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"On arrive à une catastrophe": la Seine-Saint-Denis, département le plus touché par le Covid-19

Personnel soignant dans un hôpital de Saint-Denis, le 17 juillet 2020

Personnel soignant dans un hôpital de Saint-Denis, le 17 juillet 2020 - JOEL SAGET / AFP

Le taux d'incidence a dépassé les 500 en Seine-Sant-Denis, et les services de réanimation sont complètement saturés. Les personnels hospitaliers réclament un reconfinement pour juguler la crise.

"On arrive à une catastrophe." Selon nos informations, la mise en place d'un confinement en Île-de-France est le scénario privilégié par les autorités pour l'heure, même si ses modalités restent encore incertaines - seulement le week-end ou toute la semaine? Ce durcissement des restrictions est réclamé depuis plusieurs semaines par les médecins, qui décrivent une situation "extrêmement difficile" notamment dans le département de Seine-Saint-Denis, actuellement le plus touché de France par l'épidémie de Covid-19.

"Sur le plan sanitaire on arrive à une catastrophe", a déclaré ce mercredi sur BFMTV Yves Cohen, chef du service de réanimation de l'hôpital Avicenne de Bobigny (Seine-Saint-Denis). "On a des chiffres extrêmement inquiétants, nous sommes à près de 500 en incidence, à 140% de taux d'occupation (des lits de réanimation), et on nous demande encore de faire des efforts pour accueillir tous les patients en réanimation, ce qui est extrêmement difficile, voire impossible".

"La situation nous échappe"

Dimanche, le Premier ministre Jean Castex avait annoncé un nouveau seuil pour le reconfinement : "quand le taux d'incidence était à 400 pour 100.000 habitants". Pour toute l'Île-de-France, il a été franchi en début de semaine, et s'établit selon les dernières données de Geodes à 425,9 pour 100.000 habitants, sur une semaine glissante (du 8 mars au 14 mars).

"Quand le Pas-de-Calais a été reconfiné le week-end, la Seine-Saint-Denis avait exactement le même taux d'incidence, aux alentours de 400. Aujourd'hui en Seine-Saint-Denis on est à 500", souligne sur BFMTV Frédéric Lapostolle, directeur adjoint du SAMU, médecin à l'hôpital Avicenne de Bobigny, en Seine-Saint-Denis. Selon lui, actuellement "la situation nous échappe".

"La Seine-Saint-Denis c'est pratiquement 500 le taux d'incidence, et l'impact est terrible, on est en surchauffe, on est en tension dans les hôpitaux", explique également sur notre antenne Farida Adlani, vice-présidente MoDem de la région Île-de-France, en charge de la Santé.

"On est totalement submergés par les patients"

Depuis plusieurs jours maintenant, le personnel hospitalier francilien explique que les services de réanimation sont en difficulté, et qu'il est de plus en plus difficile de trouver de la place pour les nouveaux entrants, qui arrivent quotidiennement. "Cela fait 15 jours qu'on est totalement submergés par les patients", explique Yves Cohen.

"On est actuellement en train de sortir des patients de réanimation, qui auraient dû rester en réanimation, parce qu'on manque de lits", pour les nouveaux arrivants, dans un état grave, explique le chef de service. "Nous ne sommes pas encore au niveau du tri des patients, parce que pour nous c'est inacceptable, donc nous sommes dans une situation extrêmement difficile, extrêmement tendue". "Notre hantise aujourd'hui c'est de se retrouver au domicile d'un patient avec des critères pour l'emmener en réanimation, et pas de place", déclare Frédéric Lapostolle.

L'Agence régionale de Santé a demandé aux établissements de l'AP-HP (Assistance Publique - Hôpitaux de Paris) de déprogrammer 40% des opérations, pour dégager des lits et du personnel, et quelques transferts de patients ont été réalisés vers d'autres régions, mais tant qu'aucune mesure de restriction n'est mise en place, le flux d'arrivées continue.

"C'est comme quand vous avez une fuite d'eau chez vous, si vous décidez juste d'écoper, ça ne va pas marcher, il faut couper le robinet", déclare à BFMTV Stéphane Gaudry, médecin au service de réanimation de l'hôpital Avicenne. "Une de ces façons c'est de réduire le nombre de contaminations en ville, et par définition le seul moyen qu'on ait, c'est de confiner les gens".

Pourquoi une absence de reconfinement jusqu'ici?

Des élus du Pas-de-Calais ou des Alpes-Maritimes, zones confinées le week-end, ont plusieurs fois pointé du doigt la situation dans ce département, aussi, voire plus, touché que leurs territoires. "Il y a de telles interactions sociales entre un département francilien et un autre que mettre en place des mesures le week-end en Seine-Saint-Denis, ça voudrait dire les mettre en place dans toute l'Île-de-France", avait expliqué début mars le ministre de la Santé Olivier Véran.

"Nous, nous voulons absolument casser l'édpiémie, c'est à dire un confinement complet pour éviter de trier des patients, ce qui est pour nous insupportable", déclare de son côté Yves Cohen. Et "on sait que si le confinement commence demain, on a encore 15 jours à 3 semaines extrêmement difficiles (...) Pour nous c'est une obligation sanitaire de confiner".

Frédéric Lapostolle rappelle qu'actuellement, on a "entre 20 et 30% de mortalité pour les patients hospitalisés en réanimation". "Quand vous rentrez dans un service de réanimation, vous avez 30% de risques de sortir mort. Le sujet est clairement: qu'est ce qu'on fait pour réduire la facture du nombre de morts de cette maladie?", abonde Stéphane Gaudry, plaidant également pour un reconfinement.

Une accélération de la vaccination demandée

Interrogé sur BFMTV quant aux solutions pour sortir de cette crise sanitaire, Stéphane Troussel, président socialiste du conseil départemental de Seine-Saint-Denis propose côté vaccination "d'élargir les publics concernés, notamment dans les départements où l'épidémie fait rage": "Moi je suis pour qu'on abaisse le seuil à partir duquel la vaccination est désormais possible. Confinement ou pas, ça ne suffira pas s'il n'y a pas en même temps l'accélération de la vaccination."

Pour le moment, peut-être en partie à cause de sa jeune population, si la "Seine-Saint Denis a connu la plus forte mortalité pendant la première vague, elle a le plus faible taux de vaccination actuellement". "Il y a des territoires qui de base sont défavorisés, et qui prennent plus cher que les autres", note Frédéric Lapostolle, ajoutant que "notre lumière au bout du tunnel c'est la vaccination".
Salomé Vincendon
Salomé Vincendon Journaliste BFMTV