Un site construit en secret et en profondeur: qu'est-ce que Fordo, l'usine d'uranium qu'Israël ne peut pas atteindre en Iran?

Il semble intouchable. Alors que les sites nucléaires iraniens commencent à être endommagés par l'attaque lancée vendredi 13 juin par Israël pour empêcher l'Iran de se doter de la bombe atomique, un lieu fait de la résistance: l'usine d'enrichissement en uranium de Fordo.
Située au sud de Téhéran, elle a bien été visée par Israël mais "aucun dommage n'a été constaté", indique l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), contrairement aux sites de Natanz et d'Ispahan.
Cette usine a été créée "en secret" dans les années 2000 par l'Iran pour "se protéger d'éventuelles attaques américaines ou israéliennes", explique Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique, sur BFMTV.
Sa construction a été révélée à l'AIEA en septembre 2009, créant une crise avec les grandes puissances du Conseil de sécurité. Après l'avoir présenté comme un "site de secours" dans une zone montagneuse, près d'une base militaire, afin de se protéger d'une attaque aérienne, Téhéran a indiqué qu'il s'agissait d'une usine d'enrichissement d'uranium à taux élevé, pouvant accueillir quelque 3.000 centrifugeuses.
L'assistance américaine nécessaire
Construite à une centaine de mètres de profondeur sous la terre, "elle ne peut pas être détruite par les airs par l'aviation israélienne", assure Bruno Tertrais.
"Israël ne pourra pas dire qu'elle a causé des dommages irréparables faisant reculer le programme nuclaire iranien de plusieurs années si elle ne fait pas du mal à cette installation", explique-t-il.
Même son de cloche chez David Albright, expert de l'Institut for Science and International Security, cité par le Guardian. Selon lui, si le site reste intact et que l'Iran a accès à de l'uranium enrichit à hauteur de 60%, il serait théoriquement possible de produire des armes nucléaires en seulement quelques semaines.
Israël ne dispose pas des puissantes bombes nécessaires "pour réduire à néant les installations fortifiées de Natanz et Fordo", enterrées à de grandes profondeurs, confirme Kelsey Davenport, experte de l'Arms Control Association. Il lui faudrait pour cela "l'assistance militaire américaine". Mais les États-Unis hésitent à intervenir dans le conflit qui oppose son allié à l'Iran.
"Je ne suis même pas certain que les Américains, s'ils entraient dans la danse, auraient la capacité avec leur fameuse bombe pénétrante de faire beaucoup de mal à cette installation", nuance Bruno Tertrais.
Une ogive de 13 tonnes
La bombe américaine qui pourrait changer la donne est la GBU-57, une ogive de 13 tonnes et de six mètres de long capable de s'enfoncer profondément dans la roche et le béton. La GBU-57 "a été conçue pour pénétrer jusqu'à 200 pieds (61 mètres) sous terre avant d'exploser", relève l'armée américaine.
Contrairement à nombre de missiles ou bombes qui font détoner leur charge au moment de l'impact, ces ogives anti-bunker s'enfoncent d'abord dans le sol pour exploser uniquement une fois l'installation souterraine atteinte.
Une intervention américaine est requise pour l'utilisation de ces bombes, car seuls les avions américains B-2 sont capables de les larguer. À ce stade, les États-Unis n'ont pas annoncé d'intervention. À l'issue d'un conseil de sécurité, Donald Trump a appelé à l'Iran à une "capitulation sans conditions". Il a aussi assuré que les États-Unis pouvaient aisément tuer le guide suprême iranien, mais qu'ils ne comptaient pas le faire "pour le moment".