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Police-Justice

Sarkozy, Fillon... Avant le jugement en appel de Le Pen "à l'été 2026", quels ont été les délais de la justice?

Marine Le Pen le 31 mars 2025 au tribunal de Paris avant que celui-ci rende sa décision dans l'affaire des assistants parlementaires européens

Marine Le Pen le 31 mars 2025 au tribunal de Paris avant que celui-ci rende sa décision dans l'affaire des assistants parlementaires européens - Alain JOCARD © 2019 AFP

La présidente des députés RN va bénéficier d'un procès en appel aux délais plutôt rapides avec l'espoir d'éviter la confirmation de sa peine d'inéligibilité immédiate. Dans des cas similaires, le temps nécessaire aux cours d'appel pour fixer un nouveau procès peut varier du simple au triple. Alain Juppé a été fixé sur son sort en moins d'un an tandis que François Fillon a attendu près de 24 mois.

Une justice plus rapide pour Marine Le Pen, condamnée à une peine de 5 ans d'inéligibilité avec application immédiate? La Cour d'appel de Paris a indiqué ce mardi 1er avril dans la soirée envisager un nouveau procès pour la présidente des députés RN "avec une décision à l'été 2026". De quoi lui laisser un petit espoir de maintenir sa candidature à la présidentielle.

Le garde des Sceaux Gérald Darmanin a dit mardi "souhaiter" un nouveau procès dans un délai "le plus raisonnable possible".

L'annonce peut cependant laisser un goût amer alors que le délai moyen de traitement des affaires en cour d'appel est de 16 mois, d'après des chiffres du ministère de la Justice. Un quart des affaires prennent même plus de 21 mois.

"Ou tout le monde peut bénéficier d'une procédure d'appel rapide, ou personne!", a ainsi lancé le secrétaire national du Parti communiste Fabien Roussel sur X.

En regardant les cas d'élus condamnés à des peines d'inéligibilité, on constate néanmoins que les appels peuvent parfois se dérouler rapidement ou au contraire s'étirer dans le temps.

• Les élus qui ont été fixés sur leur sort en un an ou moins

Premier cas: celui de Patrick Balkany. Condamné à plusieurs reprises à des peines de prison ferme et à des amendes importantes, l'ex-maire de Levallois se voit infliger en septembre 2019 une peine d'inéligibilité de 10 ans en appel, notamment pour "fraude fiscale".

Ce très proche de Nicolas Sarkozy est accusé de ne pas avoir déclaré des sommes d'argent détenues en Suisse qui ont ensuite permis d'acheter des biens immobiliers qui n'ont jamais été déclarés non plus. Il est fixé sur son sort à peine 5 mois plus tard, en janvier 2020 et se voit infliger la même peine.

Hubert Falco, l'ex-maire de Toulon, a, lui, été accusé d'avoir continué à déjeuner gratuitement à la cafétéria du conseil départemental du Var, alors qu'il n'en était plus président depuis plus de dix ans, et d'avoir profité de frais de pressing aux frais du contribuable, le tout pour un montant de 64.500 euros.

En première instance, il est lourdement condamné en avril 2023 à cinq ans d'inéligibilité immédiate pour "recel de détournement de fonds publics" La peine est confirmée en appel 13 mois plus tard.

Autre cas où les magistrats se sont prononcés plutôt rapidement: Alain Juppé. En janvier 2004, l'ex-Premier ministre est condamné dans l'affaire des emplois fictifs de la ville de Paris à 10 ans d’inéligibilité. Sa condamnation est vivement contestée par la droite, lui qui est alors vu comme un éventuel espoir pour la présidentielle de 2007.

Moins d'un an plus tard, en décembre 2004, sa peine est largement réduite. Il n'écope que d'un an d'inéligibilité, ce qui le conduit à démissionner de son mandat de maire de Bordeaux et à partir enseigner pendant un an au Canada.

Dernier exemple qui donne de l'espoir à Marine Le Pen: le cas de Brigitte Barrèges, alors maire LR de Montauban (Tarn-et-Garonne), condamnée en février 2021 à 5 ans d'inéligibilité.

Il lui était reproché d'avoir utilisé, pendant la campagne des municipales de 2014, les moyens de la mairie pour se faire réélire. Elle aurait notamment rémunéré un agent de la ville pour qu'il écrive des articles élogieux sur son action dans le journal de la commune.

Elle est finalement relaxée en appel en décembre 2021, 10 mois à peine plus tard. S'il est très rare qu'une élue condamnée à de l'inéligibilité ne le soit pas en seconde instance, le cas de Brigitte Barrèges, désormais proche d'Éric Ciotti, donne de l'espoir à Marine Le Pen, en dépit d'un dossier très différent.

• Les élus qui ont été fixés sur leur sort après plus de 18 mois

La candidature de François Fillon, favori de la présidentielle de 2017, avait explosé en plein vol après les révélations de Médiapart qui indiquait que son épouse Pénélope Fillon avait été rémunérée pendant des années pour un emploi fictif au service de son époux alors député.

L'ex-Premier ministre est condamné à dix ans d'inéligibilité en juin 2020. Le jugement en seconde instance n'a lieu qu'en mai 2022, près de 23 mois plus tard.

L'ex-secrétaire d'État chargé de la fonction publique sous Nicolas Sarkozy, Georges Tron, a quant à lui été jugé pour "viols et agressions sexuelles en réunion" en 2017. En dépit des sévères réquisitions du parquet qui demande 5 ans d'inéligibilité à l'encontre de cet ex-proche d'Édouard Balladur, il est acquitté en novembre 2018. Le parquet général de Paris fait appel et Georges Tron est finalement condamné en février 2021 à une peine d'inéligibilité de 6 ans, 26 mois plus tard.

Même topo pour l'ancien président de la Polynésie française Gaston Flosse, l'élu le plus condamné de la Ve République. En septembre 2022, il est condamné à cinq ans d'inéligibilité pour "inscription indue sur une liste électorale par déclaration frauduleuse". Sa peine est confirmée en seconde instance en avril 2024, soit 18 mois plus tard.

Quant à Nicolas Sakozy, mis en cause dans de nombreuses procédures judiciaires, il a été condamné en première instance dans le cadre de l'affaire des écoutes à 3 ans de prison dont 2 ans avec sursis en mars 2021. Mais en appel, près de 18 mois plus tard, il est condamné à 3 ans de peine d'inéligibilité.

• Ceux qui attendent toujours

Reconnu coupable d’avoir, entre 2015 et 2017, utilisé à des fins personnelles plus de 100.000 euros issus de son enveloppe de frais de mandat, l’ancien député de Paris Jean-Christophe Cambadélis est condamné en septembre 2024 à 5 ans d'inéligibilité. Il a depuis fait appel. Aucune date de seconde audience n'a pour l'instant été fixée.

Quant à François Bayrou, il a été relaxé en février 2024 dans l'affaire des assistants du Parlement européen. Si l'affaire ressemble sur le fond à celle dans laquelle a été condamnée Marine Le Pen, l'échelle des montants mis en cause n'a rien à voir. Le préjudice total est évalué à 293.000 euros contre 4 millions pour le RN d'après la condamnation du tribunal en première instance.

Le parquet a fait appel de la relaxe du Premier ministre. 13 mois après, aucune date n'a encore été fixée par la Cour d'appel.

Marie-Pierre Bourgeois