Geler toutes les prestations sociales et les dépenses de l'État: en quoi consiste "l'année blanche", cette piste explosive explorée par le gouvernement?

Dans le concours Lépine des idées pour redresser les comptes publics, c'est sans doute l'une des propositions les plus explosives. Alors que le gouvernement cherche 40 milliards d'euros d'économies pour ramener le déficit à 4,6% en 2026, la piste de l'"année blanche" fait son chemin.
Certains députés macronistes plaident en tout cas pour cette option. C'est notamment le cas de l'élu Renaissance du Val-de-Marne Mathieu Lefèvre qui a estimé dans La Tribune que 2026 devait "être une année blanche fiscale". Une mesure qui reviendrait à geler l'an prochain les dépenses de l'État, les dotations aux collectivités et les dépenses de la Sécurité sociale à leur niveau actuel. La dépense publique serait dès lors comme en 2025 de l'ordre de 1.700 milliards d'euros.
Cela signifie notamment que les prestations sociales comme les pensions de retraite ne seraient pas indexées sur l'inflation. Mais le gouvernement est-il vraiment favorable à ce scénario? Interrogée ce jeudi, la ministre chargée du Travail et de l'Emploi, Astrid Panosyan-Bouvet, s'est montrée évasive: "Plein de pistes (...) sont sur la table", a-t-elle dit. Et d'ajouter: "Ce sont des choses qui doivent être investiguées et instruites" dans une approche d'ensemble, "pour qu'il y ait ensuite une annonce globale à partir de mi-juillet. (...) Il faut un plan d'ensemble pour montrer que l'effort est absolument partagé partout et par tous dans notre pays".
Une année blanche totale peu probable
D'après les différentes estimations, cette mesure serait assez efficace avec des économies pouvant aller jusqu'à une vingtaine de milliards d'euros. Mais dans la pratique, ce serait sans doute moins car il paraît hautement improbable que l'année blanche s'applique à l'intégralité des dépenses sans exception.
D'abord parce que cela conduirait à une hausse des impôts, par exemple avec le gel du barème de l'impôt sur le revenu. Or, le ministre de l'Économie Éric Lombard a martelé ce jeudi ne pas vouloir "de hausse d'impôt d'ensemble".
"Nous voulons la stabilité fiscale, nous voulons la stabilité des prélèvements obligatoires. Ce que nous avons en France, ce n'est pas un problème de prélèvements obligatoires, de niveau d'impôts. Il ne s'agit pas de les augmenter, c'est un problème de dépenses publiques", a-t-il déclaré.
L'année blanche impliquerait de surcroît de geler les budgets des ministères. Sauf que plusieurs ministères comme celui des Armées, de la Recherche ou de la Justice font l'objet de de loi de programmation pluriannuelle (LPM) qui prévoit déjà que leur budget augmente sur plusieurs années. Pour les Armées, la trajectoire budgétaire de la LPM prévoit par exemple une hausse des crédits de 3,2 milliards d'euros pour l'année prochaine. En cas d'année blanche, cela supposerait donc de trouver des économies sur les autres ministères dont certains sont déjà mis à contribution.
Du côté de la sphère sociale, il est extrêmement compliqué de geler les dépenses sachant que beaucoup d'entre elles augmentent mécaniquement. Les dépenses de santé notamment progressent automatiquement sous l'effet du vieillissement de la population. Pour en tenir compte, certains proposent de renoncer à l'augmentation prévue de près de 3% de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie mais de le relever tout de même à hauteur du niveau de l'inflation ou de la croissance.
Ajouté à cela le risque politique que représente le gel des prestations sociales dans une Assemblée fragmentée. Michel Barnier en sait quelque choe. C'est notamment son projet de désindexer partiellement les pensions de retraite qui a fait chuter son gouvernement en décembre dernier.