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"Un objectif politique et symbolique": quelle stratégie pour l'Ukraine derrière l'attaque de drones en Russie?

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À la veille de l'ouverture de discussions avec les États-Unis ce mardi 11 mars, l'Ukraine a attaqué massivement la région de Moscou à l'aide de drones. Montrer ses capacités, inciter la Russie à accepter un cessez-le-feu partiel... Kiev semble vouloir s'enhardir à l'heure des pourparlers en Arabie saoudite.

La plus grande attaque de drones ukrainiens sur le territoire russe depuis le début de la guerre. Dans la nuit de ce lundi 10 mars au mardi 11 mars, la région de Moscou a été visée par des centaines de drones ukrainiens, faisant au moins trois morts et 18 blessés selon les autorités russes. Et ce, à quelques heures de l'ouverture de pourparlers en Arabie saoudite ce mardi matin entre une délégation américaine et ukrainienne en vue de futures négociations de paix avec le Kremlin.

Ce calendrier ne doit rien au hasard. Kiev voulait entamer un rapport de force avant l'ouverture des discussions, les premières à ce niveau depuis la visite désastreuse du président ukrainien Volodymyr Zelensky à la Maison Blanche fin février.

"Il y avait un objectif politique et symbolique", nous assure le général Jérôme Pellistrandi, consultant défense pour BFMTV.

"Les Ukrainiens veulent montrer qu'ils ne sont pas morts", abonde sur notre antenne Guillaume Ancel, ancien officier et chroniqueur de guerre. "Mais ils n'iront probablement pas plus loin".

"L’Ukraine montre qu’elle n’est ni vaincue ni prête à une capitulation"

Malgré l'intensification des combats ces derniers mois, et encore davantage ces dernières semaines, Kiev souhaite prouver que son armée a encore des capacités. "L’Ukraine montre à la Russie qu’elle est encore capable de tenir dans cette guerre, qu’elle n’est ni vaincue ni prête à une capitulation", affirme dans les colonnes du Parisien, Carole Grimaud, analyste spécialiste de la Russie.

Cette attaque d'ampleur, qui a touché des immeubles résidentiels, risque d'"ébranler" le moral de la population moscovite et "démontre que le système russe n'est pas infaillible", ajoute le général Jérôme Pellistrandi.

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Un message est aussi envoyé à l'administration de Donald Trump qui a mis en "pause" son aide et le partage de son renseignement à l'Ukraine une semaine auparavant. "Les Ukrainiens montrent qu’ils n’ont plus besoin du renseignement américain pour frapper Moscou et la Russie, du moins sur cette opération-là. Ils disent à l’administration américaine: on peut le faire sans votre aide", estime Carole Grimaud.

Pourtant, dans la région russe de Koursk où un front a été ouvert par Kiev en août 2024, l'armée ukrainienne pâtit de ce manque de données. Moscou a entamé à une contre-offensive pour récupérer les quelques centaines de km2 de terres que l'Ukraine espérait faire peser dans la balance des négociations. Ce mardi, la Russie a dit avoir repris 12 localités et "plus de 100 km2". "Privée de renseignements américains, l'armée ukrainienne ne peut pas compenser sa faiblesse numérique comparée à l'armée russe", juge Guillaume Ancel.

Obtenir un cessez-le-feu

Si faire de Koursk une monnaie d'échange se complique pour les Ukrainiens, ils espèrent que cette attaque massive si près de la capitale russe poussera le Kremlin à accepter la proposition de trêve "dans les airs" et "en mer" apportée à Djeddah.

"Il s'agit là d'un signal supplémentaire adressé à (Vladimir) Poutine pour l'inciter à s'intéresser à une trêve aérienne", a déclaré Andriï Kovalenko, porte-parole du Centre gouvernemental ukrainien contre la désinformation.

Pour le général Jérôme Pellistrandi, les frappes n'étaient pas "destinées à faire des dégâts", mais il s'agit d'une "action d'ordre politique pour arriver à obtenir un cessez-le-feu". "Cela montre que l'Ukraine est capable de frapper jusqu'à Moscou et donc que cela justifie la demande de cessez-le-feu dans les airs et en mer. Cela veut dire 'si vous arrêtez, j'arrête'", souligne-t-il.

"Le miroir" des attaques russes en Ukraine

Malgré le rapprochement entre Washington et Moscou, Kiev ne cesse en effet de subir des bombardements russes sur son territoire. Cette même nuit, 126 drones et un missile balistique russes ont visé le pays selon l'armée de l'air. Samedi dernier, onze personnes ont été tuées et quarante autres, dont six enfants, ont été blessées à Dobropillia dans la région de Donetsk, dans l'est de l'Ukraine où sont désormais concentrés les combats.

L'attaque ukrainienne est "le miroir de ce qu'il se passe du côté des Russes qui ont lancé des attaques ces derniers jours et ces dernières nuits", analyse l'ancien officier Guillaume Ancel. "Et, surtout c'est un baroud d'honneur. Zelensky en Arabie saoudite qui va devoir négocier avec les émissaires américains sait très bien qu'il a la corde au cou".

Juliette Brossault