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Éric Lombard le futur Premier ministre? L'hypothèse qui séduit la gauche sans effrayer la droite

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ET SI C'ÉTAIT LUI? (4/4) - Apprécié d'une partie de la gauche, Éric Lombard a des chances d'entrer à Matignon. Ancien banquier, le ministre de l'Économie a pour lui sa très bonne connaissance des marchés, un atout dans un contexte budgétaire explosif. Mais nommer l'architecte du budget de François Bayrou pourrait aussi passer pour une provocation.

De Bercy à Matignon. À quelques jours de la chute très probable de François Bayrou, le ministre de l'Économie est sur la liste des éventuels successeurs au chef du gouvernement. Il n'est certes pas le seul, son nom étant notamment coincé entre Gérald Darmanin, Catherine Vautrin et Olivier Faure. Mais Éric Lombard a pour lui d'être apprécié par la gauche et compatible avec la macronie.

"C'est un peu le mouton à 5 pattes. Il est pro-business, il a le numéro de tous les socialistes et en plus il est humainement très sympathique", résume auprès de BFMTV l'un de ses ex-collègue du Cercle des économistes, ce think tank apprécié d'Emmanuel Macron.

Rare personnalité de gauche à être devenue ministre ces dernières années - à l'exception cependant d'un Manuel Valls et d'un Didier Migaud, tous deux en rupture de banc avec la gauche depuis des années - Éric Lombard a pour lui d'être "un ami" d'Olivier Faure comme l'avait expliqué le premier secrétaire du PS et de François Hollande.

"Je ne vous dis pas que ça permettrait de tout solutionner à l'Assemblée mais ça a quand même le mérite de mettre de l'huile dans les rouages", observe un député socialiste.

A gauche, des séduits et des sceptiques

Peut-être mais pour l'instant Éric Lombard n'a pas fait de miracle. C'est certes bien lui qui a été aux manettes de l'accord entre François Bayrou et les socialistes en janvier dernier pour parvenir à une non-censure du budget 2025 en échange de l'organisation d'un conclave sur les retraites.

Mais cela n'a pas empêché les députés PS d'avoir finalement eu l'impression d'avoir été dupés par le centriste avant de décider de ne pas lui accorder leur confiance le 8 septembre prochain. Éric Lombard n'est pas non plus parvenu à rouvrir une ligne de dialogue entre le Premier ministre et les socialistes de tout l'été. De quoi peut-être amoindrir l'intérêt des élus PS pour lui.

"Il a fait ce qu'il a pu mais il ne peut pas remettre en cause à lui seul la politique économique d'Emmanuel Macron. Le président n'a jamais voulu revenir sur la retraite à 64 ans, Éric Lombard ou non", nuance un sénateur du parti à la rose.

"Il a des copains mais on n'est pas tous à fond derrière lui. Moi, un ancien banquier Premier ministre, je n'achète pas. On a déjà vu que ça donnait avec Emmanuel Macron", tance de son côté un élu de l'aile gauche du mouvement.

Sur ce profil, le PS se scinde en deux. Certains qui seraient prêts à le soutenir. D'autres préféreraient prendre leurs distances avec "l'homme aux 44 milliards" d'économies . En attendant, c'est bien la piste Olivier Faure à Matignon que défendent les élus socialistes.

L'argument de la nuance

Autant dire que pour parvenir à embarquer largement les socialistes, les écologistes et les communistes - les insoumis ayant déjà fermé la porte à cette hypothèse- Éric Lombard devrait donc préalablement s'assurer que le chef de l'État lui laisse les mains libres et lâche du lest sur certains dossiers.

Le président y est-il prêt? Peut-être bien, après l'échec de Michel Barnier et de François Bayrou, qui n'ont guère eu de marge de manœuvre économique. Lors d'un déjeuner autour de Gabriel Attal, Édouard Philippe, Bruno Retailleau et François Bayrou, le chef de l'État leur a demandé de "travailler" avec le PS.

Signe que rien n'est gagné: le ministre a récemment assuré qu'un retour de l'impôt de solidarité sur la fortune, réclamé par la gauche, était "complètement écarté" tout comme une taxation sur les très hauts patrimoines.

C'est peut-être d'ailleurs là son meilleur atout aux yeux d'Emmanuel Macron: sa très bonne connaissance de l'économie, des banques et de leur fonctionnement. Éric Lombard a notamment travaillé pendant près de deux décennies pour la BNP Paribas, triplant notamment la taille de la filiale en charge des assurances du groupe.

"Ce n'est pas un mec qui pense que tous les riches et les grandes entreprises veulent du mal à la France", traduit un conseiller ministériel qui l'apprécie.

"La langue des marchés"

Si la note de la dette française venait à être rétrogradée dans les prochaines semaines par les agences de notation, comme cela pourrait être le cas le 12 septembre prochain avec l'agence Fitch, Éric Lombard pourrait d'avoir même la lourde charge de devoir les rassurer pour éviter tout envol des taux d'endettement.

De quoi susciter une certaine adhésion à droite et assurer le maintien du socle commun qui joindrait ses forces aux députés PS dans une sorte de grande coalition?

"Il parle très bien la langue des marchés. Ça ne fait jamais de mal dans le contexte qui est le nôtre", avance un député LR qui ne voit pas "un repoussoir dans son profil".

"Un type comme lui, on ne rentre pas dans son gouvernement mais on ne cherche pas tout de suite à lui faire la peau", partage l'un de ses collègues au Sénat.

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L'épisode qui a pu fâcher Emmanuel Macron

Éric Lombard n'a pourtant pas joué que sur du velours ces derniers jours. Au lendemain de l'annonce par François Bayrou d'un vote de confiance, le ministre de l'Économie a laissé planer le risque d'une intervention du Fond monétaire international (FMI) en cas de chute du gouvernement.

Le locataire de Bercy prophétise également l'explosion des taux d'intérêt de la dette française, s'inquiétant de se rapprocher de ceux pratiqués pour l'Italie"un temps mauvaise élève de l'UE".

Ces mots visaient à dramatiser les enjeux du vote des députés avec l'espoir de renverser la vapeur et de convaincre les députés de soutenir François Bayrou ou au moins de s'abstenir.

Mais ses propos ont été accueillis avec fébrilité par la Bourse de Paris qui clôture le soir même des déclarations d'Éric Lombard en baisse. De quoi pousser le ministre à rétropédaler dans les heures qui suivent.

"Nous ne sommes, aujourd'hui, sous la menace d'aucune intervention, ni du FMI, ni de la BCE, ni d'aucune organisation internationale", tente-t-il finalement de rassurer. Bref, la séquence fait très mauvais effet.

"Je ne suis pas sûr que le président ait trop apprécié cet épisode", tranche un proche d'Emmanuel Macron.

Remplacer François Bayrou par... L'artisan de son budget?

Le ministre a aussi les défauts de ses qualités: il est certes un très bon connaisseur des questions économiques. Mais est-il possible de faire tomber François Bayrou en jugeant que sa copie budgétaire est mauvaise et soutenir ensuite celui qui l'a bâti?

"Ce serait quand même très très particulier. Il y aurait un petit côté 'je m'assieds sur le vote de l'Assemblée'", juge un député PS issu de l'aile gauche. "Mais avec Emmanuel Macron, on peut toujours avoir des surprises".

Pour l'instant, le ministre de l'Économie refuse de commenter une éventuelle arrivée à Matignon. "Je ne me place pas dans l’hypothèse d’un échec lundi, parce que quand nous sommes dans la bataille il faut être concentré sur l’objectif", a-t-il botté en touche ce mercredi lors d'un déplacement dans les Yvelines.

Commentaire du député macroniste Ludovic Mendes: "on parle beaucoup trop d'Éric Lombard pour que ce soit lui qui soit vraiment nommé à la fin". Le nom de François Bayrou était pourtant l'une des pistes les plus sérieuses en décembre dernier avant qu'il ne soit officiellement nommé.

Marie-Pierre Bourgeois