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Mort de Nahel: la macronie vit les violences urbaines comme un "tsunami en pleine tête"

Le tee-shirt d'un manifestant qui demande la "justice pour Nahel" le 29 juin 2023 lors de la marche blanche à Nanterre

Le tee-shirt d'un manifestant qui demande la "justice pour Nahel" le 29 juin 2023 lors de la marche blanche à Nanterre - Bertrand GUAY / AFP

Après avoir espéré tourner l'une des pires pages du quinquennat avec la réforme des retraites, l'exécutif est désormais confronté à la colère suscitée par la mort d'un adolescent tué par un tir de policier après un refus d'obtempérer. "Tout peut déraper très vite et on n'a que peu de leviers d'actions", avance un familier des allées du pouvoir.

"Rien ne nous aura été épargné: les gilets jaunes, le Covid-19, la galère parlementaire de la réforme des retraites et maintenant les banlieues qui s'enflamment". Ce conseiller ministériel résume le sentiment qui parcourt les rangs de la majorité après une seconde nuit d'émeutes, en réaction à la mort du jeune Nahel, tué à Nanterre par un tir de policier ce mardi.

Le gouvernement a pourtant dès le départ cherché à faire très vite redescendre la pression. Quelques heures à peine après l'annonce de ce décès, Gérald Darmanin ménageait la chèvre et le chou.

Violences urbaines: l'exécutif face à l'embrasement
Violences urbaines: l'exécutif face à l'embrasement
22:16

"Macron a senti que quelque chose de très grave se passait"

Tout en rappelant au "respect de la présomption d'innocence", le ministre de l'Intérieur reconnaissait à l'Assemblée nationale que la vidéo qui infirmait la version policière contenait "des images choquantes" et évoquait "un drame".

Moins de 24 heures plus tard, Emmanuel Macron s'exprime sur la mort de ce jeune de 17 ans qu'il juge "inexcusable, inexplicable" et dit "sa peine et son affection" aux proches de l'adolescent.

Rebelote aux questions d'actualité au gouvernement au Sénat, quelques heures plus tard. Élisabeth Borne avance alors que l'intervention policière n'est "manifestement pas conforme aux règles d'engagement de nos forces de l'ordre".

"Le président n'a jamais mis la poussière sous le tapis. Quand je vois la rapidité avec laquelle il a réagi, on voit qu'il a senti que quelque chose de grave venait de se passer", décrypte le député Renaissance Patrick Vignal auprès de BFMTV.com.

"Le président a exprimé son émotion, comme de la Nation. Il connaît les quartiers", souligne de son côté l'Élysée alors que le président a achevé mercredi soir trois jours de visite à Marseille pour se pencher notamment au chevet des cités les plus en difficulté de la cité phocéenne.

"Tout peut déraper très vite"

Avec notamment un espoir: que cette longue visite de terrain montre que l'exécutif avait tourné définitivement la page de la séquence des retraites, après des mois de bras de fer pour se projeter enfin sur d'autres dossiers. Le président cherchait d'ailleurs à réorganiser une partie de son dispositif gouvernemental d'ici le 14 juillet.

"À peine arrive-t-on à sortir un peu la tête de l'eau après les retraites qu'on se reprend un tsunami en pleine tête. Sur les banlieues, tout peut déraper très vite et on n'a que peu de leviers d'actions", se désole le conseiller d'un ministre.

"Troubler d'autres dossiers en cours"

Élisabeth Borne devait même dévoiler dans les prochains jours un point d'étape des priorités de la vie quotidienne fixées par le président. Autant dire que la situation actuelle remet en cause le tempo souhaité par l'Élysée.

"Bien sûr que ce genre d'événement vient toujours troubler d'autres dossiers en cours. Et on sait que l'été est toujours un moment compliqué dans les banlieues comme l'est souvent le printemps dans les universités", juge le patron des sénateurs macronistes François Patriat.

"Notre pays vit des choses très difficiles. En ce moment, on est sur une base qui n'est vraiment pas apaisée, il fait chaud, les lycées et les collèges sont fermés", s'inquiète également la députée Cécile Rilhac, apparentée Renaissance.

"Aucun signe avant-coureur"

Le ton a indubitablement changé dans les rangs de la majorité présidentielle. Avant l'annonce de la réforme des retraites et face à une inflation galopante, pas grand-monde ne croyait à une explosion de violence proche de celles des gilets jaunes que certains avaient tenté de relancer en janvier dernier.

La macronie craignait plutôt la création de collectifs à l'image de ceux des contrôleurs SNCF ou des médecins généralistes qui ont mis sous pression l'exécutif. Finalement, les mobilisations contre le recul de l'âge de départ à la retraite, presque une quinzaine en 5 mois, n'ont pas guère débouché sur des échauffourées.

"On n'avait aucun signe avant-coureur de la situation qui a eu lieu ce mercredi soir. Le maire de Mons-en-Barœul explique n'avoir rien vu venir", confirme la députée macroniste Violette Spillebout, voisine de cette ville où la mairie et la salle des fêtes ont été incendiées.

Pour tenter de couper court à une situation explosive, Gérald Darmanin a annoncé que 40.000 policiers seront déployés ce jeudi soir dans l'Hexagone. 2000 policiers et gendarmes étaient présents ce mercredi soir. Emmanuel Macron de son côté a appelé à la fois "au recueillement et à la justice" tout en exigeant le retour au "calme" à l'issue d'une réunion de crise interministérielle.

Marie-Pierre Bourgeois