"Inéluctable" ou à éviter à tout prix? Les forces politiques divisées face à une éventuelle nouvelle dissolution

La menace rode mais sera-t-elle mise à exécution? Depuis l'annonce du vote de confiance décidé par François Bayrou qui aura lieu le 8 septembre à l'Assemblée nationale et qui devrait très probablement entraîner son départ de Matignon, la question d'une nouvelle dissolution est dans toutes les têtes du monde politique.
En cas de blocage persistant à l'Assemblée, "elle est inéluctable", a reconnu l'ancien Premier ministre Édouard Philippe au micro de BFMTV. Le constat est partagé par Gérald Darmanin. "La dissolution coûte cher à la France bien sûr, mais il ne faut pas écarter cette hypothèse", a expliqué le ministre de la Justice ce mardi sur France 2.
Sans Premier ministre, la dissolution devient crédible
Difficile en effet de ne pas juger possible l'organisation de nouvelles élections législatives si Emmanuel Macron ne parvenait pas à trouver un Premier ministre pour remplacer François Bayrou.
"Vous en connaissez des gens qui ont envie d'aller à Matignon pour moins de 3 mois s'échiner à faire passer un budget alors qu'on n'a plus de sous, le tout à moins d'un an et demi de la présidentielle?", se demandait un conseiller ministériel ce mardi.
Reste en plus à trouver un candidat qui est capable de convaincre largement au-delà de son camp pour parvenir à obtenir 289 voix pour faire voter le budget de l'État et de la sécurité sociale.
Dans le cas contraire, il devrait alors utilier l'article 49.3 de la Constitution qui permet de faire adopter un texte sans vote, ce qui le met ensuite à la merci d'une motion de censure. Michel Barnier en a fait les frais en décembre dernier.
Macron ne se "privera pas d'un pouvoir constitutionnel"
Le président qui est le seul à pouvoir dissoudre à nouveau l'Assemblée nationale pourrait donc décider de jouer son va-tout et de convoquer à nouveau des élections législatives.
"Ce n'est pas son souhait car l'Assemblée est légitime et reflète le pays dans sa diversité mais aussi ses divisions", explique l'un de ses proches. "Il a toutefois toujours dit qu'il ne se priverait pas a priori d'un pouvoir constitutionnel".
Si Emmanuel Macron activait à nouveau cette cartouche, ce serait dans l'espoir pour sortir de l'ornière politique avec qu'une solide majorité qui sortirait des urnes et qui et permettrait d'adopter le budget. Cela peut-il vraiment arriver, à peine 13 mois seulement après une dissolution surprise qui a accouché d'une Assemblée nationale particulièrement fragmentée? L'hypothèse la plus probable est qu'un hémicycle toujours très divisé sorte de la dissolution.
Autre question: en cas d'organisation de nouvelles législatives et d'une éventuelle victoire du Rassemblement national, Emmanuel Macron assumera-t-il de rester dans l'histoire comme le président qui a permis à Jordan Bardella ou Marine Le Pen d'entrer dans la foulée à Matignon?
Le RN aux avants-postes
S'il n'est pas possible de répondre à cette question, le Rassemblement national se frotte les mains. "Seule la dissolution permettra désormais aux Français de choisir leur destin", a expliqué la cheffe des députés RN sur X après l'annonce de François Bayrou.
Il faut dire que le parti à la flamme attend le match retour des dernières législatives où il est largement arrivé en tête au premier tour avant d'être battu au second. Le président du mouvement Jordan Bardella a sommé de son côté Emmanuel Macron sur TF1 de choisir entre "une dissolution" ou "sa démission".
L'ancien Premier ministre du chef de l'État Gabriel Attal, lui, freine des quatre fers. Si le gouvernement Bayrou chute, le macroniste "ne croit pas qu'une nouvelle dissolution apporterait de la stabilité".
"Si on se demande chaque année s'il faut que les Français revotent, c'est que le problème ne vient pas des Français, mais bien de l'Assemblée elle-même", a encore insisté Gabriel Attal sur France inter mardi.
Tétanie au gouvernement
Sa méfiance à l'organisation de nouvelles législatives n'a rien d'une surprise. De scrutin en scrutin, Renaissance est de plus en plus en difficulté. En 2022, le mouvement d'Emmanuel Macron était parvenu à faire élire 170 députés contre 267 en 2017. Aux dernières législatives de juillet dernier, les macronistes ne sont parvenus à obtenir que 90 élus à l'Assemblée nationale.
Quant à l'union de la gauche, sortie en tête des urnes lors des dernières législatives, sans parvenir à décrocher un Premier ministre comme le veut pourtant l'usage constitutionnel, elle est en ordre dispersé.
"Vu la situation, nous n'espérons pas de dissolution" mais "s'il y en une, nouvelle voulons être prêts au PS. Nous y travaillons", a expliqué le patron des députés PS Boris Vallaud auprès de Libération.
Du côté de La France insoumise, on se prépare tout autant à une dissolution mais surtout à une nouvelle motion de destitution contre le chef de l'État.
En attendant, l'Élysée refuse officiellement d'entendre dans la danse des supputations. "Il n'a pas été question de scénario post-8 septembre" lors du Conseil des ministres, a assuré la porte-parole du gouvernement Sophie Primas ce mercredi lors d'un point presse.