
JULIEN DE ROSA / AFP
RÉCIT. Meurtre de Louise: de la disparition aux aveux glaçants d'Owen L., six jours d'enquête
C'est la fin des cours et le début du week-end pour Louise, 11 ans. Nous sommes le 7 février, début d'après-midi. La sonnerie retentit au collège André-Maurois d'Épinay-sur-Orge, un établissement tranquille de l'Essonne au cœur d'une zone pavillonnaire jusqu'ici sans histoire.
Louise, longs cheveux ondulés coiffés de son bonnet noir à pompon, quitte le collège avec la légèreté des fins de semaine. Elle a de la chance, elle termine tôt le vendredi. Il y a bien des devoirs à faire, mais elle a tout le week-end devant elle. La collégienne est en 6e. Le genre d'élève timide, discrète et sérieuse qui, si elle ne se fait pas remarquer, n'en reste pas moins appréciée.
"Elle était pleine de vie, joyeuse, très souriante. C'est dur d'accepter que quelqu'un qu'on connaît n'est plus là, surtout dans ce genre de conditions", témoigne l'une de ses amies auprès de RMC.
Pas encore adolescente, Louise a encore le visage d'une enfant. Et les goûts d'une enfant. Comme sa passion pour Lilo et Stitch, ces personnages de dessin animé qu'elle affiche sur ses sweats et jusqu'à sa carte de collège, rapporte Paris Match. "Le vert et le violet étaient ses couleurs préférées", dit son amie auprès de RMC.
La voilà donc sac au dos, emmitouflée dans son écharpe turquoise, qui prend le chemin du retour. Sa maison, où elle vit avec sa sœur de huit ans son aînée et ses parents, ne se trouve qu'à 400 mètres du collège.
Une résidence de pavillons avec jardin mitoyenne du parc des Templiers, à cheval entre Épinay-sur-Orge et Longjumeau, un coin de nature boisé bien connu des habitants qui s'y baladent en famille le dimanche. Un trajet de seulement quelques minutes à pied qu'elle connaît bien, elle le fait tous les jours.

Ses parents l'attendent, Louise n'est pas du genre à traîner. À 13h48, elle envoie un texto à une amie pour la prévenir qu'elle rentre chez elle. À 14 heures, une caméra de vidéosurveillance la filme traversant un passage piéton, smartphone autour du cou. Mais à partir de 14h07, plus aucune activité sur son téléphone. Louise disparaît. Et ne rentrera jamais chez elle.
"Il est clair qu'il suit la jeune fille"
Inquiets de ne pas la voir arriver, ses parents appellent la police. Peu avant 16 heures, ils se rendent au commissariat pour signaler sa disparition. L'affaire est immédiatement prise au sérieux: des forces de l'ordre arrivent très rapidement sur place, un hélicoptère et des drones thermiques survolent la zone. Aux policiers se joignent de nombreux habitants, alertés par la grande sœur de Louise qui a lancé un avis de recherche sur les réseaux sociaux. Eux aussi tentent de retrouver la fillette.
Mais toujours pas de nouvelles de Louise. Les minutes deviennent des heures, l'attente est longue, terriblement longue, insupportable. D'autant que le jour baisse, qu'il va bientôt faire nuit. Louise n'a toujours pas été retrouvée.
À 21h40, un chien pisteur marque à l'entrée du parc des Templiers. C'est sûr, Louise est passée par là. Mais pourquoi? Ce n'est pas son trajet depuis le collège pour rentrer jusqu'à chez elle. Pourquoi a-t-elle poursuivi son chemin jusqu'à ce bois? La collégienne avait-elle rendez-vous avec quelqu'un après les cours? A-t-elle fait une mauvaise rencontre? Des questions qui restent à ce moment-là sans réponse.

Les recherches se concentrent alors à cet endroit. Mais c'est un terrain accidenté, rien à voir avec les parcs de ville. Un bois dense, traversé par une rivière et bordé de champs, en plus il fait nuit. Mais il faut continuer de chercher.
Il est 1h50 quand se produit l'issue tant redoutée: le corps de Louise est retrouvé sans vie, habillée comme elle était partie le matin, téléphone à côté d'elle, bonnet à ses pieds. À seulement quelques foulées d'un lotissement et à 900 mètres de son collège.
Dans la nuit, un couple est arrêté et placé en garde à vue. Il s'agit d'un homme âgé de 23 ans et sa compagne de 20 ans. Il a les mêmes traits que cette silhouette masculine, en doudoune noire, qui semble suivre Louise sur les images de vidéosurveillance. "On le voit regarder tout autour de lui, comme prudent. Pour nous, il est clair qu'il suit la jeune fille", a confié au Parisien une source proche du dossier.
"On est tous en deuil"
Quand le soleil se lève le lendemain matin, les habitants d'Épinay-sur-Orge et de Longjumeau, les voisins, les familles apprennent que Louise est morte. "On est tous en deuil", confie l'un d'eux.
Devant le collège, camarades et parents se rassemblent spontanément. Il faut venir, être là, pour Louise. Des fleurs, des bougies, des peluches, des mots sont déposés. Sur l'un est écrit: "On ne t'oubliera pas". Tous sont sidérés, choqués, bouleversés. Certains n'ont pas de mots, d'autres pleurent.

"Ça n'aurait jamais dû arriver", s'indigne la mère d’une collégienne, interrogée par BFMTV. "Cette petite, elle avait la vie devant elle, et on lui a volée comme ça, sans raison (...) C'est terrible, c'est effroyable." Une autre: "Louise, c'est notre fille à tous et toutes".
"Mais comment c'est possible en pleine journée, en plein après-midi?" s'interroge, bouleversée, une autre mère de famille devant le collège. "C'est un drame."
L'autopsie de la fillette révèle qu'elle a été poignardée à plusieurs reprises. Des coups d'une extrême violence avec un objet tranchant. S'il semble qu'aucune violence sexuelle n'ait été commise, le corps de la fillette présente des lésions de défense qui montrent que Louise s'est débattue.
"Ça aurait pu être n'importe qui"
Mais dans la soirée, l'enquête repart à zéro: les deux suspects placés la veille en garde à vue sont mis hors de cause et libérés. Ce qui signifie que le ou les coupables courent toujours et sont donc là, quelque part, dans la nature, en liberté.
En plus de l'effroi suscité par la mort de Louise, les habitants ont maintenant peur. Car le trajet que Louise a emprunté, tous le connaissent, tous l'empruntent. "Il y a des dizaines et des dizaines d'élèves qui passent par ce chemin, ça aurait pu être n'importe qui. On ne sait pas s'il va recommencer ou pas, c'est horrible ce qui lui est arrivé", confie, émue, une collégienne.
"On n'ira plus au parc", s'inquiète une habitante interrogée par BFMTV.

Mais il faut le ratisser, ce parc. Trois hectares et demi où se trouve forcément un indice, une piste, une trace, quelque chose qui permette de retrouver le meurtrier de Louise. Dimanche, un important dispositif policier se déploie donc. Une dizaine de véhicules, 120 policiers, quatre chevaux de la police montée, des lampes torche, des pelles, des pioches et des détecteurs de métaux. Sans succès.
L'arme du crime n'est pas retrouvée. Alors la traque se poursuit. Bornage, chronologie, topographie des lieux, caméras de vidéosurveillance, un travail de fourmis.
"J'ai peur, je ne suis pas en sécurité"
Lundi matin, la reprise des cours est éprouvante pour les camarades de Louise. Compte tenu du contexte, les portes du collège ouvrent une heure plus tard et les élèves peuvent être reçus par une cellule psychologique. Malgré la présence en nombre de policiers sur la route du collège, certains sont terrorisés.
"J'ai peur, je ne suis pas en sécurité", confie une collégienne.
Un autre raconte avoir "surveillé (s)es arrières" sur le chemin de l'établissement. "J'ai regardé un peu partout, je n'ai pas mis ma musique, d'habitude je la mets avec mes écouteurs."
Devant le collège, cerné par les forces de l'ordre, c'est un cortège de fleurs, de bougies et de peluches en hommage à Louise. Une cagnotte ouverte par l'association de parents d'élèves du collège récolte près de 14.000 euros en quelques heures. Pour éviter aux parents "d'avoir à affronter seuls le poids des charges financières".

Nouveau rebondissement dans la journée: un autre suspect est interpellé à Rouen. Un homme de 23 ans au profil de marginal, placé en garde à vue avec sa mère. Un objet leur appartenant a d'ailleurs été retrouvé lors des fouilles la veille par les enquêteurs. Finalement, c'est une nouvelle fausse piste: dans la soirée, ils sont relâchés.
Mais quelques heures plus tard, l'enquête semble prendre un tournant décisif. Un troisième suspect est arrêté et placé en garde à vue. Owen L. a 23 ans. Il habite chez ses parents, dans le même quartier que Louise, il a même fréquenté son collège. Peut-être l'a-t-il d'ailleurs déjà croisée.
Cette fois, la piste paraît crédible. Les indices s'accumulent: des incohérences dans son emploi du temps, plusieurs personnes qui le reconnaissent sur les images de vidéosurveillance, des traces de griffures sur ses mains et surtout son ADN retrouvé sur les mains de Louise.
C'est la stupeur pour les voisins du suspect. "Il ne peut pas faire de mal à une mouche", confie l'un d'eux. "Il n'a jamais été méchant ni agressif." "C'est incompréhensible, on a des très bons rapports de voisinage, j'ai même mangé chez eux", témoigne un autre sur RTL.
Une famille que l'on décrit comme intégrée dans la vie locale. Owen L. fait de la boxe, du football et est inscrit en BTS informatique. Il vit chez ses parents, a une petite amie. Son ancienne responsable de stage de paysagisme le présente comme "hyper introverti". "Il ne nous a pas marqués", assure cette cheffe d'entreprise à BFMTV.
"C'était un gars comme tout le monde", raconte-t-elle a posteriori. "Parmi tous les stagiaires qu'on a eus, ce n'était vraiment pas le plus étrange."
Elle se souvient d'un "petit stagiaire qui n'a pas trop envie de bosser, en jogging, qui ramasse les branches une par une, pas très motivé par le métier".
"Violent", "nerveux", "agressif"
Pourtant, c'est un tout autre profil qui se dessine. Celui d'un jeune homme colérique, parfois tellement débordé par sa propre rage qu'il a besoin de sortir à pied ou en voiture pour se calmer. Sa petite sœur de 19 ans a d'ailleurs déposé une main courante contre lui pour violences. Et ne lui adresse plus la parole depuis près de deux ans.
Cette dernière le décrit comme "violent, nerveux, agressif", accro aux jeux vidéo. Le jeune homme consacre en effet la majeure partie de son temps libre à jouer. Il est aussi connu de la justice pour deux affaires, une tentative de vol et un vol, après lequel il avait dû suivre un stage citoyen.
C'est bien lui, l'homme en doudoune et casquette noires que l'on voit suivre Louise sur les images de vidéosurveillance. C'est lui qu'une amie de Louise a vu accompagner la fillette en direction du parc. Trois de ses proches - son père, sa mère et sa petite-amie elle aussi âgée de 23 ans - sont interpellés dans la nuit et placés en garde à vue pour non-dénonciation de crime.
Les premières heures, il nie. Mais après deux nuits de garde à vue, Owen L. avoue. Il regrette son geste, oui, mais il était très en colère, furieux, après "une dispute" avec un autre joueur sur Fortnite, l'un des jeux les plus populaires au monde, a relaté le procureur de la République d'Évry lors d'une conférence de presse.
Owen L. enfile sa doudoune - doudoune dans laquelle il prend toujours le soin de laisser son Opinel - et sort de chez lui, bouillonnant. Il faut qu'il se venge, qu'il passe sa colère quelqu'un. Il se met en tête de "voler ou racketter une personne pour se calmer". Une fois dans la rue, tout va très vite.
Il croise une fillette - c'est Louise - et voit le téléphone portable qu'elle porte autour du cou. Il l'aborde: il a perdu quelque chose, là, dans le parc des Templiers, et il a besoin de son aide pour la retrouver. Quelques pas, quelques secondes plus loin et les voici dans la demi pénombre du sous-bois. Il n'y a pas de promeneur, pas de joggeur, pas de témoin. Personne pour sauver Louise.
Immédiatement, il sort son couteau, la menace, fouille ses affaires. Mais la fillette a peur et se met à crier. C'est à ce moment-là qu'Owen L. aurait "paniqué", selon son récit, relayé par le procureur. Il fait tomber Louise et la poignarde. Violemment. Mortellement.
Du sang sur le menton
Owen L. rentre chez lui en courant. Dix minutes après être parti de chez lui, il est déjà de retour. Sa petite amie est dans la chambre, à l'étage, et l'entend depuis l'extérieur l'appeler. Elle descend, le découvre avec du sang sur le menton et des blessures à la main.
D'abord, il lui dit qu'il s'est blessé tout seul. Mais la jeune femme insiste. Alors, il lui raconte ce qui s'est passé dans le parc des Templiers. La fillette, le couteau. Puis lave ses vêtements à la javel et les jette dans une poubelle avec l'arme du crime, expliquera-t-il. Arme qui n'a toujours pas été retrouvée.
L'enquête a depuis révélé que trois jours avant la mort de Louise, Owen L. avait déjà abordé une collégienne de 12 ans, dans le même secteur, pour la racketter. Il avait déjà prétexté avoir perdu son téléphone dans le bois et avoir des problèmes de vue pour le retrouver. Mais la fillette avait refusé de le suivre.
Owen L. a été mis en examen mercredi soir pour meurtre sur mineur de moins de 15 ans et placé en détention provisoire. Sa petite-amie, poursuivie pour non-dénonciation du crime, a, elle aussi, été mise en examen et placée sous contrôle judiciaire. Les gardes à vue des deux parents du suspect ont été levées. Owen L. risque la réclusion criminelle à perpétuité.