Après une semaine politique chargée, comment va se dérouler la panthéonisation de Robert Badinter ce jeudi

La pantheonisation de Robert Badinter se déroulera le jeudi 9 octobre 2025. - Photo par VALENTIN IZZO / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
Le chaos politique de ses derniers jours ne devrait pas perturber l'événement. Robert Badinter, l'artisan de l'abolition de la peine de mort, entrera ce jeudi 9 octobre au Panthéon vingt mois après son décès lors d'une cérémonie solennelle souhaitée par Emmanuel Macron, qui a fait de l'universalisme le fil conducteur de l'accès au grand temple républicain.
Le président de la République, silencieux depuis l'annonce d'un nouveau gouvernement dimanche soir puis la démission surprise du Premier ministre Sébastien Lecornu 14 heures plus tard, n'a pour l'heure pas prévu de s'exprimer durant cette journée d'hommage.
En fin de journée ce jeudi 9 octobre, Emmanuel Macron présidera la cérémonie d'entrée au Panthéon de Robert Badinter, ce qui l'empêche, d'un point de vue pratique, de parler aux Français lors d'une éventuelle allocution dans la soirée. En revanche, si le chef d'État décide de nommer un Premier ministre ou de reconduire Sébastien Lecornu à cette fonction, il peut le faire par communiqué plus tôt dans la journée.
Le programme d'une panthéonisation "sobre"
Les célébrations relatives à la panthéonisation de Robert Badinter ont débuté dès ce mercredi soir (à 19 heures) par une veillée funèbre au Conseil constitutionnel; une veillée ouverte au public, qui peut ainsi se recueillir devant le cercueil portant le nom de celui qui, parmi les nombreux engagements de sa vie, présida la juridiction de 1986 à 1995.
À 17 heures jeudi, le cercueil vide doit être transporté vers le Panthéon pour une cérémonie "sobre" et "solennelle" d'environ une heure à partir de 19 heures.
En présence d'un public que l'Elysée espère nombreux grâce à une "scénographie adaptée", la cérémonie suivra le "scénario traditionnel": remontée de la rue Soufflot, accueil du cercueil sous la nef du Panthéon par le président de la République, qui prononcera un discours "court et percutant", puis installation dans le caveau "des révolutionnaires de 1789", où reposent Condorcet, l'abbé Grégoire et Gaspard Monge depuis le bicentenaire de la Révolution.
La cérémonie soulignera le combat pour la justice de Robert Badinter, "qui incarne ce qu'est l'État de droit", selon la présidence.
Et surtout l'abolition de la peine de mort, "un saut civilisationnel majeur dans l'histoire de la justice de notre pays", a estimé un conseiller d'Emmanuel Macron.
Parmi les temps forts, Julien Clerc viendra interpréter sa chanson "L'assassin assassiné" consacrée en 1980 à la lutte pour l'abolition du châtiment suprême.
La cinquième panthéonisation sous Emmanuel Macron
Des textes seront également lus, dont des plaidoiries de l'avocat qui sauva plusieurs condamnés de la guillotine. Mais aussi des discours de l'homme politique qui, nommé ministre de la Justice par François Mitterrand, demanda à la tribune de l'Assemblée nationale le 17 septembre 1981, et obtint "l'abolition de la peine de mort en France", conformément à un engagement du président socialiste à rebours de l'opinion de l'époque.
Le comédien Guillaume Gallienne lira un texte de Victor Hugo, précurseur sur ce même combat. Ce texte, comme d'autres, a été choisi par la veuve de l'homme de droit. La philosophe Elisabeth Badinter a été associée de très près aux préparatifs, encore lundi avec le chef de l'Etat lors d'une discrète visite au monument funéraire portant sur son fronton la devise "Aux grands hommes, la patrie reconnaissante".

Il s'agit de la cinquième panthéonisation sous les mandats d'Emmanuel Macron, après Simone Veil, rescapée d'Auschwitz, et auteure de la loi sur l'interruption volontaire de grossesse, l'écrivain chroniqueur de l'horreur des tranchées de la Première Guerre mondiale Maurice Genevoix, la star du music-hall, résistante et militante antiraciste franco-américaine Joséphine Baker, et le résistant communiste d'origine arménienne Missak Manouchian.
L'historien et résistant Marc Bloch doit entrer à son tour au Panthéon mi-juin 2026, 82 ans après son exécution par la Gestapo en 1944.
Pour le conseiller présidentiel, le fil conducteur de ces choix, qui incombent au seul chef de l'État, est sa volonté de "construire une mémoire républicaine fédératrice qui soit la pierre angulaire de l'imaginaire français". Et cette mémoire se construit autour de l'idée "d'universalisme républicain", explique l'historien et spécialiste des questions de mémoire Denis Peschanski. "C'est la France des Lumières, qu'incarnait Robert Badinter à travers son combat abolitionniste mais aussi sa défense acharnée des victimes et sa lutte pour les droits".
L'universalisme qui "se retrouve dans Joséphine Baker, qui ne pouvait pas accepter ce qui se passait aux États-Unis et est devenue française", ou dans la "défense des droits des femmes" chez Simone Veil, ajoute l'historien. Ou chez Missak Manouchian, et "tous ces résistants étrangers qui ont manifesté un attachement très fort à la France des Lumières, patrie des droits de l'homme".