"Je ne vais pas vous dire que ça m'enchante mais...": Olivier Faure pourrait-il devenir Premier ministre?

Olivier Faure à Blois le 29 août 2025 - GUILLAUME SOUVANT / AFP
Un Premier ministre de droite avec Michel Barnier, un macroniste avec François Bayrou et maintenant un socialiste avec Olivier Faure? Après le départ de l'actuel locataire de Matignon, plus probable que jamais à l'approche du 8 septembre et du vote de confiance, le premier secrétaire du PS ne fait pas semblant.
Nous sommes "volontaires" et "prêts" à entrer à Matignon, a lancé le socialiste lors des universités d'été du parti fin août.
Message reçu par Emmanuel Macron qui cherche à sortir de la crise et à éviter une nouvelle dissolution dans les prochaines semaines? Le chef de l'État a profité d'un déjeuner à l'Élysée ce mardi autour d'Édouard Philippe, Gabriel Attal, Bruno Retailleau et François Bayrou pour les exhorter à "travailler" avec le PS.
En sortant la calculette, on comprend bien que le président n'a guère le choix. Si tout le socle commun allie ses forces avec les troupes socialistes, on obtient 276 députés. Si on ajoute encore les Liot, ce groupe de députés hétéroclites, les écologistes et les communistes tout en excluant les insoumis farouchement opposés à l'idée, on monte même à 354 députés, soit 65 députés de plus que la majorité absolue.
De quoi largement permettre d'adopter les budgets de l'État et de la sécurité sociale à l'automne prochain, sans recours au 49.3, cet article de la Constitution qui permet de faire adopter un texte sans vote. En s'évitant, donc, une motion de censure.
Bref, une vraie garantie de stabilité dans un paysage politique profondément mouvant depuis plus d'un an. Pour enfoncer à nouveau le clou, Olivier Faure s'est dit dans la foulée des agapes à l'Élysée à "la disposition du président" pour discuter "des conditions" d'un tel scénario.
Tout sauf le 49.3
Côté macroniste, on y est prêt en dépit des multiples piques lancées par François Bayrou ces derniers jours aux socialistes. "Si on continue à garder la même coalition, on va droit dans le mur. Donc oui, il faut qu'on soit prêt à mettre de l'eau dans notre vin", avance l'ex-ministre Jean-Baptiste Moreau, membre de la direction de Renaissance auprès de BFMTV.
"Je ne vais pas vous dire que ça m'enchante. Mais entre une nouvelle dissolution et revenir à 40 à l'Assemblée ou avoir Olivier Faure en Premier ministre, la question, elle est vite répondue (sic). Disons que je ne suis pas contre l'idée", reconnaît un député macroniste, issu de l'aile droite.
En macronie, plusieurs élus demandent un engagement à ne pas utiliser le 49.3 et l'assurance de ne pas détricoter la politique économique d'Emmanuel Macron à coups de décrets.
Reste encore à convaincre largement les députés LR et Horizons (soit 83 députés) de jouer le jeu en acceptant au moins de ne pas censurer un gouvernement dirigé par Olivier Faure.
Le "ni oui ni non" de la droite
Jusqu'ici, le président des élus de droite à l'Assemblée Laurent Wauquiez semblait farouchement contre. Mais les temps ont changé. Ce jeudi 4 septembre sur BFMTV, il a annoncé que ses députés ne censureraient "ni un gouvernement PS, ni un gouvernement RN" pour éviter "une instabilité catastrophique".
Encore faut-il s'assurer que les députés LR sont tous sur la même longueur d'ondes alors même que le soutien à François Bayrou les divise. Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a déjà mis son veto, expliquant dans la foulée sur X que "si un gouvernement socialiste devait mener une politique contraire aux intérêts de la France, le devoir de la droite serait de l’empêcher".
La nomination d'un gouvernement mené par un socialiste mettrait également fin à la présence de ministres de droite - une grosse couleuvre à avaler pour un parti qui a rapidement repris goût au pouvoir ces derniers mois.
"On peut avoir des ministres de droite et des ministres PS dans un gouvernement mais nous n'irons pas avec un Premier ministre socialiste. C'est un niet catégorique. Il n'en est pas question", assume un conseiller ministériel de l'un des poids-lourds de droite.
Pas de ministres LR donc, mais une bienveillance du Sénat malgré tout? La chambre haute, dominée par la droite, étant devenue un véritable facilitateur ces derniers mois pour le gouvernement en l'absence de majorité à l'Assemblée. "On ne peut pas avoir d'accord de gouvernement avec le PS", a déjà clarifié le président du Sénat Gérard Larcher dans les colonnes du Parisien.
"C'est vraiment vraiment difficile à dire, nuance un député macroniste. Les députés LR n'ont rien à voir avec leurs collègues sénateurs. Eux, c'est vraiment la tendance Retailleau-jusqu'au boutiste, pas du genre à faire des cadeaux. Mais est-ce qu'ils auront envie d'apparaître comme les ringards qui bloquent?"
L'impératif, des concessions de part et d'autre
Malgré cette inconnue, le changement de posture de Laurent Wauquiez et l'ouverture du bloc central dégage l'horizon d'un compromis que François Hollande appelle de ses voeux depuis la Foire de Châlons et d'un gouvernement composé de ministres écologistes, communistes, PS et issus du bloc central. Le tout chapeauté par Olivier Faure. Mais est-il prophète chez les socialistes?
La porte-parole du PS Dieynaba Diop refuse un gouvernement "d'union républicaine, donc ni avec Laurent Wauquiez et encore moins avec la macronie" sur BFMTV ce jeudi soir.
"Nous, notre gouvernement ne sera qu'avec de la gauche, des écologistes, de la société civile et tous ceux qui ont envie de travailler", insiste encore la députée des Yvelines.
"Concrètement, on propose un accord de non-censure avec le bloc central, ce qui permettrait à notre gouvernement de durer et de chercher des majorités texte par texte", décrypte le député PS Philippe Brun.
Quitte donc à pousser les socialistes à renoncer à certaines de leurs lignes rouges. Ils ont certes bien présenté un contre-budget ces derniers jours avec des orientations très différentes de celles préconisées par le socle commun. Effort de 22 milliards contre 44 milliards actuellement prévus, la création d'une taxe sur les très haut patrimoines défendue par l'économiste Gabriel Zucman... Mais cela pourrait bien rester dans les cartons.
"Tout cela ne pourra marcher que si des concessions ont été actées en amont tant chez les socialistes que dans le bloc central", insiste le député Liot Harold Huwart. Chez les Liot, on milite pour se mettre d'accord sur dix propositions liées au budget et de s'y tenir coûte que coûte, avec le PS ou le socle commun.
"On n'ira pas faire du Macron pur sucre"
"Tout ne sera pas applicable" dans le programme du Nouveau front populaire, a déjà reconnu le premier secrétaire du PS, tout en promettant de faire "tout ce qui est possible" ce lundi soir sur BFMTV.
"Il faut quand même que ça serve à quelque chose qu'on y aille. On n'est pas masochistes non plus. On n'ira pas si c'est pour faire du Macron pur sucre", reconnaît un proche du patron de la gauche.
C'est qu'à quelques mois des municipales et d'une campagne présidentielle qui devrait commencer dès le mois de septembre prochain, il ne faudrait pas trop s'abîmer et se disqualifier pour la suite.
Autre risque: une alliance baroque entre le RN et LFI qui s'allieraient pour faire tomber très vite le gouvernement d'Olivier Faure. Sur le papier, le compte n'y est pas mais la méthode mettrait très sérieusement la pression sur le nouveau gouvernement.
"Olivier Faure se met à disposition de Macron pour remplacer Bayrou. Les insoumis ne sont informés de rien et n'ont rien à voir avec cette offre de service qu'ils condamnent", a fait savoir Jean-Luc Mélenchon sur X ce mardi.
Mais les insoumis pourraient-ils vraiment aller jusqu'à la censure? En dépit des fortes tensions avec le PS, il pourrait être très compliqué d'assumer de vouloir faire tomber un gouvernement qui propose d'augmenter les impôts des très riches et de revenir sur la retraite à 64 ans.
"Évidemment que tout ça nous challenge pour savoir jusqu'où on peut aller politiquement. Mais on est dans une situation exceptionnelle et on doit tous faire des pas vers les uns et les autres", exhorte la députée macroniste Laure Miller, issue des LR. Sera-t-elle entendue?