BFMTV
Police-Justice

TOUT COMPRENDRE - Affaires Benalla: pourquoi l'ex-chargé de mission à l'Elysée est-il jugé ce lundi?

Alexandre Benalla est jugé à partir du 13 septembre 2021 pour des violences place de la Contrescarpe et au jardin des Plantes, ainsi que pour l'usage illégal de deux passeports diplomatiques.

Alexandre Benalla est jugé à partir du 13 septembre 2021 pour des violences place de la Contrescarpe et au jardin des Plantes, ainsi que pour l'usage illégal de deux passeports diplomatiques. - Jacques Demarthon / AFP

Alexandre Benalla va devoir s'expliquer à partir de ce lundi sur des violences commises place de la Contrescarpe et au jardin des Plantes le 1er mai 2018, ainsi que sur l'usage de deux passeports diplomatiques.

Deux affaires pour un procès. Alexandre Benalla est jugé à partir de ce lundi, et jusqu'au 1e octobre, par le tribunal correctionnel de Paris. D'une part pour le dossier des violences commises sur des manifestants place de la Contrescarpe et au Jardin des Plantes le 1er mai 2018. Mais aussi pour celui de l'usage illégal de deux passeports diplomatiques après son licenciement par l'Élysée.

Au moment des faits, Alexandra Benalla œuvrait dans l'ombre de la Macronie. D'abord à En Marche où il a expliqué aux enquêteurs avoir, comme bénévole, occupé le poste de directeur de la sécurité entre octobre 2016 et décembre 2017. Puis à l' l'Élysée où, devenu chargé de mission en mai 2017, il dit avoir été en charge de l'organisation générale des déplacements du président, de l'aspect organisationnel de la sécurité de ce dernier et de ses proches dans le cadre privé ou encore de l'organisation des grands événements comme la parade des Bleus après leur victoire au Mondial 2018.

Retour sur ces affaires qui ont fait tanguer le sommet de l'État à l'époque.

• Quels sont les faits reprochés à Alexandre Benalla?

Les violences place de la Contrescarpe

Les faits remontent au 1er mai 2018. Alors chargé de mission à l'Élysée, Alexandre Benalla participe, avec le statut d'observateur, au dispositif de police qui sécurise la manifestation parisienne. La tension monte avec un groupe place de la Contrescarpe dans le Ve arrondissement. Portant un casque supportant un écusson police nationale et un brassard police au bras, il va participer à l'interpellation violente d'un couple de manifestants.

Sur des vidéos révélées par Le Monde, dont la diffusion a entraîné l'ouverture d'une enquête, on peut le voir maintenir fermement une jeune femme au cou, l'éloignant des manifestants. Quelques instants plus tard, il intervient violemment sur un individu qui vient d'être maîtrisé par des CRS. L'observateur le relève de force en le tenant au niveau de la gorge puis le frappe au niveau du visage. De nombreux témoins, à commencer par des CRS eux-mêmes, diront qu'ils pensaient que cet homme habillé en noir était un policier en civil.

"Mes clients ont vécu les faits comme de simples violences policières à l’origine. Ils ne se doutaient pas que les personnes qui les avaient interpellés étaient en relation directe avec le président", commente auprès de BFMTV.com Me Sahand Saber, avocat du couple de la Contrescarpe.

"Pour eux cette affaire se limite finalement à des violences commises par des policiers", poursuit l'avocat. "L’aspect politique, la dimension que cette affaire a pu prendre par la suite, est quelque chose qui ne les regarde pas ou en tout cas seulement en tant que citoyens qui se soucient des affaires publiques."

Les violences au jardin des Plantes

À ces premiers faits se sont ajoutés, dans la procédure, ceux du jardin des Plantes. Ils se sont déroulés ce même 1er mai 2018, peu avant les deux interpellations de la place de la Contrescarpe. L'observateur est aux côtés d'une quinzaine de policiers quand ils rentrent dans le parc. Les forces de l'ordre sont visés par des projectiles. Alexandre Benalla est mis en cause pour des violences commises à l'encontre de deux manifestants, Khélifa M. et Mélisande C., lors de leur interpellation.

Pour ces faits, il est renvoyé pour "violences volontaires", "immixtion sans titre dans l'exercice d'une fonction publique" ou encore "port public et sans droit d'un insigne".

Le selfie avec une arme

Dans cette première procédure, les enquêteurs ont par ailleurs travaillé sur un selfie pris le 28 avril 2017 dans un restaurant de Poitiers, à quelques kilomètres de Châtellerault où Emmanuel Macron venait de tenir un meeting. Membre du service d'ordre de la campagne, Alexandre Benalla y apparaît avec une jeune femme et deux autres hommes, une arme à la main. Les juges le poursuivent pour "port sans motif d'une arme de catégorie B".

L'usage illégal de deux passeports diplomatiques

Alexandre Benalla est soupçonné d'avoir utilisé une vingtaine de fois ces passeports en Afrique et en Israël dans le cadre de ses activités privées alors même qu'il avait été mis à pied puis licencié par l'Élysée. Il est également mis en cause pour avoir produit un faux, un papier à en-tête du chef du cabinet de la présidence, pour obtenir un passeport de service, un document attribué à des personnes accomplissant des missions pour le compte du gouvernement mais n'ayant pas le droit au passeport diplomatique.

Alexandre Benalla a fait valoir devant les enquêteurs son "devoir de citoyen" pour justifier ses interventions musclées, mais a nié tout "tabassage". Il voulait, a-t-il dit, mettre fin aux violences commises, selon lui, par les manifestants contre les forces de l'ordre. Sa défense a mis en avant que le droit d'interpeller n'est pas réservé aux seuls policiers quand ces derniers ne peuvent agir. En cas de "délit flagrant", "toute personne a qualité pour en appréhender l'auteur et le conduire devant l'officier de police judiciaire le plus proche", selon les articles 53 et 73 du Code de procédure pénale.

Les juges d'instruction ont eux estimé qu'Alexandre Benalla "a dépassé les CRS lors de la charge". Les dispositions prévues par le Code pénal pour permettre à tout citoyen de participer à une interpellation "se conçoivent de manière restrictive et n'autorisent pas à intervenir soit à la place des forces de l'ordre quand ces dernières ont la possibilité d'agir, soit à leur prêter main forte, en l'absence de légitime défense", ont répondu les magistrats.

Dans un livre publié en novembre 2019, Alexandre Benalla reconnait que "des erreurs ont été commises évidemment, par moi, c’est certain, mais il semble malgré tout que j’aie le dos bien large. Et je suis loin d’être le seul responsable de ce naufrage. Je suis le fusible utile du pouvoir."

Sur le selfie avec une arme

Alexandre Benalla, qui n'était pas autorisé à porter une arme en dehors du QG d'En Marche! a toujours maintenu qu'il s'agissait d'un jouet. "Oui, ça peut paraître loufoque mais c'est la réalité", a-t-il dit aux juges. Lors de cette soirée de l'entre-deux tours de la présidentielle, l'ambiance était "festive" et le service d'ordre d'Emmanuel Macron "en mode détente", selon lui. "Le ton était à la rigolade. Un membre du service d'ordre qui avait un pistolet à eau et d'autres choses, s'est amusé avec", a-t-il assuré.

Sur les passeports diplomatiques

Alexandre Benalla a plaidé la bonne foi expliquant avoir laissé ses passeports sur son bureau à l'Élysée après son licenciement. Il dit qu'ils lui ont été remis par la suite par une personne de l'Élysée. Le quai d'Orsay dit lui avoir fait parvenir à plusieurs reprises des demandes de restitution de ces passeports. Ce sera chose faite le 9 janvier 2019.

• Pourquoi ces dossiers sont-ils jugés en même temps?

Alexandre Benalla est jugé pour deux procédures distinctes: l'affaire des violences du 1er-Mai à laquelle s'est rajoutée, par le biais d'un réquisitoire supplétif, l'affaire du selfie et le dossier des passeports diplomatiques.

L'enquête des juges concernant les violences s'est terminée en octobre 2020, celle sur les passeports quelques semaines plus tôt. Les deux affaires étaient donc prêtes à être jugées, il a été fait le choix de les juger au cours d'une même audience. Les contraintes d'organisation pour un tel procès, en terme de sécurité, d'affluence du public ou des journalistes ont dû certainement jouer dans le choix d'audiencer les deux procédures en même temps.

• Que risque Alexandre Benalla?

Pour les faits de violences volontaires en réunion, Alexandre Benalla encourt une peine allant jusqu'à 3 ans de prison et 45.000 euros d'amende. Idem pour le faux et l'usage de faux dans le dossier des passeports diplomatique.

"Il n’y a pas aujourd’hui de crainte quant à ce que la justice qui va juger Alexandre Benalla soit accomplie différemment", estime Me Sahand Saber. "Alexandre Benalla comme tout justiciable aura des droits, il aura également des obligations, à partir de là le tribunal fera son travail et mes clients ont toute confiance dans la justice française."

Mais c'est pour le selfie que la peine encourue est la plus lourde car le port d'arme de catégorie B sans motif est puni de sept ans de prison et 100.000 euros d'amende.

• Qui sont les autres personnes jugées à ses côtés?

Vincent Crase, l'accolyte d'Alexandre Benalla, est lui aussi sur le banc des prévenus. Comme l'ancien chargé de mission de l'Élysée, celui qui occupait la fonction de directeur de la sécurité du parti La République en marche au moment des faits qui lui sont reprochés est mis en cause pour les violences sur les manifestants de la place de la Contrescarpe et du Jardin des Plantes.

Deux autres hommes sont poursuivis toujours dans ce volet: Maxence Creusat et Laurent Simonin, deux anciens fonctionnaires de la préfecture de Police de Paris. Le premier était commissaire à la Direction de l'ordre public et de la circulation lorsque l'affaire Benalla a éclaté. Le deuxième était chef d'état-major de l'institution.

Tous deux sont renvoyés devant le tribunal pour "divulgation d’images de vidéo-protection à une personne non habilitée" et "violation du secret professionnel". Ils sont soupçonnés d'avoir transmis à Alexandre Benalla les images de la préfecture de Police le montrant intervenir place de la Contrescarpe.

https://twitter.com/justinecj Justine Chevalier Journaliste police-justice BFMTV