"Il dira qu'il a fait de son mieux": comment François Bayrou prépare sa sortie en cas de censure

François Bayrou le 10 juin 2025 à l'Assemblée nationale. - GEOFFROY VAN DER HASSELT
Un moment de vérité pour François Bayrou. Le Premier ministre pourrait avoir à affronter l'échec du conclave sur les retraites qui doit présenter ses conclusions ce lundi après-midi. En cas d'échec, une motion de censure est déjà prévue par La France insoumise tandis que le PS hésite.
"C'est le vrai test de sa méthode depuis l'épreuve des budgets en janvier. S'il échoue, il ne tombe pas tout de suite mais ça commencera à sentir le sapin", avance auprès de BFMTV un conseiller ministériel qui suit de près le dossier.
Un "éternel optimiste"
Les concertations impulsées par le patron du Modem depuis le mois de mars avec les partenaires sociaux ont bien eu le mérite de lui permettre de nouer un accord de non-censure avec les députés socialistes. De quoi se sortir du piège des budgets de l'hiver dernier en les faisant adopter, là où son prédécesseur Michel Barnier avait échoué quelques semaines plus tôt.
Mais très vite le conclave a eu du plomb dans l'aile, entre certaines centrales syndicales qui ont claqué la porte et François Bayrou qui a enlevé le report de l'âge de départ à 64 ans de la table des négociations.
Mais le Premier ministre, "éternel optimiste" dixit l'un de ses compagnons de route, a accordé une ultime semaine de discussions au conclave ces derniers jours. C'est que le chef du gouvernement joue gros, à commencer par ses bonnes relations avec le PS qui détient en grande partie l'avenir du locataire de Matignon.
Une censure sur le conclave peu probable
Sur le papier, François Bayrou peut cependant souffler. Le président des députés PS Boris Vallaud a beau avoir expliqué à l'Assemblée nationale mercredi dernier que le Premier ministre "s'exposerait à la motion de censure" sans présentation des conclusions de l'éventuel accord entre syndicats, d'autres tiennent un autre son de cloche.
"Je ne sais pas si on ira au bout et même si on le fait vraiment, ce sera vraiment pour de l'affichage, rien de plus. Si François Bayrou tombe, ce sera sur le budget et pas autre chose", prédit un élu socialiste.
Difficile de lui donner tort. Le Rassemblement national, sans qui il est impossible de faire tomber le centriste, ne fait pas semblant. Le député Laurent Jacobelli a déjà expliqué la semaine dernière sur RMC vouloir "attendre évidemment le budget" pour censurer, tandis que son collègue Jean-Philippe Tanguy veut "juger sur pièces".
"Pour moi, tout ça n'est pas une question de RN ou de PS ou d'échec de François Bayrou. On a filé les clefs du camion aux partenaires sociaux. Si à la fin, il n'y a pas d'accord, ce sera de leur faute, celle de personne d'autre", résume un proche du Premier ministre.
Appel à la responsabilité
À Matignon, pas grand-monde ne fait d'ailleurs semblant de s'inquiéter vraiment des suites du conclave. Les yeux sont plutôt braqués sur la mi-juillet quand le chef du gouvernement dévoilera ses premières pistes pour trouver les 40 milliards d'euros nécessaires pour boucler le budget de l'État et de la sécurité sociale en 2026.
"François Bayrou va poser des solutions sur la table et tout le monde devra prendre ses responsabilités, à gauche mais aussi parmi les LR où tout le monde ne joue pas le jeu en ce moment", juge le député Michaël Cosson.
L'année blanche, "l'option la plus facile politiquement"
Les hypothèses posées sur la table ont de quoi inquiéter largement dans tous les camps politiques, de la création d'une TVA sociale en passant par la baisse du nombre de fonctionnaires ou une hausse de la CSG pour les retraités les plus aisés.
En cas de coalition des oppositions contre lui qui décideraient de déposer une motion de censure à l'automne au moment de l'examen des budgets, le Premier ministre n'aurait aucune chance de sauver sa peau.
Pour tenter de convaincre largement et obtenir une relative bienveillance des socialistes mais aussi des LR, François Bayrou pourrait décider de se lancer sur une année blanche qui consiste à geler les dépenses publiques en 2026 à leur niveau de 2025, à l'exception des postes liés à la justice et à la défense.
"C'est l'option la plus facile politiquement et qui nous évite de devoir faire plaisir à la droite et à la gauche avec des mesures qui leur plairont mais qui ne solutionnent rien", explique de son côté le député Renaissance Ludovic Mendes.
"Ce n'est pas moi l'irresponsable"
Exit donc les interminables débats sur la suppression de l'aide médicale d'État (AME), chiffon rouge agité par les LR depuis des années ou la création d'une taxe sur les ultra-riches défendue par le PS.
Suffisant pour sauver le soldat Bayrou et éviter de mettre ses pas dans ceux de Michel Barnier? Le Premier ministre explique y croire, lui qui rate rarement une occasion de rappeler qu'il a fait du rétablissement des comptes publics l'un des axes de sa campagne présidentielle dès 2007.
"Et s'il tombe à la fin, il pourra dire qu'il a fait de son mieux en prenant les Français à témoin, en disant 'regardez, ce n'est pas moi l'irresponsable mais eux'", souligne un élu Modem.
"Dans une bande d'irresponsables, il aura le mérite de passer pour le plus sérieux et ça, ce n'est jamais rien, encore moins à un an et demi d'une présidentielle", observe de son côté un sénateur.
Le modèle Mendès-France
En cas de départ forcé de Matignon à la faveur de sa censure, François Bayrou s'est déjà choisi un modèle: l'ancien Premier ministre Pierre Mendès-France. "Il n'est resté que 8 mois" à Matignon en 1956 "et on en parle encore", a souligné avec gourmandise le Premier ministre dans les colonnes de La Tribune dimanche le 14 juin dernier.
"Si l'histoire retient quelqu'un dans le moment qu'on est en train de vivre. Ce sera Michel Barnier (le plus éphémère des Premiers ministres de la Ve République, NDLR) et pas lui. Mais le côté sacrificiel de Mendès, je comprends que ça fasse écho en lui", reconnaît d'avance un sénateur socialiste.