui sont en situation de polygamie ne peuvent, elles, pas être régularisées comme c'est déjà le cas depuis 2020.
L'application de la circulaire Valls concerne chaque année environ 30.000 personnes, d'après des chiffres de la Cour des comptes. À titre de comparaison, 4,2 millions de titres de séjour sont actuellement valides en France suivant les chiffres du ministère de l'Intérieur.