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Budget, agriculteurs en colère, Mayotte... François Bayrou face à une semaine de tous les dangers

François Bayrou à l'Élysée le 3 janvier 2025

François Bayrou à l'Élysée le 3 janvier 2025 - Bertrand GUAY / AFP

Nommé quelques jours à peine avant les vacances, François Bayrou doit désormais s'atteler aux dossiers chauds de la rentrée. Confronté à la situation à Mayotte, dévasté, le Premier ministre doit également faire adopter un budget tout en répondant aux manifestations des agriculteurs.

La température continue de monter. Moins d'un mois après sa nomination à Matignon et à quelques jours de son discours de politique générale, François Bayrou doit affronter "un Himalaya" de difficultés pour reprendre ses propres mots lors de son arrivée à Matignon.

• Des agriculteurs déterminés à bloquer Paris et Rungis

Quelques semaines à peine après des mobilisations qui ont tourné court, des exploitants agricoles de la Coordination rurale tentent de gagner Paris ce lundi pour bloquer la capitale ou le marché international de Rungis. Un geste lourd de symbole dans un contexte qui peut donner des sueurs froides à Matignon.

Les agriculteurs sont convoqués aux urnes pour élire leurs représentants pour les chambres d'agriculture. De quoi pousser la Coordination rurale, second syndicat, à vouloir multiplier les actions coup de poing pour tenter de dépasser son concurrent, la toute-puissante FNSEA. La ministre de l'Agriculture, Annie Genevard, a déjà averti: "on ne bloque pas, en plus un jour de rentrée scolaire". "Pas de violence", a-t-elle encore prévenu ce lundi sur TF1.

Gouvernement Bayrou: et maintenant, quelles sont les prochaines étapes?
Gouvernement Bayrou: et maintenant, quelles sont les prochaines étapes?
3:23

Pour tenter de désamorcer d'éventuelles blocages, François Bayrou a promis de recevoir les syndicats agricoles la semaine prochaine, espérant que cela soit suffisant pour calmer des agriculteurs très remontés après la fin des négociations entre l'Union européenne et des pays du Mercosur.

Cet accord est accusé par les agriculteurs français de favoriser l'importation de produits à bas coûts et aux normes environnementales moins élevées que celles qui leur sont imposées. "La messe n'est pas dite", a tenté de rassurer Emmanuel Macron ce lundi devant les ambassadeurs.

"On veut des promesses et des engagements de la part du gouvernement", a exigé de son côté sur BFMTV Véronique Le Floch, la patronne du mouvement.

Attendu depuis le printemps dernier, la loi d'orientation agricole, promesse de Gabriel Attal alors à Matignon en février 2023, elle sera "l'un des premiers textes présentés au Parlement", a promis Annie Genevard. Adoptée par l'Assemblée en mai dernier, elle est depuis au point mort.

• Des budgets à faire voter

Depuis le renversement de Michel Barnier en décembre dernier, la France est en attente d'un budget pour l'État tout comme pour la sécurité sociale. En attendant, le pays tourne grâce à "une loi spéciale" qui permet de lever l'impôt et de payer les fonctionnaires.

François Bayrou doit donc désormais présenter des lois de finances qui peuvent convaincre largement dans l'hémicycle, y compris au RN et à gauche. Dans ce cadre, il a chargé, Éric Lombard, le nouveau ministre de l'Écononomie, de mèner un cycle de consultations avec toutes les forces politiques.

Qualifié d'"ami" par Olivier Faure, le patron des socialistes, le locataire de Bercy a lancé une opération séduction pour décider la gauche à soutenir les budgets ou au moins à s'abstenir, promettant "un dialogue fécond" avec la gauche.

La ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, a expliqué vouloir davantage lutter contre la fraude et la "suroptimisation fiscale", l'un des chevaux de bataille des socialistes. Avec un succès pour l'instant mitigé.

À leur sortie de son rendez-vous avec le ministre de l'Économie, les socialistes ont soufflé le chaud et le froid. Le premier secrétaire du PS s'est dit prêt à censurer le gouvernement sans "concessions remarquables".

Le gouvernement a fait "une proposition de modification, d'évolution de la réforme des retraites", s'est cependant félicité le président des sénateurs PS Patrick Kanner.

Le Rassemblement national, qui avait multiplié les lignes rouges à l'encontre de Michel Barnier, avant de finalement le censurer, semble pour l'instant en retrait. Sébastien Chenu et Jean-Philippe Tanguy seront cependant bien reçus vendredi à Bercy.

• Convaincre sur Mayotte

Après avoir raté ses débuts à Matignon, préférant assister à une réunion sur la crise à Mayotte en visio pour ne pas rater le conseil municipal de Pau, la ville qu'il dirige, François Bayrou s'est rattrapé.

Accompagné de pas moins de cinq ministres, le locataire de Matignon a annoncé la semaine dernière une batterie de mesures pour remettre "debout" le département ravagé par le cyclone Chido. Pour ce faire, il devait présenter dès vendredi dernier, lors de son premier conseil des ministres un projet de loi "d'urgence" pour l'archipel.

Elle sera finalement présentée la semaine prochaine avant d'arriver au Parlement à partir de la mi-janvier et devrait être adopté sans encombre. Ce texte contiendra notamment la création d'un établissement public de la refondation du territoire sur le modèle de celui utilisé pour Notre-Dame.

Mais c'est surtout le deuxième volet de ce projet de loi qui devrait faire débat. Il sera consacré à la lutte contre l'immigration irrégulière. Dans une tribune au Figaro, Manuel Valls (Outre-mer), Bruno Retailleau (Intérieur) et Sébastien Lecornu (Armées) ont promis qu'ils contiendrait "des mesures de fermeté".

Parmi celles-ci, on trouve "l'allongement de la durée de résidence régulière des parents (requise pour) l'accès des enfants à la nationalité française" - actuellement fixée à trois mois. Pour Marine Le Pen, ce texte ne va pas assez loin. Lors de son déplacement à Mayotte, elle a déjà promis "d'amender" le projet de loi pour "régler le problème de l'immigration clandestine".

Acceptera-t-elle de soutenir ce projet de loi? La question est ouverte alors que le sort du gouvernement dans les prochaines semaines reste très incertain et donc par ricochet le futur de ce texte.

Au sein même du casting gouvernemental, la question fait débat. Élisabeth Borne qui est désormais ministre de l'Éducation nationale, a jugé sur BFMTV dimanche soir qu'abroger le droit du sol à Mayotte n'était "pas la bonne voie".

De quoi laisser augurer de futures fractures au sein de la coalition gouvernementale. Sans soutien fort des députés macronistes au second projet de loi sur Mayotte, le texte a toutes les chances de ne pas être adopté.

Marie-Pierre Bourgeois