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Police-Justice

Motivée par "l'appât du gain", la fausse victime du Bataclan condamnée lourdement

L'enquête a démontrer que Florence M. était à Lorient et non au Bataclan le soir du 13 novembre.

L'enquête a démontrer que Florence M. était à Lorient et non au Bataclan le soir du 13 novembre. - AFP

Florence M. a été condamnée à 4 ans et demi de prison ferme pour s'être fait passer pour une victime des attentats du 13-Novembre. Le tribunal a dénoncé une personne narcissique qui a trompé pour "l'appât du gain".

Escroc manipulatrice ou personnalité fragile, dénuée de vie sociale. Ce jeudi, au tribunal de Créteil, les différentes parties se sont opposées sur ses deux arguments pour juger Florence M., 49 ans, qui a reconnu s'être fait passer, selon les versions, pour la proche d'une victime du Bataclan ou pour elle-même une victime de l'attaque du 13 novembre 2015. Au terme de trois heures de débat, elle a été condamnée à une peine lourde, 4 ans et demi de prison ferme, et à rembourser l'ensemble des sommes perçues grâce à sa tromperie.

La 12e chambre correctionnelle l’a reconnue coupable d'"escroquerie", d'"abus de confiance" et de "faux". Le tout en récidive. Ces méfaits, Florence M. les a commis alors qu’elle portait un bracelet électronique, un aménagement de peine après trois condamnations pour escroquerie, la dernière en juin 2015. Devant le tribunal, elle a demandé pardon aux victimes qu'elle a pu "blesser et heurter".

"Le fait d’escroquer la solidarité nationale et profiter de la souffrance des victimes sont des infamies que la justice a condamnées fermement", se félicite Alexis Lebrun de l’association Life for Paris, partie civile.

Son "pilier" blessé au Bataclan

C’est d’ailleurs à l’été 2017 que l’association alerte la police: parmi eux, une bénévole puis salariée est une fausse victime, qui a été démasquée par un de leurs membres. Quelques mois à faire semblant avant que Florence M. ne soit interpellée en février dernier. Quelques mois surtout à ne plus lui confier de tâches importantes ou confidentielles. Quelques mois à l’entendre se scandaliser de l’histoire de Cédric Rey qui lui aussi a tenté de se faire passer pour une victime des attentats avant d’être démasqué puis condamné en décembre à deux ans de prison dont six mois ferme.

"Tout ça pour faire de l'audimat, c'est répugnant d'utiliser les événements du 13 novembre", a-t-elle écrit sur son mur Facebook après qu'un candidat d'une émission de télévision qui s'était inventé un ami mort au Bataclan. "Voilà le cynisme dont elle peut faire preuve", va déplorer un avocat.

En décembre 2015, la quadragénaire se présente à l’association Life for Paris. Charismatique, sociable et volontaire, elle se rend vite indispensable. Sa personnalité séduit, racontera en audition le président de Life for Paris. Son histoire aussi. Florence M. a un ami qui a été grièvement blessé au Bataclan lors de l’attaque. Elle raconte qu’il a reçu plusieurs balles de "kalachnikov" au genou et à l’abdomen. Une première fois, son récit s’effrite: son "pilier" a seulement été blessé au genou, légèrement, puis est parti en rééducation à Los Angeles. Mais la quadragénaire reste de tous les "apéros thérapie" où chacun tente de s'entraider.

"Détrousseur de cadavres"

Florence M. continue alors de berner les membres de Life for Paris, à commencer par une jeune femme touchée par l’histoire de cet "ami", Grégory. Elle va réussir à faire sa connaissance uniquement sur Facebook. Les deux jeunes gens vont discuter sur la messagerie du réseau social. Une relation va naître. Le jeune homme ne tarit pas d’éloges sur Florence M.. Etonnant, les enquêteurs ne retrouveront aucune conversation entre la quadragénaire et son "ami" de Los Angeles. Plus intrigant, deux comptes Messenger sont affiliés au compte Facebook de Florence M.: le sien mais aussi celui du fameux Grégory. Les autorités n'ont retrouvé aucune trace de cette personne, même si la quadragénaire a maintenu devant le tribunal qu'elle existait. La cour y voit surtout une volonté de manipuler.

L'enquête de police va aussi démontrer que Florence M. ne se trouvait pas au Bataclan le soir du 13 novembre 2015 mais à des kilomètres de là, à Lorient. Cela ne l'empêche pas de s'inscrire sur la liste unique des victimes des attentats gérée par le parquet de Paris. Étonnant pour celle qui se fait indemniser par le fond de garantie à hauteur de 25.000 euros. Étonnant pour celle qui se fait prendre en charge par la Caisse d'assurance maladie plus de 13.000 euros de soins. A chaque fois avec beaucoup de détermination et d'acharnement. Pour obtenir cela, le 16 février 2016, Florence M. a dû porter plainte comme victime de l'attentat. "Elle livre un récit glaçant, assure la procureure. Il est présenté avec moult détails." Pour cause, elle s'est inspirée de la véritable histoire des victimes qu'elle va côtoyer pendant des mois au sein de Life for Paris.

"Le plus abject, c'est qu'avec une méticulosité glaciale, vous avez volé la vie des morts comme un détrousseur de cadavres", a lancé Me Laigneau, l'avocat du Fond de garantie des victimes de terrorisme.

Troubles psychologiques

"A force de travailler constamment au contact des victimes, j'ai fait plus ou moins un transfert", a estimé ce jeudi Florence M. qui assure volontiers avoir pris conscience de ses troubles psychologiques à la fois ces derniers jours, en détention provisoire, mais aussi en mars 2016. Tout au long de l'audience, Florence M, cheveux décolorés, parsemés de mèches roses, laissant entrevoir des racines noires, va écouter sans broncher, sans s'effondrer, sans se rendre compte de ce qu'on lui reproche.

"Vous reconnaissez les faits mais il faut vous soumettre des éléments de preuve, l'accable la procureure. Il faut vous démontrer que ce qu'elle dit n'est pas la vérité." La représentante du parquet la voit attirer seulement par "l'appât du gain" pour celle qui dépense bien plus que ce qu'elle perçoit d'allocations chômage.

La vie et le parcours de Florence M., retracé devant le tribunal, sont celle d’une certaine misère. Elevée en partie par ses grands-parents puis par sa mère divorcée, elle va quitter le système scolaire très jeune. Elle n'a jamais réellement travaillé et enchaîne les emplois temporaires depuis 2002. Ses relations amoureuses sont marquées par l'alcool, la drogue et les troubles psychologiques. En 2014, un syndrome de Cushing, un excès de sécrétion d'une hormone, le cortisol, par les glandes surrénale, lui est diagnostiqué. Son avocate fera remarqué que cette maladie a de lourdes conséquences sur sa santé et qu'elle a dû être hospitalisé au centre pénitencier de Fresnes. "Ce n'est pas normal à 50 ans de s'inventer des amis", plaide Me Savoy-Nguyen, laissant apparaître le "mal-être" de sa cliente qui vit chez sa mère et "qui n'a pas de vie". 

L'expertise psychologique fait ressortir "un narcissisme fragile et des troubles identitaires", ainsi qu'une "absence de culpabilité". Florence M. a des difficultés sur trois questions: "le rapport à la loi, vous n'en avez rien à faire", le rapport à la vérité, vous avez votre vérité, et le rapport au corps", a tranché la présidente du tribunal correctionnel.

Justine Chevalier