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Parlement

"Opposition bâillonnée", "coup de force"... Bataille nocturne intense au Sénat sur l'article 7 de la réforme des retraites

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Les sénateurs LR ont décidé d'accélérer les débats sur l'article 7 de la réforme des retraites. Au grand dam de la gauche, qui entend s'opposer coûte que coûte au projet du gouvernement. PS, PCF et EELV ont fini par quitter l'hémicycle, provoquant la levée de la séance à 3h30. Les discussions reprendront ce mercredi après-midi.

Article 38, amendement de réécriture et colère de la gauche. Les sénateurs se sont livrés dans la nuit du mardi 7 au mercredi 8 mars une âpre bataille parlementaire autour de l'article 7 de la réforme des retraites, qui prévoit le report de l'âge légal de départ de 62 à 64 ans.

Débutés vers 19 heures, ce mardi, les débats ont pris une autre tournure quand, à 1h00 ce mercredi, Bruno Retailleau, président du groupe LR, a demandé le recours à l'article 38 du règlement intérieur du Sénat. Une "clôture" des débats sur les amendements de supression à l'article, déposés par la gauche, adoptée à main levée par les parlementaires.

"Les mouches ont changé d’âne"

C'est la première fois que l'article 38 du règlement du Sénat est utilisé depuis sa révision en 2015.

Colère immédiate des socialistes, communistes et écologistes. "Honte à vous! (...) Vous vous êtes laissé faire bâillonner par l'article 47-1 de la Constitution, vous voulez maintenant bâillonner l'opposition", a ainsi dénoncé le socialiste Patrick Kanner.

"Un jour historique de mobilisation, sur l'article 7, le plus important, vous décidez de bâillonner le Parlement, de censurer le Sénat", a encore accusé le président du groupe écologiste Guillaume Gontard.

"Le recours à cette procédure est un acte de faiblesse. C'est une attaque contre la démocratie !" a aussi plaidé Elianne Assassi (PCF).

"Vous avez utilisé les ressources du règlement pour faire entendre votre opposition. Le règlement est le même pour tout le monde. Nous utilisons maintenant le règlement pour faire entendre une autre voix. Les mouches ont changé d’âne", a argumenté de son côté Hervé Marseille (Union centriste)

La gauche quitte l'hémicycle

Ce premier "coup de force" a été suivi très rapidement, seulement une vingtaine de minutes plus tard, d'une deuxième manœuvre des Républicains. Celle-ci a mis le feu aux poudres. Réunis en commission, les sénateurs LR ont en effet proposé un amendement de réécriture de l'article 7.

"Son adoption ferait tomber plus de 1100 amendements", a détaillé dans l'hémicycle René-Paul Savary.

Pour empêcher ce second "coup de force", la gauche a décidé de déposer de très nombreux "sous-amendements" afin de ne pas voir se réduire la fenêtre de discussion sur le report de l'âge légal de départ à la retraite.

Les débats ont donc été suspendus le temps que ces sous-amendements soient étudiés en commission. Mais ceux-ci ont été jugés irrecevables.

L'amendement de René-Paul-Savary a donc été adopté et les amendements de gauche sont tombés. En protestation, socialistes, communistes et écologistes ont décidé de quitter l'hémicycle.

La séance a été levée et les débats reprendront en fin d'après-midi, après les Questions au gouvernement. Il ne reste plus que 75 amendements sur l'article 7, qui pourrait donc être adopté dès ce mercredi soir.

Un "deal" respecté, un timing qui interroge

Avant l'arrivée du texte dans l'hémicycle la semaine dernière, la gauche et Les Républicains avaient passé "un deal": pas d'examen de l'article 7 avant la mobilisation sociale de ce mardi, accélération des débats à partir du mercredi 8. Il n'a donc fallu attendre que quelques dizaines minutes pour que la droite utilise les armes parlementaires à sa disposition.

Mais le timing interroge à gauche. "Voilà la réponse de la droite sénatoriale a 3,5 millions de personnes dans la rue?" demande le socialiste Rémi Cardon sur Twitter.

Ce mardi, au moins 1,28 million de personnes ont en effet défilé dans les rues pour protester à la réforme des retraites. Dans de très nombreuses villes, la mobilisation est stable ou à la hausse.

Les syndicats, qui jouent leur va-tout face au gouvernement contre la réforme des retraites, ont salué une "mobilisation historique" et ont annoncé deux nouvelles journées de mobilisation.

Ariel Guez