"Il est presque un synonyme de Lyon": pas encore tout à fait candidat, Jean-Michel Aulas bouscule la campagne et cible Grégory Doucet

L'ancien président de l'OL, Jean-Michel Aulas, le 12 octobre 2024 lors de la 16e édition du Festival Lumière - Photo by ARNAUD FINISTRE / AFP
À 76 ans, Jean-Michel Aulas n’en a pas fini avec la Capitale des Gaules. Le patron historique de l’Olympique lyonnais (1987-2023), connu pour avoir fait de son club un septuple champion de la Ligue 1 de football, rêve d’ajouter une nouvelle ligne à son palmarès: la mairie de Lyon.
Évoquée une première fois au détour d’une interview au Figaro, le 16 février, la possibilité d’une candidature s’est rapidement imposée comme une évidence. Si rien n’est officialisé à ce jour, plus personne ne doute tant "JMA" ressemble à un candidat en campagne, prêt à bousculer le maire sortant Grégory Doucet (Les Écologistes), qui compte se représenter.
Il suffit de regarder son compte X. Toujours aussi actif qu’à l’époque OL, celui-ci a cependant changé de contenu. Désormais, l’actuel patron de la Ligue féminine de football professionnel parle de circulation, de l’aménagement de l’espace public, des commerçants locaux ou encore de sécurité. Avec une cible: la majorité municipale.
Le dirigeant avance même plusieurs mesures. Comme le fait, le concernant, de renoncer à ses indemnités de maire s'il était élu ou de se passer d’un cabinet. Aussi, pour les Lyonnais, il propose par exemple la gratuité des transports s'ils gagnent moins de 2.500 euros par mois.
Jean-Michel Aulas occupe l’espace, s’érige en principal opposant. Une posture renforcée par différents sondages, parfois commandés par ses équipes, dans lesquels il rivalise avec Grégory Doucet et devance largement les adversaires de ce dernier, comme le rappelle l’étude Elabe pour BFMTV datant du mois d’avril.
Macron, Attal, Wauquiez… Il les a "tous rencontrés"
Chez ses soutiens, on met en avant la force de son profil. "Il est très identifié, tout le monde le connaît, il est presque un synonyme de Lyon (...) Les partis politiques se rendent compte que ce type de figure et de leadership n'existe pas dans leurs rangs", considère son entourage.
"Il est le seul à être capable de faire un rassemblement transpartisan de la droite jusqu'au centre gauche", abonde Jean-Arnaud Niepceron, ancien militant LR et co-fondateur de Génération Aulas, collectif de jeunes né dans la foulée de l'interview au Figaro de l’ancien boss de l’OL.
Ce regroupement serait d’autant plus important pour le bloc central qu’il est parti divisé aux municipales de 2020. Avec 28,46% des suffrages, Grégory Doucet avait facilement devancé au premier tour le sénateur LR Etienne Blanc (17,01%), Yann Cucherat (14,92%), candidat de Renaissance soutenu par l’ancien maire Gérard Collomb, décédé depuis, et Georges Képénékian qui s’était présenté en dissidence du parti présidentiel (11,98%).
Cette question de l'union se pose aussi pour la gauche, alors que plusieurs candidatures sont évoquées pour le premier tour en plus de celle de Grégory Doucet, notamment du côté de La France insoumise ou de l'ancienne adjointe à la culture Nathalie Perrin-Gilbert (Place Publique)
Pour éviter une dispersion des voix, Jean-Michel Aulas consulte. Gabriel Attal, Laurent Wauquiez, Bruno Retailleau, François Bayrou, Édouard Philippe et même Emmanuel Macron: il les a tous rencontrés et certains à plusieurs reprises. Chacun voit sa démarche d’un bon œil, tout comme Nicolas Sarkozy qui l’a adoubé le 19 juin lors d'une soirée rassemblant des personnalités lyonnaises.
Vers un soutien du camp présidentiel et de LR
Pour l'instant, Jean-Michel Aulas peut déjà compter sur le camp présidentiel: les trois partis qui le composent, Renaissance, le Modem et Horizons, lui apporteront leur soutien. Quant à LR, l’optimisme règne, même si la fumée blanche se fait encore attendre. Déjà déclaré candidat, Pierre Oliver, le maire du 2e arrondissement lyonnais, pourrait finalement s’allier avec "JMA".
"Il ne faut absolument pas que l’opposition parte divisée si on veut préparer l’alternance", déclare le trentenaire auprès de BFMTV, se disant "plutôt en phase" avec son potentiel partenaire sur "le volet idéologique".
Jean-Michel Aulas a aussi discuté avec le centriste Georges Képénékian, un temps premier adjoint de Gérard Collomb, avant de devenir maire de Lyon par intérim (2017-2018) lors de sa nomination au ministère de l'Intérieur.
Avec lui, les négociations sont plus compliquées. "Képé" veut au moins être candidat au premier tour et émet des réserves face à ce qu'il qualifie de "démarche 'tous contre Doucet'". "Je suis au Conseil municipal, je suis très critique de la méthode de l’exécutif, mais ils n’ont pas fait que des conneries", dit l’homme de 75 ans, rappelant par ailleurs que "les quatre derniers députés de cette ville sont de gauche."
Comprendre: le bateau Aulas tanguerait trop à droite.
Les Écologistes forcés de riposter
Ce ne sont pas Les Écologistes qui diront le contraire. Un temps en surplomb, ils ont fini par entrer dans l’arène, refusant de se laisser dicter la campagne par le calendrier de Jean-Michel Aulas, qui se prononcera officiellement sur sa candidature au courant du mois de septembre.
"Plus on avance, plus il se considère comme un opposant politique et non plus comme un habitant lambda qui se plaindrait des changements de la ville", se justifie Gautier Chapuis, co-chef de file du groupe écologiste.
Preuve de ce changement de ton, Grégory Doucet lui-même monte aux avants-postes. Lorsque l'OL est finalement maintenu en Ligue 1 le 9 juillet, échappant ainsi à la relégation, sanction dont le club avait écopé en première instance en raison de sa situation financière, le maire de Lyon n'oublie pas Jean-Michel Aulas.
Dans une interview pour L'Équipe, il s'en prend surtout à l'Américain John Textor, qui a repris le club en 2023, mais il égratigne aussi son très probable adversaire. Pour lui, Jean-Michel Aulas a "nécessairement une part de responsabilité".
Au début du mois, Grégory Doucet avait déjà ciblé "JMA", sans jamais le nommer, dans un long post Instagram, après une attaque de ce dernier sur la politique de la municipalité face à la canicule: "Depuis plusieurs jours, j’entends mensonge sur mensonge. À en croire certains, les écologistes seraient devenus responsables du réchauffement climatique. Ce renversement de réel traduit un cynisme politique préoccupant."
Dans son camp, on reproche à l'homme d'affaires d’être "très approximatif". "On n’a pas l’impression qu’il vit à Lyon, qu’il voit les transformations qui ont été faites", dit Gautier Chapuis. "Il se saisit de grognes, qui peuvent être légitimes, pour en faire des polémiques et essayer d’exister."
"Match de tennis"
Face à ces critiques, l’entourage de Jean-Michel Aulas défend sa crédibilité à exercer le pouvoir, tout en dénonçant une "forme de mépris":
"Quand vous créez un stade comme lui (le Groupama Stadium, situé à Décines-Charpieu, NDLR) vous avez en permanence à composer avec la collectivité. Donc Jean-Michel Aulas la connaît parfaitement. Il a dû déposer des permis de construire, faire avec les contraintes de la ville. (...) Ce sont exactement les mêmes qui disaient à Emmanuel Macron qu’il ne serait jamais élu."
À l’image de ces mises en cause mutuelles, la tension ne cesse de s'accentuer entre les verts et Jean-Michel Aulas. "Depuis quelques semaines, on a l’impression d’être dans un match de tennis en double. D’un côté il y a nous deux et de l’autre côté il y a Grégory Doucet et Bruno Bernard (le président écologiste de la métropole, NDLR)", témoigne Pierre Oliver.
L’échange le plus remarqué s’est tenu tout récemment. Point de départ: une publication sur X d'un soutien de Jean-Michel Aulas, qui partage, le 26 juillet, des photos de bâtiments de la ville avec des tags, accusant la mairie d’être "inexcusable". Le chef d’entreprise embraye: "C’est très juste, les vrais Lyonnais ont honte de ce qui se passe: mais c’est vrai, il faut être Lyonnais (de naissance, de travail, de cœur) pour comprendre ce désenchantement qui se mue en colère."
Une manière de viser directement Grégory Doucet, né à Paris et arrivé à Lyon en 2009? En tout cas, les écologistes ne goûtent que très peu à la sortie.
"Quand on commence à parler de vrais Lyonnais, on en arrive rapidement à parler de vrais Français ou de vrais Allemands. Décidément Jean-Michel Aulas ratisse très très large à droite", réplique ensuite Fabien Bagnon, l’un des vice-présidents de la métropole.
"Une ligne rouge a été franchie", renchérit le candidat putatif, dénonçant un propos "indigne", avant de prolonger la polémique dans un texte pour Tribune de Lyon où il accuse Grégory Doucet et Bruno Bernard d’entretenir un "silence lâche".
Le ton est donné pour les prochaines semaines. Et Jean-Michel Aulas, rappelons le, n’est pas (encore) candidat.
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