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Canicule

"Ce n’est pas normal, c’est un cauchemar": les températures de la canicule font le grand écart avec les normes de saison

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La vague de chaleur en cours depuis vendredi est encore montée d'un cran ce lundi 11 août, avec des températures "d'un niveau exceptionnel" dans le Sud-ouest, selon Météo-France. Cet épisode est le deuxième de l'été sur le pays. Le dérèglement climatique rend ces événements plus fréquents et plus intenses.

La barre des 40°C a été dépassée. Ce lundi 11 août, à Captieux (Gironde), le mercure a atteint 42°C vers 15 heures. À Pissos (Landes), le thermomètre a enregistré 41,4°C. La station météorologique de Gavarnie, située à 1.400 mètres d'altitude dans les Pyrénées, a mesuré un record absolu de chaleur avec 35,1°C. Et les températures vont continuer de grimper, tandis que les ressentis sont parfois étouffants.

La France vit actuellement sa 51e vague de chaleur recensée depuis 1947. Météo France a placé 12 départements en vigilance rouge ce lundi. Ils seront 16 au total mardi. Des températures jusqu'à 43°C localement dans le quart sud-ouest sont attendues entre lundi et mardi. L'extrême chaleur devrait commencer à s'atténuer à partir de mercredi, même si cette vague de chaleur se poursuivra encore plusieurs jours.

Les nuits sont parfois tropicales, c'est-à-dire que le thermomètre ne redescend pas sous la barre des 20°C, empêchant le repos réparateur des organismes. Ainsi, dans la nuit de lundi à mardi, il fera au plus froid de la nuit 28°C à Nice, 26°C à Toulon, 21°C à Montpellier ou au Havre et 20°C à Grenoble, Paris ou Agen.

"Un cauchemar"

"Il fait chaud mais quoi de plus normal dans le Sud", "Ce sont des températures de l'été"... Peut-on malgré tout lire sur les réseaux sociaux en ce moment. Des affirmations qui contredisent les alertes des scientifiques. L'agro-climatologue Serge Zaka fait lui une mise au point très claire: "ce n'est pas normal, c'est un cauchemar".

Par exemple, quand on enregistre ce lundi 43°C à Brive-la-Gaillard, c'est 15°C de plus que les normales saisonnières dans la ville. Un mercure de 42°C à Toulouse ou à Mont-de-Marsan, c'est 13°C au-dessus de ces moyennes.

Partout sur l'Hexagone, il fait très chaud. Il fait également jusqu'à 40°C à Montélimar (+10°C par rapport aux normales de saison), 38°C à Vichy (+11°C), 35°C à Rennes (+11°C), 35°C à Annecy (+8°C) ou encore 33°C à Brest (+12°C).

Les températures minimales de la journée sont elles aussi partout plus élevées que les normales avec +8°C à Perpignan, +7°C à Bordeaux, +6°C à Paris ou +5°C à Lyon.

Le changement climatique en cause

Comment expliquer de telles chaleurs? Comme l'indique Météo-France, une "masse d’air extrêmement chaud" remonte sur une large partie du pays ce lundi, "sous l'influence d'une ex-tempête tropicale 'Dexter'".

"Mardi, de l'air moins chaud commence à arriver par la façade atlantique, mais les très fortes chaleurs résistent sur le Sud-ouest et s’accentuent sur la partie est du pays", explique également l'institut météorologique.

Or, ces conditions météorologiques naturelles sont renforcées par les effets du changement climatique. Il rend les vagues de chaleur plus précoces et tardives dans la saison, plus fréquentes, plus longues et plus intenses.

Selon Météo-France, avant cette nouvelle canicule, l'Hexagone, qui s'est déjà réchauffé de 1,9°C, avait déjà connu deux fois plus de vagues de chaleur après 2000 (32) qu'avant (17). Conséquence: dans une France à +4°C d'ici 2100 (par rapport aux niveaux préindustriels), des températures supérieures à 40°C pourraient se produire tous les ans, et des pics inédits de chaleur pourraient atteindre jusqu'à 50°C localement. À la fin du siècle, il faudrait s'attendre à dix fois plus de jours de vague de chaleur.

Et cette tendance devrait se poursuivre puisque les activités humaines continuent d'émettre des émissions de gaz à effet de serre dans l'atmosphère, ce qui accélère le réchauffement de la planète.

Multiplication et intensification des vagues de chaleur

Pour cette nouvelle canicule de l'été 2025, Météo-France parle d'une chaleur "d'un niveau exceptionnel" dans le Sud-ouest. Il s'agit, en effet, de la deuxième vague de chaleur intense de la saison, après celle survenue entre le 19 juin et le 4 juillet dernier. Celle-ci avait été particulièrement précoce, intense et durable.

"Durant les 16 jours en vague de chaleur, le seuil des 35°C a été dépassé à de très nombreuses reprises, jusqu’à 15 reprises à Carpentras (Vaucluse), 14 reprises à Nîmes (Gard) ou Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) et jusqu’à 9 fois à Toulouse ou Carcassonne", rappelle, par exemple, Météo-France.

"Narbonne a ainsi subi 15 nuits tropicales durant la vague de chaleur, Nîmes 14, Aix-en-Provence 12 et Toulouse 10 nuits tropicales", ajoute également l'organisme.
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Face à la multiplication de ces épisodes, la France s'habitue presque progressivement à de tels coups de chaud, et les habitants peuvent parfois avoir l'impression qu'il s'agit de températures normales pour l'été.

C'est ce que l'on appelle le "syndrome du référentiel glissant", théorisé en 1995 par le biologiste Daniel Pauly et qui explique que notre perception des températures évolue dans le contexte du dérèglement climatique, en prenant pour référence des températures de plus en plus élevées et en s'y habituant.

Les normales de saison sont-elles "normales"?

D'autant plus que les normales de saison ne définissent pas vraiment ce qui est "normal". S'il a fait 15°C de plus que les normales saisonnières à Brive-la-Gaillarde, il s'agit d'une comparaison avec des moyennes calculées sur la période 1991-2020. Or ces trente années comprennent déjà les années les plus chaudes de l'histoire.

Avant 2022, ces moyennes étaient mesurées sur 1981-2010. Si on comparait la température briviste actuelle avec les normales saisonnières de la période précédemment utilisées, l'écart serait encore plus important.

Ces normales climatiques permettent de caractériser le climat sur un lieu donné, pour une période donnée. Toutefois, comme l'explique Météo-France, "les normales ne sont pas des outils adaptés pour caractériser le changement climatique".

Ce concept "était basé sur le principe que le climat était constant à des échelles décennales à centennales", poursuit l'organisme météorologique. Ainsi, les nouvelles références climatiques, calculées sur la période 1991-2020, sont représentatives d'un climat centré sur les années autour de 2005 et présentent encore déjà un biais par rapport à la période actuelle, dans un climat qui se réchauffe. Effectivement, depuis 1970, chaque décennie est plus chaude que la précédente.

En résumé, lorsqu'on compare une température aux normales de saison, on la confronte à la moyenne des 30 dernières années, mais pas à une situation de "normalité", c'est-à-dire à la période ancienne où les effets du changement climatique n'existaient pas.

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Salomé Robles