"Il envoie des clins d'œil aux boomers": pourquoi François Bayrou parle de "Simone", "Jojo" et "Jeannot" sur les plateaux télé

François Bayrou, le 31 août 2025, lors d'une interview à Matignon. - ALAIN JOCARD / AFP
Le retour de "Jojo le gilet jaune"? En tournée médiatique pour défendre son ambitieux plan de désendettement et par la même occasion sauver sa place à Matignon, François Bayrou a pris l'habitude de ponctuer son discours de prénoms anciens et d'expressions désuètes, comme pour s'adresser directement au Français moyen qu'il tente de convaincre.
"Je vois des tas de gens qui disent: il n’y a pas de risque (financier, NDLR). J’ai envie de leur dire: excuse-moi Jeannot, va voir en Espagne...", a-t-il lancé dimanche 31 août durant son interview aux chaînes d'informations. "Jojo regarde! Regarde la situation comme elle est!”, ajoutait-il un peu plus tard.
Sur TF1 mercredi, le chef du gouvernement avait également cité une certaine Simone. "Il y a des gens qui disent, 't'en fais pas, Simone, le bateau flotte encore!'"
Alors que François Bayrou joue sa survie politique, quel sens donner à cette nouvelle manière de communiquer? Philippe Moreau Chevrolet, professeur de communication politique à Sciences Po, décrypte pour BFMTV le langage du Premier ministre.
Jeannot, Simone, "Jojo"... Pourquoi François Bayrou a-t-il recours à ces surnoms ou ces prénoms anciens?
Il veut s'adresser à une catégorie d'électeurs plutôt âgés. D'un côté, il est très clivant avec eux sur la question des retraites. Il a fait ce que personne n'avait osé dans l'histoire récente de la Cinquième République, c'est-à-dire se mettre à dos les "boomers".
Et en même temps, il utilise cette façon de parler un peu surannée, comme pour envoyer des cartes postales ou des clins d'œil à cette génération d'électeurs. C'est un peu comme faire des photos avec un filtre. Il parle avec un filtre ancien. Au fond, c'est un peu du discours Instagram.
À quoi renvoient ces prénoms précisément? Que disent-ils de sa vision de la France et des Français?
Ça renvoie à un imaginaire de la France d'autrefois, la France des villages, de la belote, de Marcel Pagnol... Une France populaire des années 50-60, celle des Trente Glorieuses. C'est tout un folklore français. Ces évocations sont très puissantes pour la génération à qui il s'adresse et aussi pour une partie des suivantes qui peuvent idéaliser cette période qu'ils n'ont pas connue.
Cette nostalgie pour un âge d'or révolu est souvent réactivée par les politiques en ce moment. On le voit aux États-Unis avec le "Make America Great Again" (Rendre l'Amérique grande à nouveau, NDLR) de Donald Trump.
François Bayrou s'inspire-t-il d'Emmanuel Macron, grand adepte des expressions désuètes?
Oui, il fait comme lui. D'une façon générale, je trouve que François Bayrou imite beaucoup la communication présidentielle. Depuis le mois d'août, il ne fait que ça. Il s'adresse directement aux Français avec son podcast, il utilise ces petits noms surannés... C'est vraiment copié sur Emmanuel Macron.
Cette vision de la France d'antan peut-elle vraiment plaire aux électeurs?
Oui, ça peut plaire à une certaine catégorie d'électeurs. En tout cas, ça peut leur parler, les toucher. Et lui, ça lui permet de se poser dans un personnage de sauveur de la France. Un personnage rassurant qui va nous ramener vers la prospérité, même si la promesse est plus punitive qu'autre chose... Mais du coup, ça lui donne ce côté un peu vieillot, ce côté instituteur de la Troisième république qu'il cultive.
Cette façon de communiquer est-elle nouvelle chez François Bayrou? Tente-t-il le tout pour le tout avant un vote de confiance qui semble perdu d'avance lundi prochain?
Effectivement, c'est très nouveau chez François Bayrou et on le remarque d'autant plus. On a l'impression qu'il fait son baroud d'honneur et qu'il en profite pour tenter de nouvelles choses.