Détenus particulièrement signalés: la levée du statut pour le commando Érignac, "ni un privilège, ni une grâce"

Manifestation de soutien à Yvan Colonna, à Corte (Haute-Corse), le 6 mars 2022 - Pascal POCHARD-CASABIANCA © 2019 AFP
Le 21 avril prochain, la cour d'appel de Paris devra se prononcer sur la demande d'aménagement de peine formulée par Alain Ferrandi, considéré comme le chef du commando qui a assassiné le préfet Claude Erignac en février 1998. Pierre Alessandri, autre membre de ce commando, a formulé une demande en ce sens, dont la date d'audience n'a pas encore été fixée. Deux échéances primordiales désormais pour les deux hommes condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité avec une période de sûreté qui s'étendait jusqu'en 2017.
Jean Castex a annoncé ce vendredi matin, après 10 jours de tensions et de heurts en Corse provoqués par l'agression d'Yvan Colonna le 2 mars à la prison d'Arles, leur radiation du répertoire des "détenus particulièrement signalés", qu'ils demandent depuis plusieurs années. Pierre Alessandri a reçu la notification de la levée de ce statut à la mi-journée. Un statut qui apparaissait comme le dernier obstable à un rapprochement familial et un transfèrement des détenus à la prison de Borgo, en Corse.
"C'est un sentiment de satisfaction et d'amertume, résume auprès de BFMTV.com son avocat, Me Eric Barbolosi. Cette décision intervient après le drame qui est survenu à la prison d'Arles et après l'embrasement de la Corse. Je ne sais pas si ce sera suffisant pour éteindre l'incendie."
Comme son confrère, Me Françoise Davideau, qui a obtenu un droit de visite exceptionnel de son client Alain Ferrandi, dénonce auprès de BFMTV.com une "décision purement politique".
• BFMTV.com: Comment accueillez-vous la décision de Matignon de radier Alain Ferrandi du répertoire des "détenus particulièrement signalés"?
Me FRANÇOISE DAVIDEAU: "C'est un sujet de satisfaction qui arrive bien tardivement, dans des conditions dramatiques. Il aurait été bien plus simple, et dans le respect du droit, de radier Alain Ferrandi de ce répertoire depuis longtemps. Cette décision est inutilement tardive et elle n'est ni un privilège, ni une grâce".
• Que va-t-il se passer pour Alain Ferrandi désormais?
"Cette levée du statut de DPS n'est pas une fin en soi. Le rapprochement familial de mon client ne peut pas être satisfactoire. Avant, il avait un sens car nous n'étions pas dans le temps de l'aménagement de peine, aujourd'hui la radiation du répertoire DPS ne doit pas être un lot de consolation. Je considère que cette radiation n'a de sens que si elle correspond aux prémices d'un aménagement de peine qui a été accordé par un tribunal d'application des peines. La prochaine échéance est donc le 21 avril et l'examen de l'appel de ce jugement formulé par le parquet national anti-terroriste".
• Estimez-vous que l'agression d'Yvan Colonna et les manifestations en Corse ont joué un rôle dans la décision du Premier ministre?
"À l'évidence, c'est une décision purement politique. Nous avions obtenu de la commission locale qui rend un avis sur le maintien ou non de l'inscription des détenus au répertoire DPS la levée de cette inscription trois années de suite. Malgré ces avis qui nous étaient favorables, le ministre s'était prononcé pour le maintien de l'inscription d'Alain Ferrandi au répertoire. En février, la commission estimait qu'il fallait maintenir ce statut et pourtant le Premier ministre le supprime. Entre temps, il y a eu l'agression d'Yvan Colonna qui a servi de catalyseur pour déverrouiller les situations de blocage. Cela a permis de hiérarchiser les valeurs et le respect de la loi".
• De nombreuses manifestations ont lieu depuis l'agression d'Yvan Colonna le 2 mars dernier. Quel est votre sentiment?
"Le seul responsable de la violence en Corse aujourd'hui, c'est la violation du droit. Si les Corses avaient été en Corse, on n'en serait pas là".