Motion de destitution d’Emmanuel Macron "irrecevable": pourquoi l’adoption de ce texte était hautement improbable

Jamais deux sans trois: le bureau de l'Assemblée nationale a rejeté ce mercredi 8 octobre la troisième proposition de résolution lancée par La France insoumise pour destituer Emmanuel Macron.
Un scénario prévisible, tant les conditions pour que cette procédure aboutisse sont difficiles à réunir. LFI sera seulement parvenu à passer la première étape: celle de motiver et signer son texte par au moins un dixième des membres de l'Assemblée nationale (58). Ainsi, 104 députés, dont certains issus des groupes écologiste et communiste, ont appuyé l'initiative.
Chacun considérait que, conformément, à l'article 68 de la Constitution Emmanuel Macron devait quitter l'Élysée en raison de "manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat."
Pour que leur "motion de destitution" aille plus loin, le feu vert du bureau de l'Assemblée nationale était nécessaire. LFI l'avait obtenu lors de sa première tentative, en septembre 2024.
Une Assemblée majoritairement défavorable
Mais à ce moment-là, la gauche détenait la majorité dans cette instance exécutive du Palais Bourbon. Elle l'a perdue la semaine dernière, lors de la remise en jeu des postes clés de l'Assemblée nationale, en raison d'un soutien réciproque entre le camp présidentiel et l'extrême droite, qui a fait son retour au bureau après un an d'absence.
Quoi qu'il arrive, franchir cet obstacle n'aurait pas suffi. La suite du parcours? L'examen en commission des lois, suivi, quel que soit son issue, d'une inscription à l'ordre du jour en séance publique dans un délai de 13 jours. Lors de la première proposition insoumise, la commission des présidents de l'Assemblée, réunissant notamment les chefs de groupes politiques et présidents de commission, s'y était refusé.
Si le texte avait été examiné, il aurait ensuite nécessité la majorité des deux tiers des députés (soit 386 sur 577) pour poursuivre son chemin législatif. Une gageure: jusqu'ici, les insoumis, qui détiennent un groupe de 71 parlementaires à l'Assemblée, sont seulement soutenus par certains députés du groupe écologiste (38 membres) ou du groupe réunissant des élus communistes et ultramarins (17 membres).
C'est à peu près tout, si l'on ne prend pas en compte les élus du groupe indépendant Liot (22 députés), une formation où règne la liberté de vote, mais dont l'un des membres imminents, Charles de Courson, a jugé qu'un départ du président résoudrait "la crise institutionnelle".
Dans tous les cas, le compte n'y est pas. Loin de là. Le Parti socialiste (69 députés) est contre la destitution. Idem pour l'ex-majorité présidentielle (161 députés) ou le groupe du parti Les Républicains (50 députés), même si certaines personnalités de droite comme Jean-François Copé ou David Lisnard (qui ne sont pas députés) sont favorables à une démission d'Emmanuel Macron.
Sénat, Haute Cour... Un parcours du combattant
A eux seuls, ces groupes réunissent 280 élus, ce qui est largement suffisant pour empêcher une destitution. Et encore, ce total ne comprend pas le Rassemblement national (123 députés) et son allié de l'UDR (15 députés). Or, si l'extrême droite a jugé, par la voix de Marine Le Pen, qu'une démission d'Emmanuel Macron serait "sage", elle n'a jamais soutenu ouvertement une déstitution et appelle surtout à une dissolution de l'Assemblée nationale.
Même en cas de vote favorable, la déstitution devrait ensuite être votée dans les mêmes conditions par le Sénat, où la droite et le centre sont en position de force, tandis que La France insoumise n'est pas représentée. Là aussi, la voie semble sans issue. D'autant plus qu'il resterait une ultime étape: le vote à la majorité de deux tiers des parlementaires réunis en Haute Cour.
Autant dire qu'une telle procédure - également déclenchée par LR, sans succès, en 2016 pour divulgation d'informations secrètes - n'a quasiment aucune chance d'aboutir.
Pour autant, La France insoumise continue de pousser pour la démission du président depuis que celui-ci a refusé de nommer un Premier ministre de gauche à l'été 2024, alors que celle-ci était arrivée en tête des élections législatives avec une majorité très relative.
Aux yeux des insoumis, seul un départ du président permettra de régler la crise politique actuelle. Faute de destitution, la décision appartient à ce dernier. Mais il peut être largement affaibli et contesté de par les renversements de gouvernement successifs. LFI ne le sait que trop bien.