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"Emmerder" les non-vaccinés: Eric Caumes comprend "le dérapage contrôlé" présidentiel

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Ce mercredi matin, l'infectiologue, attaché à l''hôpital de La Pitié-Salpêtrière, Eric Caumes, était l'invité de Jean-Jacques Bourdin. Il a fait preuve de mansuétude à l'égard de la saillie d'Emmanuel Macron au sujet des non-vaccinés et dit son grand scepticisme sur l'opportunité d'instaurer un pass vaccinal.

Une sortie présidentielle sur l'envie d'Emmanuel Macron d'"emmerder jusqu'au bout les non-vaccinés" qu'il "comprend" et n'est visiblement pas loin de partager, et un grand scepticisme quant à l'opportunité du pass vaccinal désormais. Invité ce mercredi matin par notre journaliste Jean-Jacques Bourdin, l'infectiologue Eric Caumes a distingué la forme du fond dans l'action sanitaire de l'exécutif.

"Le médecin comprend ce dérapage - probablement contrôlé d'ailleurs", a reconnu Eric Caumes, qui officie à l'hôpital de La Pitié-Salpêtrière à Paris.

Ce mardi, Emmanuel Macron a glissé dans un entretien avec les lecteurs du Parisien qu'il avait "très envie d'emmerder les non-vaccinés" et "jusqu'au bout".

"Vous dire que les non-vaccinés ne nous exaspèrent pas serait mentir"

Le spécialiste a enchaîné: "Nous-mêmes, médecins, avons fait preuve d’exaspération et avons pu tenir des propos allant au-delà de notre pensée".

"Il y a le serment d’Hippocrate, on est obligé de prendre en charge tous les malades. Après, vous dire que ça ne nous exaspère pas, ce serait vous mentir. Ce sont ces personnes qui bloquent le système de santé", a-t-il renchéri.

Se débarrassant temporairement de sa blouse blanche, Eric Caumes a toutefois poursuivi son commentaire du propos du chef de l'Etat.

"Le citoyen est plus surpris mais se dit que la campagne électorale a débuté".

Le pass vaccinal? "Une régression sanitaire"

Alors que l'Assemblée nationale peine à examiner l'instauration du pass vaccinal - dont l'adoption à terme ne fait cependant aucun doute -, Eric Caumes a fait entendre une voix dissonnante, dénonçant un outil intempestif.

"Je ne pense pas que le pass vaccinal soit la bonne solution. J’ai même dit que c’était une régression sanitaire".

Il a expliqué son expression: "C’est un peu provocateur mais je pense qu on ne pas nier que l’infection naturelle est aussi, voire plus, efficace qu’une vaccination. On acquiert l’immunité collective par le vaccin et par l’infection naturelle, les deux".

Pragmatique, l'infectiologue a remarqué - ajoutant au recensement officiel des nouveaux cas quotidiens de Covid-19 une fourchette probable d'asymptomatiques: "Il y a probablement 500.000 infections par jour. A ce rythme-là, on obtiendra plus rapidement l’immunité par l’infection que par la vaccination".

Sa "déception" au sujet du vaccin

Mais, au fond, son "sentiment ambigu de médecin" par rapport au pass sanitaire repose avant tout sur une double déception devant le vaccin. "On est déçu car en principe on ne vaccine pas pour six mois mais pour dix ans. Et on est déçu par son efficacité. Le virus circule intensément malgré la vaccination d’une grande partie de la population", a-t-il développé.

Eric Caumes a tiré l'enseignement politique de son constat: "On se rend compte que le vaccin est de moins en moins efficace - à la fois pour empêcher la circulation du virus et en terme de durée - et en même temps on va imposer le pass vaccinal ? Il y a un paradoxe." "Et obliger les gens à se vacciner pour aller au restaurant ou au bistrot alors qu’ils auront été infectés dans le mois ou les deux mois qui ont précédé parce que là, la circulation du virus est tellement intense que de toute façon ils vont être infectés...", a-t-il poursuivi.

Il plaide déjà pour la quatrième dose

Car là encore, pour le praticien et expert, tout était affaire de chronologie, et la vaccination - dont il souligne cependant qu'elle est la meilleure protection contre les formes graves du virus - lui paraît avoir elle-même quelque chose d'anachronique: "Il y a six mois, l’obligation vaccinale faisait plus de sens que maintenant. Les gens s’infectent par centaines de milliers. Il faut vacciner des gens qui sont en train de s’infecter ? Non."

Il est un point en revanche sur lequel le médecin, qui se reconnaît "désabusé", juge qu'il est encore temps d'agir: la campagne de rappel et surtout la quatrième dose.

"Il faut se mettre en ordre de marche", a insisté Eric Caumes.

"Il va falloir se revacciner. On a raté le coche de la troisième injection en tardant trop sur le délai avec la deuxième. On devrait déjà penser la quatrième chez les personnes fragiles. Les Israéliens ont déjà commencé, et ils ne se sont pas beaucoup trompé !" a-t-il lancé.

Robin Verner
Robin Verner Journaliste BFMTV