Gilets jaunes: 6 mois après le début de la mobilisation, qu'ont-ils obtenu?

Voilà maintenant six mois que les gilets jaunes descendent dans la rue tous les samedis et se rassemblent sur les ronds-points pour appeler à davantage de justice sociale et de pouvoir d'achat. Ce mouvement de contestation sociale, inédit en France, fêtera samedi son 27e jour de mobilisation. L'occasion de faire le bilan des mesures annoncées par le gouvernement pour tenter de répondre aux manifestants.
Pour calmer la colère de la rue ces six derniers mois, le chef de l'État a été contraint de multiplier les gestes d'apaisement. Il a ainsi pris la parole officiellement à deux reprises pour faire des annonces, et décliné plusieurs batteries de mesures dans l'espoir de mettre un terme à l'interminable crise.
Le 10 décembre 2018, Emmanuel Macron s'est exprimé en direct de l'Élysée pour annoncer la suppression de la taxe carbone, la hausse du Smic ou encore la défiscalisation des heures supplémentaires. Puis le 25 avril 2019, à l'issue du grand débat national, il a donné sa première conférence de presse et annoncé la réforme de la fonction publique ainsi qu'une baisse de l'impôt sur le revenu.
Pouvoir d'achat et fiscalité
- Suppression de la taxe carbone
La taxe carbone, destinée à financer la transition écologique, est la mesure qui a cristallisé la colère des Français, celle qui a lancé la crise des gilets jaunes, en novembre dernier. Les gilets jaunes ont obtenu sa suppression après trois samedis de mobilisation. Dans un premier temps, le Premier ministre avait décidé de suspendre la hausse des prix des carburants pour six mois, avant de finalement l'annuler.
- Hausse du SMIC de 100 euros via la prime d'activité
Depuis le début de l'année 2019, les personnes payées au SMIC perçoivent 100 euros nets supplémentaires par mois, grâce à la hausse de la prime d'activité et celle des cotisations sociales décidée par Emmanuel Macron au mois de décembre dernier.
Au 1er janvier 2019, le montant du salaire minimum est donc passé de 1185 euros nets à 1210 euros avec la revalorisation automatique. Les 100 euros promis par le président de la République s'ajouteront ensuite à cette somme, a bien précisé le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux.
- Baisse "significative" de l'impôt sur le revenu
Le pouvoir d'achat étant le nerf de la guerre du mouvement des gilets jaunes, le président a promis de baisser "significativement" l'impôt sur le revenu, sans pour autant préciser la manière dont il compte financer cette réforme.
Un coup de pouce fiscal qui devrait s'élever à 5 milliards d'euros et qui s'orienterait vers les premières tranches de l'impôt. Mais les modalités exactes de cette baisse ne sont pour l'heure pas encore connues, car elles seront évoquées en juin prochain.
- Défiscalisation des heures supplémentaires et prime de fin d'année
En décembre dernier, dans sa "première adresse à la Nation", le chef de l'État a annoncé que les heures supplémentaires seraient désormais défiscalisées. Il a aussi demandé aux entreprises de verser "une prime de fin d'année à leurs employés" sans impôt, ni charge, sur la base du volontariat.
Cette prime, le président l'a annoncé au mois d'avril, sera reconduite en 2019 et sera toujours exonérée de charges sociales et d’impôt sur le revenu et versée aux salariés touchant jusqu’à 3600 euros par mois.
Pouvoir d'achat des retraités
- Suppression de la hausse de la CSG pour les petites retraites
Au mois de décembre, le président a décidé de faire un geste envers les retraités, dont beaucoup étaient mécontents de la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG). Au 1er janvier 2018, 7,5 millions de retraités avaient vu leur taux de CSG augmenter de 1,7 point.
Le président avait donc annoncé que les retraités percevant 2000 euros seuls ne seraient plus concernés par cette hausse de leur taux. "L'effort qui leur a été demandé était trop important et n'était pas juste", a jugé le chef de l'État au mois de décembre. Au total, d'après la ministre du Travail, 3,5 millions de retraités devraient être concernés par cette baisse.
- Réindexation des retraites sur l'inflation
Il s'agissait d'une des principales revendications des Français à l'issue du grand débat national. Les pensions de retraite des foyers touchant moins de 2000 euros seront réindexées sur l'inflation au 1er janvier 2020, et cela devrait être élargi à tous les retraités d'ici l'année 2021, a annoncé le président au mois d'avril dernier.
Avec cette mesure, Emmanuel Macron fait marche-arrière, après avoir limité la hausse des pensions de base à 0,3% en 2019, bien en deçà de l'inflation (1,8% en 2018), afin d'économiser 2,8 milliards d'euros.
Réforme des institutions
- Suppression de l'ENA et réforme de la fonction publique
Ces derniers mois, la crise des gilets jaunes a exacerbé une méfiance à l'égard des hauts-fonctionnaires et des élites en général, de nombreux manifestants allant jusqu'à réclamer la fermeture de l'ENA dans les cortèges.
Emmanuel Macron a donc confié pour mission à Frédéric Thiriez de réfléchir à une réforme des "grands corps de l'État", soit la fonction publique. Ce dernier est chargé de faire des propositions au gouvernement "dans les six mois", notamment concernant la suppression de l'ENA (École nationale d'administration).
Par ailleurs, il a déclaré vouloir "réorganiser" l'administration en renforçant le nombre de fonctionnaires sur le terrain, tout en supprimant des postes de l'administration centrale. Il a annoncé la création d'un lieu unique dans chaque canton de manière à répondre aux questions des citoyens.
- Le RIP facilité
S'il continue de refuser la mise en place d'un référendum d'initiative citoyenne (RIC) comme le réclament les gilets jaunes depuis le début, Emmanuel Macron a annoncé que le référendum d'initiative partagée (RIP) serait facilité. Le seuil censé déclencher le dispositif sera abaissé à 1 million de signatures.
Le chef de l'État s'est dit "favorable" à ce que le référendum d'initiative partagée (RIP), prévu par la Constitution mais extrêmement compliqué à mettre en oeuvre, soit facilité afin qu'"ils puissent être organisés sur certains sujets d'intérêts locaux".
- Engager une réflexion écologique
Emmanuel Macron a également annoncé que 150 citoyens seraient tirés au sort dès le mois de juin pour participer au Conseil économique, social et environnemental (CESE). Une manière d'associer davantage les Français au travail de cette institution créée par la Constitution de 1958.
Sur la question environnementale, il a également fait savoir qu'un "conseil de défense écologique" serait mis en place. Ce conseil réunira les ministres dédiés afin de faire "les choix stratégiques" imposés par l"urgence climatique". Le premier aura lieu le 23 mai prochain.
- Lutte contre les déserts médicaux et scolaires
Souvent critiqué sur cette question, Emmanuel Macron a dit vouloir travailler en direction de la lutte contre les déserts médicaux et scolaires. Il a donc annoncé qu'aucune école ni aucun hôpital ne fermeraient leurs portes jusqu'à 2022, soit la fin de son quinquennat. Côté enseignement, le nombre d'élèves sera limité à 24 dans les classes de grande section, CP et CE1 dès la rentrée 2019.
- Lutte contre l'évasion fiscale
Emmanuel Macron va demander à la Cour des Comptes "d'évaluer précisément les sommes qui échappent à l'impôt et de proposer des mesures précises".
- 20% de proportionnelle aux élections législatives
Point phare de la réforme des institutions, le chef de l'État s'est dit favorable à l'introduction d'une dose de 20% de proportionnelle à l'Assemblée nationale et à une baisse du nombre de parlementaires, comprise entre 25% et 30%.
"Je pense que c'est ce qui permet de représenter toutes les familles politiques sans créer une situation ingouvernable", a-t-il estimé.
En revanche, Emmanuel Macron n'a pas plié face à la colère de la rue sur un certain nombre de sujets tels que la suppression de l'ISF (impôt sur la fortune), la reconnaissance du vote blanc ou encore l'âge légal du départ à la retraite qui restera aux 62 ans actuels.