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"C’est la politique qui l’a tué": Mamadou Garanké Diallo, boucher de Seine-Maritime visé par une OQTF, est mort en voulant rejoindre l'Angleterre

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Mamadou Garanké Diallo, jeune apprenti à Darnétal (Seine-Maritime), est décédé en tentant de fuir vers l’Angleterre. Il avait reçu, en mai, une obligation de quitter le territoire français. Sa famille, ses amis, son employeur ainsi que le maire de Rouen sont sous le choc.

À Darnétal, près de Rouen, la boucherie située rue Charles Benner est en deuil. Le 18 septembre dernier, Mamadou Garanké Diallo, son apprenti guinéen âgé de 21 ans, est mort en tentant de rejoindre l'Angleterre. Au mois de mai, il avait reçu une obligation de quitter le territoire français (OQTF).

"Cela n’aurait jamais dû arriver. Ce n’est pas normal (...), je suis malheureux par rapport à ce que la France lui a dit. Je lui avais proposé un CDI, il aurait dû être ici. C’est la politique qui l’a tué. Je l’ai trouvé très poli dès le départ. Il s’investissait bien", s'émeut Franck Bécu, le patron du commerce, qui "appréciait énormément" et "admirait" Mamadou.

En sa mémoire, la boucherie prévoit une commémoration annuelle, annonce le gérant au micro de BFM Normandie. Pour les proches de la victime, percutée par un camion près de Dunkerque (Nord) selon les informations de France 3 Normandie, la colère prédomine.

"Il est arrivé tout jeune et s’est très très bien intégré. Beaucoup pouvaient prendre modèle sur lui. C’était un être exceptionnel. Il était aimé des clients... On était sur la bonne voie. On avait fait les démarches en novembre dernier. Il pouvait travailler. C’est inadmissible, on marche sur la tête", dénonce Claude Renard, l'ancien responsable qui l'avait recruté à ses 15 ans, à propos d'une première OQTF reçue par l'apprenti en 2023.

"Il était là pour avoir un semblant de vie normale"

À l'époque déjà, cette nouvelle avait suscité l'émoi à Darnétal et plusieurs personnes s'étaient mobilisées.

Grâce à une pétition et un courrier signé par le maire de Rouen, Nicolas Mayer-Rossignol, et plusieurs députés à destination du préfet de Seine-Maritime pour alerter sur la situation dès 2023, Mamadou Garanké Diallo avait obtenu une carte d’identité consulaire, souligne France 3 Normandie.

Mais Mamadou, pourtant très apprécié de la clientèle, a reçu une seconde OQTF en mai dernier.

Mamadou Garanké Diallo et des amis devant la boucherie où il travaillait, à Darnétal.
Mamadou Garanké Diallo et des amis devant la boucherie où il travaillait, à Darnétal. © Famille Diallo

Pour lui, comme pour son entourage, "le préfet de la Seine-Maritime est fautif". "À la suite d'un contrôle au faciès, ils l’ont emmené au poste et l’OQTF est tombée. Ils ont interdit à son patron de lui offrir un CDI et lui a essayé de trouver reconnaissance en Angleterre. Cela ne doit plus jamais se produire. Notre combat continue, on ne lâchera pas l’affaire. C’est scandaleux", raconte Alain, un membre du comité de soutien du jeune homme disparu.

"Ce n’est pas normal qu’on ait demandé [à Mamadou] de partir. Il n'a pas brûlé de voitures, il était là pour avoir un semblant de vie normale. On ne l’a pas laissé avoir cela", s'insurge Lucile, une boulangère et bonne amie de la victime, au micro de BFM Normandie.

Nicolas Mayer-Rossignol dénonce la politique de Bruno Retailleau

"Mamadou, c’était un de mes fils de cœur, explique Koura, qui l'a "soutenu, élevé et accompagné". C’est une injustice, un crime et la préfecture l’a tué. C’était un jeune magnifique. La France l’a forcé à partir. Je dénonce et j’accuse le préfet et le gouvernement. Mamadou a tout quitté pour rendre la vie de sa famille meilleure. Il a appris la boucherie. Il était aimé, normand et avait les codes de la France".

"Est-ce qu’il faut être 100% parfait lorsqu’on est migrant? La réponse est non. J’accuse des gens qui pensent que ces jeunes viennent profiter de la France", poursuit-il.

Pour Nicolas Mayer-Rossignol, maire PS de Rouen, il s'agit là d'une "tragédie absolue". Il pointe la politique du ministère de l'Intérieur et de Bruno Retailleau, dont la "politique attire la mort".

"Je suis dans l’incompréhension. Tous les jours je me bats pour la réussite de nos jeunes. Il y a des gamins qui s’engagent et qui meurent, c’est ça la France? C’est la responsabilité de Bruno Retailleau. La république a failli. Ce n’est pas ça l’idée que je me fais de la France. (...) Il faut qu’on soit humain et pragmatique", estime l'élu à notre micro.

Guillaume Garet et Raphaël Luce, avec Gabriel Joly