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"Elle est prête à tout faire péter": Rachida Dati peut-elle gagner seule Paris en 2026?

Rachida Dati le 25 juillet 2025 à Paris

Rachida Dati le 25 juillet 2025 à Paris - THIBAUD MORITZ / AFP

LES MUNICIPALES À COUTEAUX TIRÉS - À quelques mois des élections municipales, en mars 2026, gros plan sur ces scrutins qui s'annoncent particulièrement disputés. Isolée dans son propre parti, regardée de travers par la macronie, la ministre de la Culture entend pourtant conquérir la capitale.

Rachida ne meurt jamais, pronostiquait un livre sorti en 2013. Le constat se vérifiera-t-il en mars prochain lors de la bataille pour conquérir Paris? "La marque Dati", comme l'appellent certains à droite, part dans la course pour les municipales avec des atouts certains, à commencer par sa notoriété, mais aussi de vrais handicaps, à commencer par son isolement. Pour l'instant, Les Républicains ne la soutiennent que du bout des lèvres et Renaissance traîne des pieds.

"Une campagne, même à Paris, c'est des tractages à la sortie du métro, des réunions publiques, des questions d'électeurs sur la cantine scolaire. Vous avez besoin de militants et d'élus pour faire ça. Franchement, à l'instant T, on ne les a pas et ça va devenir un gros problème", s'inquiète un conseiller de Paris LR.

"Tout doit toujours être à ses conditions"

Et les déroulements des derniers jours n'ont rien pour le rassurer. À ce stade, ce ne sont pas les municipales qui sont tout en haut de l'agenda de la droite mais le duel de titans qui se profile dans la seconde circonscription de Paris dans les prochaines semaines.

Après l'invalidation de l'élection de Jean Laussucq à l'Assemblée, ex-directeur de cabinet de Rachida Dati qui avait été élu en juillet dernier aux législatives, la locataire de la rue de Valois est bien décidée à affronter Michel Barnier pour devenir députée. Et tant pis si c'est bien l'ex-Premier ministre qui a reçu l'investiture de la droite et pas elle, qui n'avait pas pris la peine de candidater officiellement. Elle sait mieux que quiconque que l'on est souvent trahi par les siens...

"Le problème, c'est que tout doit toujours être à ses conditions, dans cette affaire-là aussi. Mais la politique, ça ne peut pas être que ça", regrette un député LR.

Le patron d'Horizons, Édouard Philippe, qui soutient lui le conseiller de Paris Pierre-Yves Bournazel pour devenir maire de Paris en mars prochain, a formulé le même constat d'une façon plus directe lors d'un meeting.

"Le rassemblement, ça ne se décrète pas. Ça n’est pas 'parce que je crie plus fort que moi, tu vas venir avec moi'. Ça n’est pas la bourse ou la vie, ça n’est pas les menaces", a expliqué le maire du Havre en juin dernier.

Retailleau en opération déminage

Message reçu cinq sur cinq par le patron des LR. Soucieux d'éviter un duel qui pourrait mal tourner entre Michel Barnier et Rachida Dati, Bruno Retailleau a dîné avec eux la veille de la commission nationale d'investiture pour la législative à Paris.

Le plan semble clairement établi: à l'ex-locataire de Matignon le poste de député, à la maire du 7e arrondissement l'Hôtel de ville de Paris. Entre la poire et le fromage, les discussions avancent bien. La ministre de la Culture accepte sur le papier de se retirer à deux conditions. La première: la droite doit signifier très clairement qu'elle la soutient dans la course aux municipales. Fragilisée par son renvoi en correctionnelle pour "corruption passive" et "trafic d'influence", Rachida Dati veut pouvoir compter sur la force de frappe de son parti pour financer sa campagne. Le président du mouvement lui apporte d'accord sur ce point.

Mais la seconde demande pose problème: Rachida Dati veut pouvoir choisir elle-même les investitures des maires d'arrondissement et tous les candidats au Conseil de Paris. La méthode vise à s'assurer que tous la soutiendront en cas de victoire et qu'elle n'aura pas à compter sur une opposition interne.

Le calcul se comprend: la droite est très divisée au Conseil de Paris et siège dans pas moins de quatre groupes. Il vise aussi à faire le ménage des opposants internes et la liste est fournie. Geoffroy Boulard, le maire du 17e arrondissement, qui réclame une primaire interne, la maire du 8e arrondissement Jeanne d'Hauteserre, le sénateur LR Francis Szpiner qui envisage de se présenter contre elle dans la course aux municipales, sa collègue Catherine Dumas, qui a succédé à Rachida Dati au Conseil de Paris... Bruno Retailleau refuse alors tout net.

"Tous ces gens sont membres de la fédération de Paris, l'une des plus importantes en nombre de militants et d'élus. On ne va pas y mettre le feu juste pour Rachida Dati. C'est niet", décrypte un élu LR de Paris.

"On ne peut pas avoir le beurre, l'argent du beurre et le sourire de la crémière. Si elle veut notre soutien, elle prend tout le monde sur sa liste. On n'est pas dans une vente aux enchères", s'agace encore l'un de ses collègues au Sénat.

Prête à faire perdre la droite?

Tout ce beau monde peut-il à terme se mettre d'accord ou au moins mettre sur pause ses divergences le temps de la campagne? "Tout le monde a envie de gagner Paris et ça peut pousser à faire beaucoup d'efforts", veut croire le sénateur LR Roger Karoutchi. Rien n'est moins sûr, d'autant plus que la droite parisienne a l'art des guerres intestines qui mènent souvent à la défaite, comme lors de l'épisode Philippe Séguin contre Jean Tibéri en 2001, qui a mené à la victoire du socialiste Bertrand Delanoë.

Mais le calendrier pourrait jouer le rôle de juge de paix. Les LR n'ont guère de chance de voir de grandes villes tomber dans leur escarcelle à l'exception de la capitale. Autant dire qu'une victoire à Paris serait nécessaire pour mettre sur orbite la candidature de Bruno Retailleau à la présidentielle. Suffisant pour pousser Rachida Dati à mettre de l'eau dans son vin?

"J'ai peur qu'elle soit prête à tout faire péter, quitte à nous faire perdre si on ne se met pas derrière elle", s'alarme un conseiller de Paris.

La macronie pied sur le frein

Quant à ses soutiens chez Renaissance, ils s'avèrent encore assez timides. Sur le papier, le parti présidentiel soutient Rachida Dati depuis qu'Emmanuel Macron l'a débauchée directement pour devenir ministre de la Culture en janvier 2024. En réalité, le constat est plus nuancé. "On est un certain nombre à avoir expliqué à Gabriel Attal qu'on ne souhaitait pas que notre mouvement la soutienne dès le premier tour", explique un membre du bureau politique du parti.

Dans les rangs de la macronie, le style Dati ne passe pas. Plusieurs élus citent spontanément ses vives attaques face au journaliste Patrick Cohen en juin. Leurs préventions reposent aussi sur ses chances de gagner. Un sondage Elabe, réalisé pour BFMTV et La Tribune dimanche, la place certes en tête des intentions de vote au premier tour, entre 28 et 34% des voix selon les scénarios. Si cette étude ne donne pas d'indication sur le second tour, les élus du camp présidentiel notent que Rachida Dati ne dispose pas de réserve de voix, sauf coup de main des électeurs du RN.

"Le problème, c'est que soit vous l'adorez, soit vous la détestez. Au premier tour, elle fera le plein chez ses fans et au second tour, ce sera tout sauf Dati", s'inquiète d'avance un stratège de l'état-major de Renaissance.

Pourtant, la quinquagénaire aurait bien besoin du soutien des troupes de Gabriel Attal. Depuis 2022, la droite ne compte plus aucun député LR dans toute la capitale. Pire encore: avant l'invalidation de l'élection du député proche de Rachida Dati, Jean Laussucq, douze circonscriptions parisiennes étaient à gauche et seulement six pour Renaissance. "Vous ne faites que de l'arithmétique. Une élection, ce n'est pas du tout ça", estimaient les proches de Rachida Dati en mai dernier qui n'ont pas souhaité répondre à nos questions.

Mais la ministre de la Culture a une chance: celle que la macronie ne lui cherche guère de candidat alternatif. Un temps pressenti, Gabriel Attal n'est plus tenté par la mairie de Paris, jugeant le calcul trop risqué face à la ministre de la Culture. Et un plan B comme Pierre-Yves Bournazel? L'hypothèse de soutenir ce proche d'Édouard Philippe au premier tour puis rallier Rachida Dati au second séduit une partie de la macronie. Elle aurait également le mérite de lui offrir une réserve de voix pour espérer battre la gauche. Rachida ne meurt jamais. Et si c'était vrai?

Marie-Pierre Bourgeois