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Présidentielle: pourquoi Emmanuel Macron surveille de près la situation en Corse

Emmanuel Macron en Corse le 10 septembre 2020

Emmanuel Macron en Corse le 10 septembre 2020 - Ludovic Marin © 2019 AFP

Le président suit de très près le dossier corse, à moins de trois semaines de la présidentielle. Il craint un nouvel embrasement, synonyme d’affaiblissement de l’autorité de l’État, après la mort d'Yvan Colonna lundi dernier.

À 19 jours du premier tour, la situation en Corse est hautement inflammable pour Emmanuel Macron. L'île a beau peser peu électoralement (240.000 votants), l'exécutif craint d'apparaître dépassé si les violences urbaines devaient reprendre, après les obsèques d'Yvan Colonna ce vendredi.

Alors que le territoire s'est embrasé après la violente agression du prisonnier corse le 11 mars dernier, le gouvernement a mis sur la table la possibilité de l'autonomie par la voix de son ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin. Au grand dam des prétendants à la présidentielle.

L'autonomie mise sur la table après les violences

"Président visiblement aux abois et qui cède à la violence" pour Valérie Pécresse, "une crise pas gérée du tout" pour Anne Hidalgo, "message catastrophique" pour Marine Le Pen... Les candidats ont tous étrillé cette initative.

Il faut dire que le tempo choisi interroge.

"En 7 jours de violences, les manifestants ont plus obtenu qu'en 7 ans de dialogue démocratique. (...) Si on veut vraiment faire l'autonomie de la Corse, c'est un sujet qu'on choisit en début de mandat. C'est tout sauf un sujet qu'on pose sur un coin de table 3 semaines avant une présidentielle", a estimé l'éditorialiste politique de BFMTV, Laurent Neumann.

Les images sur l'île font très mauvais effet pour le gouvernement. Blocage de lycées, gendarmes qui ne parviennent pas à débarquer sur l'île, bloqués par des marins du port de Bastia, des dizaines de policiers blessés lors de violentes émeutes... Alors qu'un sondage rapporte que 62% des Français jugent le bilan d'Emmanuel Macron "mauvais" en matière de sécurité, le président refuse de donner du grain à moudre à ses adversaires et donne donc des gages aux Corses.

Lâcher du lest sur le retour des prisonniers corses

Autre caillou dans la chaussure d'Emmanuel Macron, la gestion par son gouvernement de la question très sensible du retour sur l'île de prisonniers corses incarcérés sur le continent.

En plus d'Yvan Colonna, deux autres membres du commando Erignac, Pierre Alessandri et Alain Ferrandi, demandaient depuis des années de pouvoir être incarcérés près de leur famille et non plus dans l'Hexagone. Ces demandes avaient été jusqu'ici refusées. Les 3 hommes étaient en effet considérés comme des détenus particulièrement surveillés, ne permettant pas à la prison de Borgo en Corse de les recevoir. Cette maison d'arrêt ne dispose en effet pas des dispositifs nécessaires.

Mais Jean Castex a finalement annoncé la levée de ce statut quelques jours après l'embrasement de l'île et les deux prisonniers devraient être transférés "d'ici la mi-avril".

La position évolutive du président sur l'autonomie

Emmanuel Macron surveille également la situation en Corse parce qu'il sait ses relations avec les principaux leaders politiques de l'île empreintes de méfiance. Parmi les motifs de reproche, son évolution sur la question de l'autonomie.

En 2017, quelques jours avant le premier tour, le futur président tenait à Furiani un discours très apprécié des nationalistes. Le candidat déclarait alors être prêt à "envisager de réviser la Constitution s’il (apparaissait) que le cadre actuel ne (permettait) pas à la Corse de développer ses potentialités."

Mais une fois au pouvoir, ce fut la déception pour les autonomistes. Alors que Jacqueline Gourault, ministre des collectivités territoriales, était envoyée en février 2018 par le président pour avancer sur le contenu d'une révision constitutionnelle, le gouvernement mit finalement un terme à ce projet.

Le calme, pour l'instant

La rupture de la confiance entre le gouvernement et les élus corses était alors actée et malgré les efforts d'Emmanuel Macron, entre un grand débat organisé à Cozzano en avril 2019 à l'occasion de la crise des Gilets jaunes et un dîner à l'Élysée, en septembre 2021, la situation semblait au point mort.

Jusqu'à l'agression d'Yvan Colonna, qui a tout changé dans le dialogue entre l'État et le territoire corse, poussant le gouverment à avancer sur le sujet de l'autonomie. La stratégie de l'exécutif semble pour l'instant payante, le calme étant revenu.

Mais le décès du militant indépendantiste ce lundi pourrait à nouveau faire basculer l'île dans un épisode de violences, une fois ses obsèques passées.

Marie-Pierre Bourgeois