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Le système de défense aérienne israélien intercepte des missiles iraniens à Tel-Aviv le 18 juin 2025.

Menahem Kahana / AFP

Sites nucléaires visés, intervention américaine... 12 jours d'une guerre sans précédent entre Israël et l'Iran

En attaquant l'Iran, Israël a affirmé "changer la face au monde". L'État hébreu s'est félicité d'avoir empêché son ennemi juré d'un jour acquérir l'arme nucléaire en 12 jours de guerre, durant lesquels l'Iran a massivement riposté. Des doutes persistent, en revanche, sur l'étendue des dégâts infligés au programme nucléaire iranien.

Un cessez-le-feu entre les deux pays ennemis est entré en vigueur ce mardi 24 juin. Cet accord, proposé par le président américain Donald Trump, met fin à une guerre de 12 jours entre Israël et l'Iran.

L'État hébreu avait déclenché le 13 juin un conflit aérien massif contre son voisin. Son objectif affiché: empêcher le pays de se doter de la bombe atomique à travers son programme nucléaire, ce qu'il réfute.

Les frappes israéliennes ont notamment tué plusieurs des plus hauts gradés du pays ainsi que de nombreux scientifiques du programme nucléaire iranien. Selon le ministère de la Santé, au moins 610 personnes ont été tuées et plus de 4.700 blessées parmi la population civile iranienne. Les tirs iraniens de représailles vers Israël ont fait 28 morts, selon les autorités locales.

Les ennemis ont tous deux crié "victoire", Israël jurant que l'Iran n'aurait jamais l'arme atomique et Téhéran affirmant qu'il ne cherchait pas à l'acquérir. Après des décennies de guerre par procuration et d'opérations ponctuelles, c'est la première fois que les deux pays ennemis s'affrontent militairement avec une telle intensité.

L'armée israélienne lance son offensive surprise

Dans la nuit du jeudi 12 au vendredi 13 juin, l'armée israélienne lance l'opération "Lion dressé". Elle vise une centaine de cibles, principalement des installations militaires et nucléaires. Des frappes "préventives" selon elle, qui affirme disposer de renseignements prouvant que Téhéran s'approche du "point de non-retour" vers la bombe atomique.

Dès le premier jour de ce conflit ouvert, Israël cible le centre pilote d'enrichissement d'uranium de Natanz et "démantèle" une usine de conversion d'uranium à Ispahan. L'armée israélienne annonce également frapper des bases militaires, des systèmes de défense aériens et des lanceurs de missiles.

Un pompier devant des immeubles détruits après des frappes israéliennes à Téhéran, en Iran, le 13 juin 2025
Un pompier devant des immeubles détruits après des frappes israéliennes à Téhéran, en Iran, le 13 juin 2025 © MEGHDAD MADADI / TASNIM NEWS / AFP

L'opération est retentissante. Plusieurs hautes figures des Gardiens de la Révolution, l'armée idéologique de la République islamique, et scientifiques iraniens sont tués. Parmi les victimes: Hossein Salami, chef du Corps des Gardiens de la Révolution islamique, le général Mohammed Bagheri, chef d'état-major des forces armées, ou encore Amirali Hadjizadeh, commandant des forces aérospatiales. Plusieurs scientifiques du programme nucléaire iranien sont aussi tués.

Cette attaque met notamment en lumière une guerre de l'ombre qui fait rage depuis des années entre les deux pays ennemis et montre le travail des services de renseignements israéliens, qui ont réussi à infiltrer l'Iran, jusqu'au cœur du pouvoir de la République islamique.

La menace d'une riposte "dévastatrice"

Quelques heures après les frappes israéliennes sur l'Iran, Téhéran réplique. Il lance une centaine de drones en direction d'Israël, invoquant son "droit légal et légitime" à répondre à l'agression qu'il subit. C'est notamment la région de Tel-Aviv qui est visée, l'Iran affirmant cibler "des dizaines" de bases et infrastructures militaires.

Depuis des années, Israël se défend des attaques extérieures (Houthis du Yémen, Hezbollah du Liban...) grâce à son Dôme de fer, un mécanisme sophistiqué capable de détecter des tirs et pouvant se déployer pour les intercepter. Pourtant dans la nuit du vendredi 13 au samedi 14 juin, plusieurs missiles iraniens touchent le sol israélien.

"L'Iran utilise massivement des missiles extrêmement puissants à longue portée qui saturent le système de protection (...). Certains peuvent être interceptés, mais la quantité envoyée est telle que des missiles finissent par tomber", explique Olivier Ravanello, consultant politique internationale pour BFMTV.

Les systèmes de défense aérienne israéliens sont activés pour intercepter des missiles iraniens au-dessus de la ville israélienne de Tel Aviv, le 18 juin 2025.
Les systèmes de défense aérienne israéliens sont activés pour intercepter des missiles iraniens au-dessus de la ville israélienne de Tel Aviv, le 18 juin 2025. © Menahem Kahana / AFP

La force de l'Iran réside également dans ses missiles balistiques, des engins extrêmement rapides qui ne mettent que cinq à dix minutes pour arriver d'Iran jusqu'en Israël, alors que 1.700 km les séparent.

L'Iran promet une "réponse dévastatrice" aux attaques israéliennes menées depuis vendredi contre son territoire et affirme qu'Israël ne serait bientôt "plus habitable".

Donald Trump fait planer le doute

Pour le pouvoir iranien, Israël n'a pas pu mener son attaque massive sans l'appui des États-Unis. Donald Trump assure ne pas avoir pris part à l'opération et dit avoir appelé Israël la veille à ne pas frapper l'Iran, jugeant "proche" un accord sur le nucléaire qu'il ne voulait pas voir "capoter".

Allié indéfectible d'Israël, le président américain fait toutefois planer le doute sur une possible implication de son pays dans le conflit. "Je vais peut-être le faire, peut-être pas", déclare-t-il ainsi devant la presse. Plusieurs jours durant, Donald Trump souffle le chaud et le froid, affirmant ne pas vouloir tuer le guide suprême iranien Ali Khamenei... "pour le moment".

"J'aime prendre une décision finale une seconde avant la limite", dit-il le mercredi 18 juin.

Au cinquième jour de la guerre, Donald Trump appelle l'Iran à une "capitulation sans conditions", disant que sa "patience arrive à bout". En réponse, Ali Khamenei proclame que son pays ne se rendra "jamais" face à Israël.

Durant plusieurs jours, et autant de nuits, Israël et Iran échangent de nouvelles frappes. Plusieurs cibles militaires sont touchées, de même que le siège de la télévision iranienne ou un hôpital israélien. Des centaines de civils fuient l'Iran, quand les habitants d'Israël sont appelés à rester près des abris anti-aériens. Certains, éloignés des bunkers, trouvent refuge dans le métro de Tel-Aviv.

Au beau milieu du week-end, l'intervention américaine

Le suspense prend fin dimanche 22 juin. Après des jours de flou, les États-Unis attaquent trois des principaux sites nucléaires iraniens: Ispahan, Natanz et Fordo. C'est l'opération "Marteau de minuit". Donald Trump affirme alors que les capacités d'enrichissement de l'Iran sont désormais "complètement détruites".

L'opération militaire a fait intervenir "plus de 125 avions, dont des bombardiers furtifs B-2, plusieurs vols de chasseurs de quatrième et cinquième génération, des dizaines et des dizaines d'avions ravitailleurs, un sous-marin à missiles guidés et une gamme complète d'avions de renseignement, de surveillance et de reconnaissance", rapporte le ministre de la Défense des États-Unis.

L'armée américaine largue notamment des bombes anti-bunker de type GBU-57, des ogives de 13 tonnes qui peuvent s'enfoncer jusqu'à 60 mètres de profondeur avant d'exploser.

Une arme qui change la donne dans le conflit car Israël était jusqu'alors incapable de frapper notoirement l'usine iranienne d'enrichissement en uranium de Fordo, construite à une centaine de mètres de profondeur sous la terre.

La difficile entrée en vigueur du cessez-le-feu

Après les frappes américaines, Israël continue de bombarder l'Iran, qui riposte. Lundi 23 juin, une frappe change toutefois la face du conflit: l'Iran cible une base militaire américaine au Qatar, en représailles aux bombardements des trois sites nucléaires iraniens.

Ces tirs avaient été signalés en avance, minimisant le risque de victimes et permettant l'interception des projectiles dans le ciel de Doha. Cette attaque ne suscite cependant pas la colère de Donald Trump qui remercie même l'Iran "d'avoir prévenu à temps" les États-Unis.

Peu après, il est environ minuit ce mardi 24 juin lorsque le locataire de la Maison Blanche annonce la mise en place d'un cessez-le-feu "complet et total" de 12 heures entre Israël et l'Iran.

La déclaration de Donald Trump a de quoi surprendre, puisqu'elle intervient quelques heures après la frappe sur la base américaine au Qatar et quelques minutes après un appel d'Israël à évacuer des quartiers de Téhéran en vue de bombardements.

Le flou sur la réelle application de ce cessez-le-feu s'installe. Peu après le message de Donald Trump, l'Iran affirme qu'il n'y a "pas d'accord à ce stade" avec Israël, mais se dit prêt à mettre fin à sa riposte. Il faut attendre le matin pour avoir une confirmation du gouvernement israélien qui accepte la proposition américaine, affirmant avoir atteint "tous (s)es objectifs".

L'État hébreu se félicite alors "d'avoir éliminé une double menace existentielle immédiate: nucléaire et balistique".

Toutefois, Iran et Israël s'accusent mutuellement de violer le cessez-le-feu en continuant les frappes. Cette situation provoque la colère de Donald Trump, qui déplore la violation du cessez-le-feu par les deux pays.

"Il faut qu'Israël se calme", déclare-t-il notamment.

Malgré des débuts laborieux, le cessez-le-feu est ensuite respecté.

Le programme nucléaire iranien anéanti?

Une question demeure: que reste-t-il du programme nucléaire iranien? De son côté, Donald Trump assure que les sites nucléaires sont "complètement détruits". Même son de cloche du côté du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu qui parle d'une "victoire historique", assurant que Téhéran n'aurait "jamais l'arme atomique".

Pourtant des médias américains soulignent qu'un document classé confidentiel du renseignement établit que les frappes américaines ont retardé le programme nucléaire iranien de seulement quelques mois, sans le détruire complètement.

D'après ce rapport préliminaire, les bombardements n'ont pas éliminé complètement les centrifugeuses ou les stocks d'uranium enrichi iraniens. Elles ont plutôt scellé les entrées de certaines installations sans détruire les bâtiments souterrains.

L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) juge, elle, impossible à ce stade d'évaluer les dégâts infligés. Des experts estiment que l'Iran pourrait avoir évacué le matériel nucléaire des sites touchés et Téhéran a affirmé toujours posséder des stocks d'uranium enrichi.

Des banderoles avec un message adressé à Donald Trump disant "Mr. President, Finish the job" et "Thank you Mr. President" au même endroit à Tel Aviv, le 18 et le 22 juin 2025.
Des banderoles avec un message adressé à Donald Trump disant "Mr. President, Finish the job" et "Thank you Mr. President" au même endroit à Tel Aviv, le 18 et le 22 juin 2025. © AHMAD GHARABLI, GIL COHEN-MAGEN / AFP

Le président iranien réaffirme, lui, que son pays ne cherchait pas à se doter de l'arme atomique, mais "uniquement à faire valoir ses droits légitimes" pour avoir un programme nucléaire civil.

Une guerre de 12 jours loin de signer la fin du conflit

Le président iranien Massoud Pezeshkian assure que son pays respectera cette trêve, à condition qu'Israël fasse de même. Le Conseil de sécurité nationale iranien parle ainsi d'"une victoire", tout en ajoutant que l'Iran "garde le doigt sur la gâchette".

Signe d'un retour au calme, l'armée israélienne a annoncé la levée des restrictions imposées aux Israéliens pendant ces douze jours, les autorités aéroportuaires faisant part d'un "retour à la normale" du trafic aérien. Du côté de l'Iran, les restrictions sur internet ont été levées.

Le chef d'état-major de l'armée israélienne averti que "la campagne" contre Téhéran "n'était pas terminée" et que s'ouvrait un "nouveau chapitre".

Il indique à ce sujet que son armée va se concentrer de "nouveau sur Gaza", où se poursuit l'opération israélienne et où plus de 56.077 Palestiniens, majoritairement des civils, ont été tués.

Salomé Robles