Succession du pape François: le cardinal désigné lors du conclave peut-il refuser son élection?

Des cardinaux entrant dans la chapelle Sixtine avant le début du conclave au Vatican le 12 mars 2013 (photo d'illustration) - OSSERVATORE ROMANO / AFP
Un cas de figure très peu probable. Alors que les cardinaux venus du monde entier sont réunis au Vatican, après la mort du pape François le 21 avril à l'âge de 88 ans. Ils doivent élire lors du conclave le prochain chef de l'Église catholique à partir de ce mercredi 7 mai. Mais l'élu peut-il choisir de refuser le rôle de pape?
L'élection du souverain pontife répond à un déroulé précis en vigueur depuis plus d'un millénaire. Il implique que les 133 cardinaux électeurs se réunissent au Vatican et votent jusqu'à ce qu'un candidat rassemble au moins les deux tiers des voix.
Une fois cette majorité atteinte, le cardinal-doyen, Giovanni Battista Re, se tourne vers l'élu et lui demande en latin: "Acceptes-tu ton élection canonique comme Souverain Pontife?" Cela signifie qu'en théorie, le cardinal désigné a le droit de refuser.
Un conclave tenu secret
Mais impossible de savoir si ce cas de figure s'est déjà présenté. En effet, tout ce qu'il se passe lors du conclave doit rester secret, comme l'impose la constitution apostolique Universi Dominici Gregis. Ceux qui se risqueraient à faire fuiter une information peuvent être excommuniés.
Par ailleurs, dans Universi Dominici Gregis, la constitution apostolique promulguée en 1996, le pape Jean-Paul II fixe des règles concernant l'élection du futur souverain pontife.
Au sujet d'un potentiel refus, le pape d'alors se montre ferme et appelle "celui qui sera élu à ne pas se dérober à la charge à laquelle il est appelé, par crainte de son poids, mais à se soumettre humblement au dessein de la volonté divine". Tout refus serait donc mal perçu au sein de l'institution.
Des cardinaux se retirent d'eux-mêmes
Ce cas de figure a-t-il des chances de se présenter? En réalité, il est très faible. Car l'ensemble des cardinaux réunis à la chapelle Sixtine savent qu'avec leur participation, ils acceptent leur rôle de potentiel futur pape.
Samedi 3 mai, soit quatre jours avant le début du conclave, l'archevêque de Rabat Cristobal Lopez Romero a d'ailleurs préféré annoncer lui-même qu'il ne voulait pas devenir pape. "Si je suis élu, je m'enfuis en Sicile", a-t-il été jusqu'à déclarer au quotidien italien Il Messaggero.
Une déclaration rare, mais l'archevêque n'est pas le seul à s'être mis hors course. Alors que tous les cardinaux de moins de 80 ans, soit les cardinaux éligibles, ont été appelés au conclave après la mort de François, deux d'entre eux ont annoncé renoncer pour "raisons de santé".
Ces cardinaux sont Antonio Cañizares Llovera, archevêque émérite de Valence, en Espagne, et le cardinal John Njue, archevêque métropolitain émérite de Nairobi, au Kenya. Tous deux sont âgés de 79 ans, soit presque l'âge limite pour participer au vote.
Par ailleurs, l'Italien Angelo Becciu a lui aussi annoncé qu'il ne ferait pas le déplacement, après avoir été condamné en 2023 en première instance à cinq ans et demi de prison au terme d'un vaste procès autour d'opérations financières du Saint-Siège. Il a déclaré dans un communiqué ne pas se rendre au conclave pour "obéir à la volonté du pape François", tout en clamant son "innocence" dans l'affaire financière.
Le précédent du pape François?
Ces trois renoncements montrent que les cardinaux papables qui considèrent ne plus être en assez bonne santé pour devenir pape ou dont l'élection pourrait revêtir un caractère polémique peuvent choisir de se retirer de la course avant même le vote.
Lors de l'élection du pape François en 2013, le journal La Croix expliquait que celui qui n'était à l'époque que cardinal avait déjà recueilli une quarantaine de voix lors du conclave de 2005, lors de la mort de Jean-Paul II. Cette information n'a jamais été confirmée ou démentie par le pape François, mais selon le récit qui en est fait, alors que le conclave était très divisé, le cardinal Jorge Maria Bergoglio aurait lors des discussions avec d'autres cardinaux laissé entendre qu'il ne souhaitait pas accéder à la fonction suprême, ce qui aurait permis l'élection de Benoît XVI. De quoi là aussi accréditer la thèse selon laquelle les cardinaux qui ne veulent pas devenir chefs de l'Église catholique le font comprendre avant toute décision définitive.
Cela n'empêche pas cependant que d'autres cardinaux dont les profils font débat seront bien présents au conclave. Parmi eux, Philippe Barbarin, archevêque émérite de Lyon, devenu l'un des symboles du silence de l'Église face aux violences sexuelles. Il avait été condamné en première instance en 2019 pour avoir passé sous silence les agressions commises par un prêtre du diocèse, avant d'être relaxé en appel.
Mais aussi Juan Luis Cipriani, 81 ans, archevêque émérite de Lima et qui est accusé d'avoir agressé un adolescent il y a plus de 40 ans, ce qu'il dément. Il avait été contraint en 2019 par le pape François à s'exiler au Pérou, à ne pas faire de déclarations et à ne pas porter les habits ou les symboles cardinalices.