"Zéro polémique" et peu de soutiens... Catherine Vautrin succèdera-t-elle à François Bayrou?

ET SI C'ÉTAIT ELLE? (2/4) - La discrète ministre de la Santé et du Travail pourrait être nommée à Matignon après le départ de François Bayrou le 8 septembre prochain. Si son profil suscite un relatif soutien à LR et en macronie, il est très loin de convaincre le PS. Mais Emmanuel Macron, qui avait pensé la nommer en 2022, pourrait jouer cette carte.

Serait-ce enfin son tour? Son moment pour sortir le paysage politique du puzzle éparpillé en 1.000 pièces depuis la dissolution? François Bayrou n'est pas encore tombé qu'un casting des potentiels Premiers ministres prend forme. Parmi les noms évoqués, une seule femme: Catherine Vautrin.

À la tête d'un portefeuille XXL, la ministre de la Santé et du Travail est certes méconnue des Français mais a de quoi peser dans le jeu. À commencer par sa bonne connaissance de l'Assemblée nationale qu'il faudra parvenir à convaincre à l'automne d'adopter le budget de l'État et de la sécurité sociale et ce, toujours sans majorité.

"Michel Barnier et François Bayrou étaient loin ces dernières années du chaudron des députés et n'ont pas tout compris des nouveaux rapports de force. Elle, elle est là depuis un an, elle a vu comment ça se passait. C'est son principal atout", remarque un conseiller ministériel auprès de BFMTV.

Des réticences modérées à droite

Ministre depuis septembre 2024, avec souvent des dossiers très techniques à gérer comme la réforme de l'assurance-chômage, elle a "fait zéro polémique". "C'est une très grosse bosseuse, très très carrée", salue la députée Renaissance Laure Miller.

"Oui, d'accord, elle est très sérieuse. Mais bon, si c'est le seul argument pour la nommer, ça fait un peu léger quand même", tance un député LR, pas franchement fan du personnage.

Issue des rangs de la droite, celle qui a été ministre de Jacques Chirac quand Dominique de Villepin était Premier ministre puis porte-parole de Nicolas Sarkozy lors de la primaire LR en 2016, n'a pas laissé que des bons souvenirs au sein de son ancienne famille politique.

Certains lui reprochent d'avoir soutenu des candidats proches d'Emmanuel Macron lors des municipales de 2020, tout en gardant sa carte du parti. En 2022, elle franchit officiellement le Rubicon. Elle retire son soutien à Valérie Pécresse, pourtant la candidate de la droite et se montre favorable à la présidence d'Emmanuel Macron.

"Elle n'est pas la seule à avoir rejoint la macronie mais Gérald Darmanin et Sébastien Lecornu l'ont au moins fait à un moment où on n'avait pas encore vu le président en action", tance un sénateur LR. "Mais on fera avec si c'est son nom qui sort du chapeau à la fin", reconnaît-il.

Une nomination au "goût de revanche"?

Catherine Vautrin a également pour elle d'avoir la confiance d'Emmanuel Macron qui pourrait souhaiter jouer la carte de la facilité et s'éviter de découvrir in situ le caractère de ses Premiers ministres - comme avec Michel Barnier, qui l'avait agacé à plusieurs reprises.

Au printemps 2022, le chef de l'État avait été jusqu'à lui proposer de devenir Première ministre et à esquisser avec elle une ébauche de gouvernement. Jean Castex, alors en poste à Matignon, lui avait même fait visiter l'appartement qu'il occupait alors.

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Las: des macronistes de la première heure s'étaient offusqués de cette nomination à l'instar de Christophe Castaner, Richard Ferrand et de François Bayrou. En cause: son profil jugé trop conservateur, avec comme point de tension son opposition au mariage pour tous en 2013. Mais dans le camp présidentiel où le spectre d'une nouvelle dissolution donne des sueurs froides, plus personne ne fait la fine bouche.

"Et puis, il y a aurait un petit goût de revanche pour le président qui est convaincu que tout se serait mieux passé s'il avait ramené les LR dans son giron dès 2022 en la nommant. Et là-dessus, on ne le fera pas changer d'avis", observe un familier de l'Élysée.

Les socialistes peu emballés

Le soutien des LR et du bloc central étant assuré sur le papier, reste encore à convaincre les socialistes, sans qui il est impossible d'obtenir un budget à l'automne. Un proche de Catherine Vautrin juge qu'elle a réussi à "donner des gages" à la gauche en défendant la loi sur la fin de vie au Parlement au printemps dernier, "un texte qui n'était pas forcément sa tasse de thé sur le papier". Et pourtant, ça coince.

"C'est quand même pas normal que quelqu'un qui porte le budget de la sécurité sociale et qui est membre du gouvernement de François Bayrou revienne porter le même projet une fois que le Premier ministre sera tombé", s'agace le député PS Philippe Brun.

À l'hiver dernier, après la censure de Michel Barnier, les locataires de Bercy Antoine Armand et Laurent Saint-Martin avaient en effet tous les deux plié bagage tout comme Geneviève Darrieussecq, alors ministre de la Santé.

"Ce qui est sûr, c'est que si on a une Première ministre qui arrive avec les mêmes propositions que celles de François Bayrou, on aura le même résultat", met en garde de son côté la députée PS Christine Pirès-Beaune.

Du côté du cabinet de Catherine Vautrin, on semble avoir retenu la leçon de 2022 et sa vraie-fausse nomination à Matignon, refusant tout "commentaire politique" et assurant qu'il n'y pas "d'échange" avec elle sur la question.

Emmanuel Macron, qui appelle désormais le socle commun à "travailler" avec le PS, prendra-t-il vraiment le risque de nommer quelqu'un qui a sur le papier toutes les chances de tomber sans la bienveillance des socialistes? Olivier Faure a déjà prévenu. Il est "à disposition" du président pour discuter d'un "gouvernement de gauche" et, a fortiori, à Matignon. "On ne refait jamais l'histoire", avait reconnu de son côté Catherine Vautrin en 2023.

Marie-Pierre Bourgeois