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Retraites, proportionnelle, immigration… Les annonces de Bayrou lors de son discours de politique générale

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Le Premier ministre, François Bayrou, a prononcé sa déclaration de politique générale ce mardi. Il y a notamment annoncé une "remise en chantier" de la réforme des retraites.

Près d'une heure et demie pour convaincre. Le Premier ministre, François Bayrou, a prononcé sa déclaration de politique générale devant l'Assemblée nationale ce mardi 14 janvier. Un discours aux lourds enjeux: le précédent gouvernement, mené par Michel Barnier, a été renversé en décembre par une motion de censure votée par la gauche et le RN. Or, l'équipe menée par le président du Modem ne dispose toujours pas d'une majorité absolue dans l'hémicycle.

Depuis plusieurs jours, les socialistes menaient des discussions avec le gouvernement pour un accord de non-censure, en échange d'une renégociation rapide de la réforme des retraites et de concessions budgétaires. Des demandes évoquées ce mardi par François Bayrou, sur la question des retraites notamment.

• La réforme des retraites "remise en chantier"

Le Premier ministre a déclaré vouloir faire face à "l'urgence" que présente la "précarité budgétaire" entraînée par le rejet du budget en fin d'année 2024. Pour "trouver des voies de passage", "la première urgence" est de "répondre à la question des retraites qui occupe le débat public", a estimé François Bayrou, qui a annoncé une "remise en chantier" de la réforme.

Au centre des tensions, la révision de l'âge de départ, fixé à 64 ans par la loi de 2023. François Bayrou a défendu mardi une réforme "vitale" en raison du "lourd problème de financement de notre système de retraites". Mais face aux contestations, François Bayrou a décidé d'adopter une "méthode inédite et quelque peu radicale".

Le chef du gouvernement va demander "une mission flash à la Cour des comptes, de quelques semaines" pour obtenir des "chiffres indiscutables" sur les retraites. Une "délégation permanente" sera créée, avec les "partenaires sociaux", dans les mêmes bureaux, "pendant trois mois à dater du rapport de la Cour des comptes".

"Nous pouvons rechercher une voie de réforme nouvelle, sans aucun totem et sans aucun tabou, pas même l’âge de la retraite, à condition qu’elle réponde à l’exigence fixée", a déclaré François Bayrou. En l'absence d'accord à l'automne, la réforme actuelle continuera de s'appliquer, a-t-il précisé.

• Des budgets "repensés", un fonds pour la "réforme de l'État"

Soulignant le "surendettement" de la France, François Bayrou a estimé que "tous les partis de gouvernement, sans exception, ont une responsabilité" dans cette situation. "Cette dette est une épée de Damoclès au-dessus de notre pays et de notre modèle social", a ajouté le Premier ministre, en accusant "tous les partis d'opposition" de demander "sans cesse des dépenses supplémentaires", ce qui produit un "tango fatal qui nous a conduits au bord du précipice".

La France vise un déficit public à hauteur de 5,4% de son PIB en 2025, supérieur à la projection du précédent gouvernement (5%), et abaisse sa prévision de croissance à 0,9% cette année contre 1,1% avant que Michel Barnier ne soit renversé, a annoncé le nouveau Premier ministre, François Bayrou.

Face à ces données, le président du Modem a estimé qu'il fallait "repenser tous nos budgets" et annoncé "la création d'un fonds spécial entièrement dédié à la réforme de l'État" et à sa réorganisation. François Bayrou a notamment estimé que les "1.000 agences ou organes de l'État" actuels constituent "un labyrinthe dont un pays rigoureux peut difficilement se satisfaire".

Ce fonds sera financé par des actifs "en particulier immobiliers, qui appartiennent à la puissance publique de façon à pouvoir investir, par exemple dans le déploiement de l'intelligence artificielle dans nos services publics", a-t-il déclaré dans sa déclaration de politique générale

• Vers la proportionnelle aux législatives?

Dénonçant la "stratégie" de Jean-Luc Mélenchon de "faire de tout sujet un conflit", il a jugé que le "pluralisme" politique est "légitime" mais qu'il doit être "organisé". François Bayrou souhaite la création d'une "banque de la démocratie", pour que les partis ne dépendent plus de "banques privées" mais que le financement puisse relever "d'organismes publics, placés sous le contrôle du Parlement".

Il a également évoqué la question de la proportionnelle, disant vouloir "avancer sur la réforme du mode de scrutin" législatif. Cette réforme, "probablement", "nous obligera à reposer en même temps la question de l'exercice simultané d'une responsabilité locale et nationale", a ajouté le Premier ministre, suscitant la protestation de nombreux députés à gauche, plus de dix ans après la suppression du cumul des mandats lors de la présidence de François Hollande.

• "Une politique de contrôle et de régulation" de l'immigration

Le Premier ministre a affirmé sa "conviction profonde" que l'immigration est "une question de proportion". "L’installation d’une famille étrangère dans un village pyrénéen ou cévenol, c’est un mouvement de générosité qui est suscité et qui se déploie, des enfants fêtés et entourés à l’école, des parents qui reçoivent tous les signes de l’entraide. Mais que trente familles s’installent et le village se sent menacé", a déclaré François Bayrou.

Celui-ci a donc insisté pour une "politique de contrôle, de régulation et de retour dans leur pays de ceux dont la présence met en péril, par leur nombre, la cohésion de la nation". Il souhaite, pour cela, "réactiver" le comité interministériel de contrôle de l’immigration et "mieux user de notre aide au développement, en retrouvant dès 2026 une trajectoire dynamique".

• Le réexamen des cahiers de doléances des gilets jaunes

François Bayrou a souhaité "reprendre l'étude des cahiers de doléances" rédigés à l'issue des débats qui avaient suivi les manifestations des "gilets jaunes", un mouvement "négligé" selon lui.

Les "gilets jaunes" ont "dénoncé l'état qu'ils ressentaient de notre société", "la division du pays entre ceux qui comptent et ceux qui ne comptent pas", mais "la promesse française suppose que nous puissions abattre le mur qui existe entre les uns et les autres", a affirmé le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale.

"C'est la raison pour laquelle nous devrons reprendre l'étude des cahiers de doléances", afin que "s'expriment dans notre société (...) les attentes souvent les plus inexprimées, qui sont celles des milieux sociaux exclus du pouvoir", a-t-il expliqué.

• Parcoursup, "une question" pour François Bayrou

"Parcoursup est une question", a déclaré François Bayrou, en estimant nécessaire d'"ouvrir les portes" et d'"inventer la période de l'année d'articulation entre l'enseignement secondaire et l'enseignement supérieur".

"Vouloir sélectionner précocement, sans qu'aient mûri l'esprit et les attentes, je pense que c'est une erreur, en tout cas une faiblesse", a estimé devant l'Assemblée nationale le chef du gouvernement, critiquant en creux la plateforme post-bac d'orientation lancée en 2018.

• Les normes et contrôles agricoles remis en question

Le Premier ministre a mené une charge contre les contrôles et les normes environnementales auxquels les agriculteurs sont soumis, allant jusqu'à qualifier de "faute" les inspections "avec une arme" de l'Office français de la biodiversité.

"Je m'engage (...) à ce que nous remettions en question les pyramides de normes en donnant l'initiative aux usagers. Ceux que l'on contrôle doivent avoir leur mot à dire sur les contrôles", a-t-il déclaré au lendemain d'une rencontre avec les principaux syndicats agricoles, remontés après un an de mobilisation.

• Un retour sur la baisse du remboursement des médicaments

François Bayrou a par ailleurs confirmé que la santé mentale sera la grande cause nationale en 2025, comme l'avait annoncé son prédécesseur Michel Barnier. Face aux "crises" que connaît le système de santé, le gouvernement proposera "une hausse notable" de l'Objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) pour "améliorer les conditions de travail des soignants et de protéger les plus fragiles".

Alors que le précédent gouvernement avait annoncé une baisse du remboursement des médicaments, avant de revenir dessus à la demande du Rassemblement national, "la mesure de déremboursement de certains médicaments et des consultations ne sera pas reprise", a fait savoir François Bayrou.

Ce dernier s'est voulu combatif face au risque de censure de son gouvernement, assurant que sa "situation est un atout" car "quand tout paraît aller mal, on est contraint au courage". Les Insoumis avaient déjà prévu de déposer une motion de censure qui sera examinée jeudi ou vendredi. Alors que les différents partis du Nouveau Front populaire connaissent de vives tensions, les votes pour ou contre cette motion s'annoncent parlants. Elle n'a cependant aucune chance a priori d'être adoptée puisque le RN a confirmé qu'il ne la voterait pas.

Sophie Cazaux avec AFP