Primaire à gauche: pourquoi Valls est loin d’être le favori au PS

Manuel Valls le 7 janvier 2015 à Matignon. - Bertrand Guay - AFP
La courbe frémit. Parmi les candidats potentiels à gauche, l'ancien locataire de Matignon arrive en deuxième position, après Emmanuel Macron, selon un sondage Elabe "L'Opinion en direct" réalisé pour BFMTV, publié ce mercredi. 27% des électeurs sondés déclarent pouvoir voter pour lui, soit une progression de 9 points par rapport à la précédente mesure de l'institut, les 18 et 19 octobre derniers.
Mais pour gagner, Manuel Valls va déjà devoir convaincre au sein de son propre parti, et dans le cadre de la primaire à gauche. Il s'est livré mardi soir à une opération séduction devant 150 parlementaires socialistes, qui se sont retrouvés afin d'assister à un “discours de mobilisation” de l’ancien locataire de Matignon et désormais candidat à la primaire à gauche. “J’ai besoin de vous”, a assuré Manuel Valls face aux élus.
Beaucoup de socialistes restent silencieux
Au delà des fidèles de la première heure, certains “convertis” hollandais étaient présents. Parmi eux, le sénateur socialiste Didier Guillaume, qui vient d’accepter le poste de directeur de campagne de Manuel Valls. Cette position stratégique dans l’organigramme est ainsi confiée à un proche de François Hollande, qui n’a jamais lésiné sur les moyens de vanter les actions et de défendre le bilan du chef de l’Etat dans les médias. “Dans la perspective du rassemblement et de la mobilisation, c'est un très bon signal”, estime ce mercredi dans Le Figaro Jean-Marie Le Guen, vallsiste de longue date.
Pourtant, pour beaucoup des "hollandais historiques", orphelins de leur chef, il est urgent d’attendre. L’ex-ministre de l’Intérieur Daniel Vaillant, Bruno Le Roux, Stéphane Le Foll, André Vallini, et une dizaine d’autres conseillers en ont débattu durant un déjeuner lundi. “Notre soutien n’est pas automatique”, a ensuite expliqué l’entourage du porte-parole du gouvernement à l’AFP.
“Pas évident, on va voir”, juge Martine Aubry
L’ancien ministre du Travail François Rebsamen a lui aussi émis des réserves similaires sur “la méthode” et “le programme” de Manuel Valls. “Je regarde pour le moment”, a-t-il confié sur RTL ce mercredi. L’engouement est donc loin d’être total autour de la candidature de l'ancien maire d'Evry car plusieurs d’entre eux lui reprochent d'avoir manœuvré pour empêcher une candidature Hollande.
"Tous les hollandais ne rejoindront pas Macron, mais certains sont tentés de ne pas s'impliquer dans la primaire pour se venger de la trahison de Valls", confie un cadre socialiste à Marianne.
La prudence était aussi de mise du côté de Martine Aubry ce lundi. "Je serai présente pour soutenir un candidat qui représente le cœur des valeurs du Parti socialiste", a signifié la maire de Lille devant la presse. “C'est Manuel Valls?" lui a-t-on demandé. "Ce n'est pas évident, on va voir", a-t-elle répondu.
Faire oublier la politique de la transgression
“Rassembler la gauche”. Il l’a répété à plusieurs reprises durant son discours d’entrée en campagne lundi soir à Evry. Le défi est grand pour Manuel Valls qui, durant son passage à Matignon, s'est montré clivant plus d’une fois. Sa propre famille politique s’est déchirée autour de ses déclarations à propos des 35 heures, des roms, du burkini, mais aussi de sa vision de la laïcité.
Son utilisation, à quatre reprises, du 49.3 a aussi rappelé sa filiation avec son modèle Michel Rocard, autre socialiste qui n’avait jamais hésité à prendre ses distances avec le parti. Le pari de réunifier le PS autour de sa candidature est loin d’être gagné, tant l’homme qui a théorisé les “deux gauches irréconciliables” et polarise les désaccords en sa personne.
Un front “Tout sauf Valls”?
Mais même ce créneau de la transgression est déjà occupé. La candidature d’Emmanuel Macron le gêne aussi. Pire, l’hypothèse d’un front commun “tout sauf Valls” pourrait émerger. Celle-ci pourrait prendre plusieurs formes: en ne prenant pas position, en soutenant Arnaud Montebourg, Emmanuel Macron ou même une autre candidature.
L'hypothèse de la présence de Vincent Peillon à la primaire des 22 et 29 janvier 2017 en est le symbole. Les proches de l’ancien ministre de l'Éducation, auteur de la réforme des rythmes scolaires, font planer le doute. “Le cœur de la gauche est orphelin. Il n’y a que les deux bouts de l’omelette représentés. Vincent Peillon prend ses responsabilités et mesure l’effondrement possible si on n’arrive pas à réconcilier les gauches”, affirme même le député Eduardo Rihan-Cypel. "Vincent Peillon sera le François Fillon de la primaire à gauche", ajoute-t-il.
Surtout, ne pas sembler favori
Prévenant, Manuel Valls se place déjà en position d’outsider. “Rien n’est gagné, je suis challenger… Mais je crois que nous pouvons gagner”, a-t-il glissé lors de son interview dans le journal de France 2 mardi soir.
Ses opposants rappellent volontiers que Manuel Valls avait réalisé seulement 5,63% lors du premier tour de la “primaire citoyenne” de 2011 avant de se ranger derrière François Hollande lors de l’entre deux tours. Il n’avait pas encore passé 32 mois à Matignon et acquis une stature d’homme d’Etat, rétorquent alors ses proches.
Marge d’erreur
De fait, un sondage place l’ex-Premier ministre largement en tête parmi des sympathisants de gauche. 45% d’entre eux disent souhaiter que Manuel Valls soit le candidat de la Belle alliance populaire selon le sondage Ifop réalisé pour le JDD et publié dimanche 4 décembre. Il devance son premier concurrent Arnaud Montebourg (25%) de 20 points, tandis que Benoît Hamon totalise 14%.
Toutefois, les chiffres se resserrent dans l’hypothèse d’un second tour face à Arnaud Montebourg, qui feraient quasiment jeu égal (51% pour Manuel Valls). Pile dans la marge d’erreur sondagière. Rien n’est donc joué à un peu plus de six semaines du premier tour de la primaire à gauche.
D’autant plus qu’en cas de victoire, Manuel Valls sera confronté à un autre problème de taille. L’émiettement de la gauche qui se retrouverait morcelée à égalité entre Emmanuel Macron (14%), Jean-Luc Mélenchon (14%) et Manuel Valls (13%).