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"Nettoyer les prisons", narcotrafic, consentement... Ce que veut faire Gérald Darmanin à la Justice

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Gérald Darmanin a fait son retour au gouvernement place Vendôme. Soucieux de continuer à afficher l'image de fermeté qu'il s'est construit à l'Intérieur, le nouveau garde des Sceaux doit d'abord s'assurer de la hausse de son budget pour respecter les promesse de créations de postes de magistrats.

Un retour surprise dont veut à tout prix profiter Gérald Darmanin. Nommé garde des Sceaux ce lundi soir, moins de quelques mois après avoir quitté la place Beauvau, le nouveau ministre de la Justice a déjà décliné ses priorités, tout en promettant de "travailler main dans la main" avec le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau. "Notre tâche est immense", a-t-il déjà reconnu.

• Parvenir à décrocher un budget en augmentation

"Ce que nous voulons, c'est plus de rapidité, plus de fermeté. On ne peut pas le faire avec des moyens constants", a jugé le nouveau locataire de la place Vendôme pour son tout premier déplacement au tribunal judiciaire d'Amiens.

"Nous serons raisonnables" car il faudra tenir compte "bien évidemment" des contraintes budgétaires nationales, "mais nous devons augmenter ce budget du ministère de la Justice".

Gérald Darmanin obtiendra-t-il gain de cause? Sans budget après la censure du gouvernement Barnier, la France tombe en effet le 1er janvier sous le coup de la "loi spéciale".

Un texte purement technique, autorisant seulement le gouvernement à lever les impôts et dépenser les mêmes crédits qu'en 2024, sans les mesures nouvelles qui figuraient dans le projet de loi de Finances (PLF) en préparation. Ce n'est forcément une mauvaise nouvelle pour la Justice - son budget avait été augmenté en 2024.

Quant à l'année 2025, après avoir ouvertement fait part de sa déception quant à la baisse des moyens de la justice, Didier Migaud avait obtenu une rallonge de 250 millions d'euros. Il mettait ainsi ses pas dans ceux d'Éric Dupond-Moretti qui avait décroché pour son ministère une augmentation de 30% entre 2020 et 2023. Gérald Darmanin a rendez-vous lundi avec Amélie de Montchalin, la nouvelle ministre des Comptes publics.

• Accélérer les délais judiciaires

Les délais de procédure sont particulièrement longs en France. En matière criminelle, le délai moyen entre le début de l'instruction et le prononcé de la condamnation est de 50 mois. Quant aux procédures s'étalant sur près d'une décennie entre la première instance et la Cassation, elles sont loin d'être rares.

Gérald Darmanin a donc promis "une justice plus rapide" qui passerait également "par plus de fermeté" grâce "à plus d'effectifs, plus de greffiers".

Depuis plusieurs années, des hausses d'effectifs sont déjà en cours d'embauche avec à terme la promesse de recruter 1.500 magistrats et 1.800 greffiers supplémentaires. Problème: il faut en moyenne 2 ans et demi pour former un magistrat, ne permettant pa de réduction rapide des délais sur le terrain.

Le syndicat de la magistrature a également estimé à plusieurs reprises que même si ces embauches aboutissaient bien, elles ne permettrait toujours pas à la France de réduire significativement les délais.

• "Nettoyer les prisons"

Gérald Darmanin s'est rendu ce mercredi soir au centre pénitentiaire de Liancourt (Oise). Le ministre de la Justice a profité de l'occasion pour donner sa vision des causes de la surpopulation carcérale en France. Si les peines en-dessous de deux ans ferme sont généralement exécutés sous bracelet électronique, faute de place en prison, le nouveau garde des Sceaux voit les choses différemment.

"Je suis très sensible à l'idée que les petites peines doivent être exécutées", a jugé le ministre, estimant qu'il faut "débureaucratiser" les prisons pour "faire des choses beaucoup plus à taille humaine, un peu partout sur le territoire national".

Plus de 80.000 personnes sont actuellement incarcérées - un chiffre record qui monte la densité carcérale de à 128,5%. L'objectif de construire 15.000 places de prison supplémentaires ne devrait pas être atteint "avant 2029, dans le meilleur des cas" avait déjà prévenu Didier Migaud en novembre.

Plus largement, Gérald Darmanin compte "nettoyer les prisons de toutes les difficultés que vivent les agents pénitentiaires. Les centres pénitentiaires ne doivent plus être "un lieu de reproduction du crime".

Le nouveau ministre s'est cependant gardé de toute précision sur des mesures précises.

• Faire voter la loi contre le narcotrafic

Près de deux mois après le déplacement du ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau et son homologue de l'époque à la Justice à Marseille pour annoncer un vaste plan de lutte contre le narcotrafic, Gérald Darmanin souhaite le reprendre à son compte.

La lutte contre "le narcobanditisme et la trafic de drogue sera la priorité absolue de mon mandat au ministère de la Justice", a-t-il annoncé dès mardi matin lors de la passation de pouvoir.

C'est le Sénat qui devraient s'emparer de plusieurs des annonces faites en novembre, de la création d'un parquet national dédié à l'amélioration du régime de protection des repentis qui collaborent avec la police, en les votant fin janvier. Ce texte devrait ensuite arriver à l'Assemblée nationale.

"Dans les prochains jours, les procureurs recevront des instructions de politique pénale très fermes" pour "lutter systématiquement le trafic de drogue", a encore assuré le ministre.

• Inscrire le consentement dans la définition pénale du viol

Lors de son discours d'adieu mardi, Didier Migaud a évoqué la question de l'inscription du consentement dans la définition pénale du viol parmi les dossiers sur la table du nouveau ministre. Gérald Darmanin n'a alors pas rebondi. Mais interrogé ce mercredi, le ministe de la Justice a évoqué un texte de loi "qui arrive pour le printemps prochain". "J'aurai l'occasion d'en parler avec les parlementaires et avec le Premier ministre".

Si le critère d'absence de consentement est bien présent dans les enquêtes pour viol, notamment lors des interrogatoires, cette notion n'est pas édicté en tant que tel parmi les critères caractérisant le viol, à savoir la violence, la contrainte, la menace ou la surprise. Ce phénomène aboutit, d'après certains juristes, à ce que de nombreuses plaintes soit classés sans suite, faute d'infractions suffisamment caractérisées.

Si une proposition de loi a certes bien été déposée par La France insoumise à l'automne, elle est pour l'instant au point mort. Le jour du verdict du procès des viols de Mazan, deux propositions de loi transpartisanes ont été également déposées.

Mais le profil de Gérald Darmanin qui devrait alors donner la position du gouvernement en la matière risque de faire débat. Le ministre a fait l'objet d'une plainte pour viol et abus de faiblesse. Dans ce cadre, il a bénéficié d'un non lieu et d'un classement sans suite. En mars dernier, Emmanuel Macron avait expliqué qu'il était ouvert à ce que la définition pénale du viol puisse évoluer.

Marie-Pierre Bourgeois