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Travailler plus longtemps pour avoir droit au chômage... Ce que le gouvernement a dit aux syndicats sur son projet de réforme

Photo du site de France Travail (photo d'illustration).

Photo du site de France Travail (photo d'illustration). - HJBC / Shutterstock

Quelques jours avant la coupure estivale, la ministre du Travail a présenté, aux partenaires sociaux qui ont bien accepté son invitation, les grandes orientations qui pourraient guider les négociations d'une nouvelle et énième réforme de l'assurance-chômage... Si les syndicats acceptent d'en débattre.

Encore une. Moins d'un an après l'entrée en vigueur de la nouvelle convention d'assurance-chômage, le gouvernement souhaite déjà réformer les règles d'indemnisation des demandeurs d'emploi. Lundi 21 juillet, la ministre du Travail et de l'Emploi, Astrid Panosyan-Bouvet, a présenté à la CFDT et à la CFTC - les seuls syndicats qui ont bien accepté de la rencontrer à la suite des annonces budgétaires de François Bayrou la semaine dernière - les grandes orientations qui devraient figurer dans la lettre de cadrage des prochaines négociations...

À condition que les partenaires sociaux acceptent de discuter une énième fois du système visant à protéger les actifs à la recherche d'un nouvel emploi. Chose loin d'être gagnée, à ce stade des échanges avec le gouvernement.

"Je ne sais pas du tout encore si on va y aller vu qu'ils veulent tout durcir!", avertit Cyril Chabanier, président de la CFTC, auprès de BFM Business.

Ramener la durée d'indemnisation à la moyenne européenne

Et pour cause: même si le ministère s'est bien gardé de détailler ses intentions, les grandes lignes directrices dévoilées aux partenaires sociaux annoncent un durcissement pour les allocataires de France Travail.

"Ils nous ont présenté des tableaux comparatifs avec d'autres pays, suggérant que la durée maximale d'indemnisation des chômeurs en France, qui est de 18 mois, est supérieure à la moyenne européenne qui tourne autour de 15 mois", relate Cyril Chabanier.

Pourtant, selon les données comparées par l'Unédic dans une étude publiée en octobre 2024, la durée maximale d'indemnisation s'élève à 24 mois en Allemagne, deux ans maximum sur une période de trois ans au Danemark, un peu moins de deux ans en Espagne (720 jours).

Les règles sont néanmoins plus rigides en Finlande, où la durée d'indemnisation maximale est de 10 à 16 mois, selon l'ancienneté et l'âge du demandeur d'emploi. Encore plus sévère, l'assurance chômage en Grande-Bretagne ne couvre les travailleurs britanniques que pendant six mois... Soit la durée minimale actuellement en vigueur en France!

Actuellement en France, tout demandeur d'emploi ayant droit au chômage touche des allocations pendant au moins six mois et maximum 18 mois pour les moins de 55 ans, 22,5 mois pour les chômeurs de 55 et 56 ans et 27 mois pour les plus de 57 ans.

Raccourcir la période de référence d'affiliation pour ouvrir les droits au chômage

Contacté par BFM Business, le ministère du Travail et de l'Emploi assure néanmoins qu'il n'est pas envisagé, à ce stade, de modifier les paramètres relatifs à la durée d'indemnisation des demandeurs d'emploi. "C'est plutôt la diminution de la période de référence d'affiliation (PRA) qui aurait un impact sur la durée d'indemnisation", indique-t-on tout en soulignant que les idées soumises aux partenaires sociaux restent "vagues" à ce stade des échanges et qu'elles ne seront précisées qu'au moment des négociations, si elles ont bien lieu.

Rien de tranché sur la durée d'indemnisation donc... Mais il serait bien question d'agir sur la PRA qui sert au calcul des droits au chômage.

"Il faudrait avoir travaillé plus pour être indemnisé", lâche le président de la CFTC auprès de BFM Business.

De quoi rappeler le projet initialement porté par Gabriel Attal, lorsqu'il était encore Premier ministre, au printemps 2024, avant qu'il ne tombe à l'eau sous l'effet de la dissolution de l'Assemblée nationale. L'ancien locataire de Matignon et désormais secrétaire général du parti Renaissance prévoyait en effet de rallonger de 6 à 8 mois la durée minimum de travail effectué, sur une période de référence raccourcie à 20 mois au lieu de deux ans pour les moins de 57 ans ou sur 30 mois pour les plus âgés. En durcissant les règles d'indemnisation, l'ancien chef du gouvernement espérait réaliser 3,6 milliards d'euros d'économies en année pleine.

Actuellement, pour avoir droit au chômage, les demandeurs d'emploi doivent avoir travaillé au moins six mois sur une période de deux ans s'ils ont moins de 55 ans, ou au moins six mois pendant une période de 36 mois s'ils sont plus âgés.

Le spectre de l'année blanche

Et ce n'est pas tout. Comme l'a annoncé le Premier ministre François Bayrou la semaine dernière, pour générer 43,8 milliards d'euros d'économies dès 2026, une année blanche est envisagée pour tous les budgets, excepté la Défense, dont le président Emmanuel Macron a promis une hausse de 6,5 milliards d'euros en deux ans.

Conséquence, les demandeurs d'emploi ne devraient pas échapper au gel de leurs allocations chômage, au même titre que les pensions pour les retraités et autres prestations sociales versées aux allocataires de la caisse des allocations familiales (CAF), comme les aides au logement ou les primes d'activité. Autrement dit: les allocations chômage versées par France Travail aux demandeurs d'emploi risquent de ne plus être valorisées par le conseil d'administration de l'Unédic, en tenant compte du contexte économique, et de facto, de l'inflation. "C'est la triple peine!", s'émeut le président de la CFTC, Cyril Chabanier.

Limiter les abus des ruptures conventionnelles

Autre chantier explosif qui devrait s'ajouter aux négociations de la réforme de l'assurance-chômage, les ruptures conventionnelles: un dispositif qui aurait été "dévoyé" d'après la ministre du Travail et de l'Emploi Astrid Panosyan-Bouvet.

Parmi les hypothèses mises sur la table, figure notamment un allongement du délai de carence, c'est-à-dire la période pendant laquelle le salarié ayant négocié une rupture conventionnelle avec son entreprise n'a pas droit à l'assurance chômage.

"Ils veulent vraiment mettre la pression sur les salariés car ils considèrent que les gens qui ont des ruptures conventionnelles ont des salaires trop élevés. Or ils oublient que cela relève d'une décision managériale", dénonce Jocelyne Cabanal, secrétaire confédérale de la CFDT auprès de BFM Business.

La réglementation actuelle prévoit un délai minimum de sept jours. Plus le salarié perçoit des indemnités de son entreprise, plus la période de carence avant d'avoir droit au chômage s'allonge. Le délai maximum est toutefois plafonné à cinq mois maximum.

Une mobilisation intersyndicale à la rentrée?

Il n'empêche: à ce stade des échanges avec le ministère, rien ne garantit que les négociations, pour réformer l'assurance-chômage, en introduisant cette réflexion sur les ruptures conventionnelles, se tiennent vraiment.

Mardi, huit syndicats - CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa, FSU et Solidaires - ont lancé une pétition sur la plateforme Change.org pour obtenir l'abandon des mesures budgétaires présentéesFrançois Bayrou. A l'heure où nous écrivons ces lignes, elle a déjà recueilli plus de 155.000 signatures. Qui plus est, la CFDT, la CGT, FO, la CFE-CGC et la CFTC n'excluent pas non plus une mobilisation intersyndicale à la rentrée.

Toutefois, si les négociations s'ouvrent à nouveau sur le système d'indemnisation de l'assurance-chômage, les économies espérées par le gouvernement se chiffreraient à "2,5 milliards d'euros en 2026 et entre 4 et 5 milliards d'euros en 2030", indique à BFM Business le président de la CFTC Cyril Chabanier.

Caroline Robin