"Un endroit sûr et invulnérable": existe-t-il un site nucléaire iranien secret enfoui sous la "montagne de la pioche"?

Le Pentagone a affirmé avoir "dévasté le programme nucléaire iranien" ce dimanche 22 juin en frappant, notamment avec des bombes anti-bunker, le site souterrain d'enrichissement d'uranium à Fordo, au sud de Téhéran, et les installations nucléaires à Ispahan et Natanz, dans le centre de l'Iran.
Ali Shamkhani, un conseiller du guide suprême iranien, a cependant affirmé sur X que l'Iran possédait toujours des stocks d'uranium enrichi. De son côté, le directeur de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Rafael Grossi, a jugé impossible à ce stade d'évaluer l'étendue des dégâts et a réclamé un accès aux sites nucléaires iraniens et au stock d'uranium hautement enrichi pour "faire le point".
Il a ajouté que l'Iran lui avait adressé le 13 juin une lettre signalant la mise en place "de mesures spéciales pour protéger les équipements et la matière nucléaire".
Selon de nombreux experts, l'Iran aurait construit ces dernières années un quatrième site nucléaire en secret, caché sous une montagne, sans en avertir les autorités internationales.
De l'uranium enrichi à 60%
Depuis des années, l'incertitude autour du programme nucléaire iranien inquiète. Des révélations, au début des années 2000, sur des sites secrets ont renforcé ce sentiment de menace pour Israël et les Occidentaux.
L'Iran a enrichi de l'uranium au niveau élevé de 60%, selon l'AIEA, niveau proche du seuil de 90% requis pour la fabrication d'une bombe atomique. Mais l'agence onusienne dit n'avoir décelé jusque-là aucun indice sur l'existence d'un "programme systématique" iranien de production d'une arme nucléaire. Et l'Iran a toujours démenti avoir de telles visées.
Affirmant que Téhéran était sur le point de se doter de la bombe atomique, Israël a frappé depuis le 13 juin des centaines de sites militaires et nucléaires en Iran, et tué les plus hauts gradés du pays et des scientifiques du nucléaire. Ce dimanche, l'État hébreu a donc reçu l'appui de son allié, les États-Unis.
Cela "ne regarde pas" l'AIEA
Un site resterait néanmoins intact: celui caché sous le Kuh-e Kolang Gaz La (la "montagne de la pioche"), qui culmine à 1.600m d'altitude. Cette montagne est située au sud du site nucléaire de Natanz.
Si ces installations nucléaires sont longtemps restées secrètes, elles le sont moins depuis quelques jours. L'Iran possède un "nouveau site entièrement construit et situé dans un endroit sûr et invulnérable", avait affirmé Mohammad Eslami, directeur de l'Organisation de l'énergie atomique en Iran, le 12 juin, la veille du déclenchement de l'opération israélienne contre les sites militaires et nucléaires iraniens.
"Dès que l'installation et la configuration de la centrifugeuse seront terminées, l'enrichissement commencera", avait ajouté Mohammad Eslami. Cette déclaration avait été condamnée par l'AIEA pour manquement à ses obligations de transparence au titre du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires.
Comme le rapporte Reuters, Rafael Grossi avait déclaré en avril que l'existence de telles installations nucléaires secrètes "ne pouvait pas être exclue". En revanche, il avait indiqué qu'il n'avait pas pu les visiter car l'Iran aurait déclaré que "cela ne le regardait pas".
Plus profond et plus vaste que Fordo
Mais alors de quoi parle-t-on? Selon plusieurs analystes, dont l'Institute for Science and International Security, le site de Kolang Gaz La aurait la caractéristique d'être enterré sous terre, comme l'usine d'enrichissement en uranium Fordo, située au sud de Téhéran.
Toutefois, il serait construit encore plus en profondeur. Conséquence: "L'installation serait bien plus difficile à détruire avec des armes conventionnelles, comme une bombe anti-bunker classique", explique Steven De La Fuente, chercheur à l'institut, cité par AP.
Même la bombe américaine GBU-57, une ogive de 13 tonnes et de six mètres de long capable de s'enfoncer profondément dans la roche et le béton, notamment lancée contre Fordo, pourrait ne pas suffire pour causer des dégâts notables, selon des analyses d'images satellite par AP. La profondeur du site a notamment été mesurée grâce à l'analyse de la taille de grands monticules de terre aux abords, qui permette d'estimer le creusement. Le site de Kolang Gaz La serait plus profond que celui de Fordo mais aussi plus vaste.
Périmètre de sécurité renforcé
En plus d'être plus profond, le site sous "la montagne à la pioche" serait également davantage protégé. L'Institute for Science and International Security a rapporté en avril que l'Iran construisait un périmètre de sécurité autour de deux complexes de tunnels nucléaires souterrains à Kolang Gaz La.
Des images de satellites montrent des entrées renforcées dans les complexes, de hauts panneaux muraux érigés le long d'une route nivelée encerclant le sommet de la montagne, et des excavations pour l'installation d'autres panneaux.
Alors que Fordo est réputé pour ses deux entrées de tunnel, "la montagne à la pioche" en posséderait au moins quatre, deux à l'est et deux à l'ouest, creusées dans la montagne. Comme l'explique le Financial Times, cela rend plus difficile le bouclage des entrées par bombardement.
"Opérationnel assez rapidement"
L'Iran avait indiqué en 2020 avoir commencé à construire une salle au "cœur des montagnes" près de son site nucléaire de Natanz pour fabriquer des centrifugeuses avancées. Cette usine cachée permettrait à l'Iran d'enrichir rapidement de l'uranium sous la protection de la montagne.
Cité par Reuters en avril, David Albright, président de l'Institute for Science and International Security, a déclaré que le site "pourrait être opérationnel assez rapidement".
"Une question clé est de savoir si l'Iran va, ou a peut-être déjà, dissimulé des matières fissiles au Kuh-e Kolang Gaz La ou dans une autre installation inconnue", a affirmé Ben Taleblu, chercheur à la Fondation pour la Défense de la démocratie, auprès du Financial Times.
Plusieurs experts estiment, par ailleurs, que l'Iran aurait pu déjà déplacer des éléments du site de Fordo vers celui de Kolang Gaz La avant le début des attaques israéliennes.