BFM Business
Economie et Social

On ne toucherait le chômage que bien plus tard: la piste du gouvernement pour rendre les ruptures conventionnelles moins attractives

Les ruptures conventionnelles représentent 25% des indemnités chômage

Les ruptures conventionnelles représentent 25% des indemnités chômage - CC

La ministre du Travail a dévoilé en début de semaine ses intentions aux partenaires sociaux pour durcir les droits à l'assurance chômage pour les salariés bénéficiaires d'une rupture conventionnelle négociée avec leur employeur.

Serrage de vis en vue pour les ruptures conventionnelles. Considérant que ce moyen de quitter une entreprise lorsqu'un salarié est en CDI a été "dévoyé" de ses objectifs initiaux, la ministre du Travail et de l'Emploi envisage de durcir le dispositif, de façon à le rendre un peu moins attractif.

"C'est devenu un mot qui existe partout dans toutes les entreprises. C'est en augmentation de 18% depuis 2019, cela représente aujourd'hui 25% de l'indemnisation chômage", a soulevé Astrid Panosyan-Bouvet au micro de RMC ce mercredi 23 juillet.

Qui plus est, les bénéficiaires de ruptures conventionnelles seraient majoritairement "des personnes qui ont des indemnités journalières supérieures et restent plus longtemps, environ 15 mois au chômage, par rapport à ceux qui subissent des licenciements", a-t-elle insisté.

Rallongement du délai de carence avant de toucher le chômage

Parmi les hypothèses mises sur la table, figure notamment un allongement du délai de carence, c'est-à-dire la période pendant laquelle le salarié ayant négocié une rupture conventionnelle avec son entreprise n'a pas droit à l'assurance chômage.

La réglementation actuelle prévoit les mêmes délais que pour des salariés licenciés, soit un délai minimum de sept jours. Plus le salarié perçoit des indemnités versées par son entreprise au titre de sa rupture conventionnelle, plus la période de carence avant d'avoir droit au chômage s'allonge. Le délai maximum est toutefois plafonné à cinq mois maximum.

Reste à savoir comment ce délai de carence sera étendu. Le gouvernement décalera-t-il la borne minimum, aujourd'hui fixée à sept jours? Ou bien la borne maximale actuellement arrêtée à 5 mois? Rien n'est encore tranché. "Le décalage de la carence pour les ruptures conventionnelles est en effet une idée", reconnaît le cabinet de la ministre du Travail et de l'Emploi auprès de BFM Business, mais "les documents de cadrage (en vue des négociations avec les partenaires sociaux, NDLR) sont assez ouverts et non prescriptifs", précise-t-on.

Une chose est sûre néanmoins: d'après les informations transmises par le ministère du Travail à BFM Business, si le délai de carence avant de toucher le chômage est bien rallongé pour les bénéficiaires d'une rupture conventionnelle, il n'est pas question de l'allonger pour les salariés qui sont purement et simplement licenciés.

Les syndicats loin d'être ouverts à la négociation

Les syndicats sont cependant loin d'être ouverts à la négociation. D'abord, seuls la CFDT et la CFTC ont bien accepté l'invitation de la ministre du Travail et de l'Emploi pour la rencontrer lundi 21 juillet, avant de profiter de la période estivale pour lever le pied.

S'agissant de l'allongement du délai de carence pour toucher le chômage en cas de rupture conventionnelle, "ils n'ont rien donné de précis", confirme à BFM Business, Jocelyne Cabanal, secrétaire nationale de la CFDT qui a participé aux réunions avec la leader de la CFDT Marylise Léon. Jocelyne Cabanal dénonce surtout un "débat biaisé" sur les ruptures conventionnelles.

"Ils veulent vraiment mettre la pression sur les salariés car ils considèrent que les gens qui ont des ruptures conventionnelles ont des salaires trop élevés. Or ils oublient que cela relève d'une décision managériale", insiste la secrétaire confédérale de la CFDT.

"On sait qu'il y a des plans sociaux qui ne disent pas leur nom. C'est une solution de facilité pour beaucoup d'entreprises", poursuit Jocelyne Cabanal qui considère que les entreprises doivent être "davantage impliquées" dans la réflexion autour des ruptures conventionnelles.

Plutôt que d'organiser un plan de départs volontaires (PDV) ou un plan social économique (PSE), certaines entreprises qui cherchent à tailler dans leurs effectifs privilégient en effet la rupture conventionnelle, dite collective (RCC) car celle-ci ne requiert pas de motif économique à justifier auprès des autorités compétentes pour la mettre en place.

"Rupture conventionnelle, c'est différent d'un licenciement, c'est un accord entre les deux parties, ce n'est pas quelque chose qu'on subit de manière unilatérale", a toutefois reconnu Astrid Panosyan-Bouvet au micro de RMC ce mercredi.

Le noeud du problème, c'est que "le patronat l'utilise parfois pour faire des licenciements déguisés, tout comme les salariés font pression sur leur employeur pour l'obtenir plutôt que de démissionner, même quand ils ont déjà trouvé un job ailleurs", nuance de son côté Cyril Chabanier, président de la CFTC, auprès de BFM Business.

Vers une mobilisation anti-Bayrou à la rentrée?

Il n'empêche: à ce stade des échanges avec le ministère, rien ne garantit que les négociations, pour réformer l'assurance-chômage, en introduisant cette réflexion sur les ruptures conventionnelles, se tiennent vraiment. "Je ne sais pas du tout encore si on va y aller vu qu'ils veulent tout durcir!", prévient Cyril Chabanier.

Mardi, huit syndicats - CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa, FSU et Solidaires - ont lancé une pétition sur la plateforme Change.org pour obtenir l'abandon des mesures budgétaires présentées le 15 juillet par le Premier ministre François Bayrou, qui visent pas moins de 43,8 milliards d'euros d'économies dès 2026. A l'heure où nous écrivons ces lignes, elle a déjà recueilli près de 53.700 signatures.

Cette pétition intervient quelques jours à peine après une réunion en visio, organisée le 18 juillet, entre la CFDT, la CGT, FO, la CFE-CGC et la CFTC qui n'excluent pas de s'unir autour d'une mobilisation intersyndicale à la rentrée.

Caroline Robin