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"La macronie pave le chemin au RN": la gauche indignée après avoir perdu presque toutes les commissions à l'Assemblée

La présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet préside la séance ouvrant la session ordinaire du Parlement, le 1er octobre 2025

La présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet préside la séance ouvrant la session ordinaire du Parlement, le 1er octobre 2025 - STEPHANE DE SAKUTIN © 2019 AFP

Les députés du Nouveau front populaire sont ulcérés après l'accord qui a permis au socle commun de récupérer quasiment toutes les présidences des commissions du Palais-Bourbon. Le camp gouvernemental a conclu une négociation avec le RN, qui, en échange, fait son retour au bureau de l'Assemblée nationale.

Après le retour de vice-présidents RN à l'Assemblée nationale, place nette dans les commissions. À l'exception de la très politique commission des Finances qui ne peut être présidée que par un membre de l'opposition et qui reste dirigée par l'insoumis Éric Coquerel, de nouveaux visages vont faire leur arrivée dans les arcanes du Palais-Bourbon.

Soumis au renouvellement tous les ans, les présidences de commission ont été remises en jeu ce jeudi. Exit par exemple la députée La France insoumise Aurélie Trouvé à la tête de la commission des Affaires économiques, place à l'ancien ministre de l'Agriculture Stéphane Travert.

Des présidences très politiques

Le député LR Alexandre Portier, très éphémère numéro deux de l'Éducation nationale sous Michel Barnier, remplace la socialiste Fatiha Keloua-Hachi à la tête de la commission des Affaires culturelles et Éducation.

Si ces postes ne sont pas toujours connus du grand public, ils ont toute leur importance, d'autant plus dans un contexte d'absence de majorité politique. C'est par exemple la désormais l'ex-présidente de cet organe qui avait dirigé la commission d'enquête sur l'affaire Notre-Dame de Bétharram et contribué à l'audition du Premier ministre François Bayrou dans un contexte politique très tendu.

Le retour en force des députés du socle commun, composé des élus Modem, macronistes, LR et Horizons n'est en rien une surprise. Il est la conséquence directe d'un accord passé entre les députés RN et le bloc de gouvernement. La veille, les élus du groupe de Marine Le Pen avaient conclu une négociation leur permettant d'obtenir deux vice-présidents de l'Assemblée nationale. En échange, les représentants du RN acceptaient de soutenir ce jeudi les candidats du socle commun.

"Faire la courte échelle aux fascistes"

Preuve que la manœuvre n'a guère fait débat: les élections à la tête des présidences ont eu lieu en un temps quasi-record. L'an dernier pourtant, l'élection de la députée LFI Aurélie Trouvé à la tête de la commission des Affaires économiques avait tourné au vaudeville et aux passes d'armes entre Gabriel Attal, le dirigeant des députés Renaissance et son homologue des LR Laurent Wauquiez.

À gauche, cependant, la stratégie choisie par le socle commun et le RN ne passe pas du tout.

"La macronie agonisante fait la courte échelle aux fascistes, pendant que le RN sacrifie le peuple pour quelques postes", a réagi le coordinateur de LFI Manuel Bompard sur X.

"Le RN donne tous les pouvoirs aux macronistes à l'Assemblée. Madame Le Pen s'en expliquera aux électeurs", a abondé le président des députés PS Boris Vallaud. "La macronie pave le chemin à l'extrême droite pour gagner des postes et virer la gauche. L'histoire jugera", a encore regretté l'élu des Landes.

Au revoir Charles de Courson

Il n'y a pas que les présidences de commission qui étaient remises en jeu ce jeudi mais aussi le poste très stratégique de rapporteur général du budget. C'est le député LR Philippe Juvin qui a été élu en lieu et place du député LIOT Charles de Courson. Spécialiste des finances publiques, cet élu très respecté de toute l'Assemblée nationale, a eu des allures de caillou dans la chaussure du gouvernement ces dernières années.

Après avoir longuement croisé le fer sur la réforme des retraites en 2023, il n'avait pas hésité à profiter de son duo avec le président de la commission des Finances Éric Coquerel pour mettre la pression sur Michel Barnier.

En septembre dernier, ils s'étaient ainsi tous deux rendu à Matignon pour obtenir les lettres de cadrage du budget 2025, au grand dam de la macronie. L'arrivée de Philippe Juvin comme rapporteur général du budget pourrait donc jouer le rôle de facilitateur dans la séquence budgétaire à venir qui s'annonce bouillonnante.

Mais le départ de Charles de Courson de son poste de rapporteur général du budget ne sera pas forcément qu'un avantage pour le Premier ministre Sébastien Lecornu. À la recherche de compromis à l'Assemblée nationale, le locataire de Matignon va probablement devoir désormais se passer des voix de ce petit groupe de 23 députés hétéroclites composés d'anciens socialistes, de macronistes repentis et d'ultra-marins.

L'ex-ministre de la Défense les avait pourtant longuement reçus en septembre pour tenter d'obtenir au moins leur bienveillance. Elle semble désormais plus improbable que jamais.

Marie-Pierre Bourgeois