Garde à vue de Sarkozy: où en est-il dans les autres "affaires"?

Nicolas Sarkozy en février dernier, lors d'un déplacement à Berlin. - -
C'est l'énième rebondissement d'un feuilleton judiciaire complexe: Nicolas Sarkozy a été placé en garde à vue mardi matin, dans le cadre de l'enquête pour trafic d'influence et violation du secret de l'instruction, concernant l'affaire sur le financement libyen de sa campagne de 2012.
Ces deux affaires, étroitement mêlées, ne sont pourtant pas les seules qui peuvent embarrasser Nicolas Sarkozy. Si ce dernier a bénéficié d'un non-lieu dans l'affaire Bettencourt, d'autres dossiers sont susceptibles de gêner l'ancien président.
> L'affaire Bygmalion
De quoi s'agit-il? Bygmalion, société tenue par deux proches de Jean-François Copé, mais aussi Jérôme Lavrilleux, cheville ouvrière des meetings électoraux de Nicolas Sarkozy, ont reconnu un système de fausses factures et de double comptabilité qui a permis à la société d'imputer à l'UMP une partie des dépenses de la campagne présidentielle de 2012 afin que celles-ci ne dépassent pas trop, en apparence, le plafond autorisé.
L'enquête a été confiée le 27 juin à des juges financiers, chargés d'une information judiciaire pour "faux et usage de faux", "abus de confiance", "tentative d'escroquerie" et "complicité et recel de ces délits". L'affaire a déjà coûté la présidence de l'UMP à Jean-François Copé.
Où en est Nicolas Sarkozy? Partie de soupçons initiaux de surfacturation de prestations rendues à l'UMP, l'affaire devient celle des comptes de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2012, notamment après les déclarations de Patrick Maisonneuve, l'avocat de Bygmalion. Mais Jérôme Lavrilleux dédouane l'ancien président sur BFMTV, assurant "ne pas l'avoir informé de la situation financière de sa campagne". Pourtant, ce dernier aurait cité Nicolas Sarkozy dans un SMS envoyé à Guillaume Lambert, ancien directeur de la campagne de 2012. Le chef de l'Etat n'a pas été inquiété à ce jour, mais il peut encore être entendu.
> L'affaire Kadhafi
De quoi s'agit-il? Des juges enquêtent depuis avril 2013 sur des accusations de financement de la campagne de 2007 de Nicolas Sarkozy par le régime libyen de Mouammar Kadhafi. Parmi les ex-dignitaires libyens, certains ont évoqué ce financement sans fournir d'élément matériel, d'autres ont démenti. Une autre enquête concerne la plainte de Nicolas Sarkozy pour faux contre Mediapart, qui avait publié, en avril 2012, une note censée accréditer ce financement.
Où en est Nicolas Sarkozy? Son nom est cité par plusieurs témoins. Mais aucune preuve incontestable n'est venue étayer les soupçons de financement occulte des activités politiques de Nicolas Sarkozy par le régime lybien.
> L'affaire des écoutes
De quoi s'agit-il? Dans l'enquête sur ce possible financement libyen, l'enregistrement d'une conversation téléphonique entre Nicolas Sarkozy, placé sur écoute, et son avocat a abouti à une information judiciaire, le 26 février, pour trafic d'influence et violation du secret de l'instruction. La justice soupçonne l'ex-président d'avoir tenté, avec l'appui de son avocat Thierry Herzog, d'obtenir des informations dans une procédure le concernant auprès d'un haut magistrat, Gilbert Azibert, contre une promesse d'intervention pour un poste de prestige à Monaco.
Où en est Nicolas Sarkozy? Nicolas Sarkozy a été placé en garde à vue mardi à l'office anti-corruption de la police judiciaire. Me Herzog est, lui, en garde à vue depuis lundi, de même que Gilbert Azibert et un autre haut magistrat, Patrick Sassoust.
> L'affaire Tapie
De quoi s'agit-il? L'affaire concerne le litige qui oppose Bernard Tapie au Crédit Lyonnais, sur la revente d'Adidas. L'arbitrage, rendu par un tribunal arbitral, aboutit à une sentence accordant 403 millions d'euros à Bernard Tapie, en juillet 2008. Les magistrats soupçonnent un "simulacre d'arbitrage" pour favoriser l'homme d'affaires, avec l'aval de l'exécutif de l'époque.
Où en est Nicolas Sarkozy? L'enquête a montré, via la saisie des agendas de l'ancien président, que Bernard Tapie s'est rendu plusieurs fois à l'Elysée avant la sentence litigieuse. Mais pour l'instant, ce sont surtout les proches de l'ancien président qui sont inquiétés: cinq personnes sont mises en examen pour "escroquerie en bande organisée", dont Bernard Tapie, un des juges arbitres et l'ex-directeur de cabinet du ministère de l'Economie aujourd'hui patron d'Orange, Stéphane Richard. Surtout, c'est le secrétaire général de la présidence de l'époque, Claude Guéant, qui a été entendu en garde à vue fin mai.
> L'affaire Karachi
De quoi s'agit-il? Dans cette affaire, les juges enquêtent sur un éventuel financement occulte de la campagne présidentielle d'Edouard Balladur en 1995, par le biais de rétrocommissions présumées, dans le cadre de contrats d'armement. Nicolas Sarkozy était en 1995 ministre du Budget et porte-parole de campagne d'Edouard Balladur. Une note saisie lors d'une perquisition à la Direction des constructions navales (DCN) évoque le feu vert du ministre de l'époque à la création d'une société offshore, Heine, pour le versement de commissions en marge de ces contrats, légales à l'époque.
Où en est Nicolas Sarkozy? La présidence avait assuré en septembre 2011 que "s'agissant de l'affaire dite de Karachi, le nom du chef de l'Etat n'apparaît dans aucun des éléments du dossier". En février dernier, les juges en charge du volet financier de l'affaire ont estimé que les éléments receuillis pour l'enquête rendaient nécessaire l'audition de Nicolas Sarkozy comme témoin assisté, par la Cour de justice de la République (CJR). Si l'audition en question n'a pas encore eu lieu, la CJR a déjà annoncé qu'elle s'intéresserait aux rôles joués par Edouard Balladur et François Léotard.
> Les sondages de l'Elysée
De quoi s'agit-il? En 2007, l'Elysée passe une convention avec un "cabinet d'études" pour la réalisation de sondages pour 1,5 million d'euros par an plus 10.000 euros par mois. Le cabinet en question, Publifact, est dirigé par Patrick Buisson, proche de Nicolas Sarkozy. En 2009, la Cour des comptes juge dans un rapport que l'accord n'est pas régulier, car il a été effectué sans appel d'offres. L'association Anticor porte plainte en février 2010 pour favoritisme, puis en octobre 2012.
Où en est Nicolas Sarkozy? L'enquête, ouverte en décembre 2012, a été élargie en janvier 2013 à tout le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Menée par le juge Serge Tournaire, elle porte sur d'éventuels faits de "favoritisme", "détournements de fonds publics" et complicité et recel de ces délits. En avril 2013, les bureaux de Patrick Buisson, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, sont perquisitionnés.
> Le meeting de Toulon
De quoi s'agit-il? Une enquête a été ouverte à Paris pour détournement de fonds publics. Elle porte sur le financement du meeting de Toulon le 1er décembre 2011, qui est l'une des réunions épinglées par le Conseil constitutionnel pour justifier le rejet de son compte de la campagne 2012.
Où en est Nicolas Sarkozy? Les conclusions de l'enquête, ouverte en janvier 2014, ne sont pas encore connues.